Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/921

Cette page n’a pas encore été corrigée
4785
1786
JUDAÏSME


tions les plus diverses. Peut-être leur fonction première fut-elle de transcrire les livres sacrés : de là viendrait leur nom (sôferîm, scnbæ ou numeratores), car il est difficile de le dériver, avec les rabbins, du soin qu’ils mirent plus tard à compter les versets et jusqu’aux lettres de la Bible. Quoi qu’il en soit, les scribes faisant une étude particulière de la Loi qui, pour les Juifs, résumait toute la science, devinrent "juristes, avocats, professeurs, prédicateurs, propres enfin à remplir toutes les fonctions publiques, depuis celle de juge au sanhédrin jusqu’à celle d’instituteur dans les écoles annexées à la synagogue. Notez les noms qu’ils portent dans le Nouveau Testament : Ypapiurret ;, « scribes ou lettrés, » vojio8180tiTxaXoi, « docteurs de la Loi, » voji.ty.oi, « juristes ou jurisconsultes ; » et, de plus, dans Josèphe : îepoypaix(laTeïç, ê ?r)Y ?jTcii vôfjuov rætpi’wv, ao<fi<rzai. — Leur influence devint universelle comme leurs aptitudes et ils formèrent un des traits les plus saillants de la physionomie du judaïsme. Voir Scribe.

II. évolution du dogme.

Trinité.

Dans las

plus anciens livres de la Bible, apparaît l’Ange du Seigneur. Cet être mystérieux, distinct de Jéhovah et doué néanmoins d’attributs divins, revêt une personnalité de plus en plus accentuée. Plus tard, il reçoit de préférence le nom de Sagesse, dont l’éloge remplit des chapitres entiers. Prov., viii-ix ; Eccli., xxiv ; Sap., x. Voir Sagesse. Le judaïsme postérieur développa ces doctrines, mais en les dénaturant, dans ses spéculations sur le Verbe de Dieu, Memra, sur la Gloire, Aô5 « , ou Présence sensible de Dieu, Sekînâh, sur le Metatron qui fait fonction de médiateur attitré entre Dieu et les hommes et semble être quelque chose de plus qu’un ange créé. — L’Esprit de Dieu apparaît dès le premier chapitre de la Genèse et sa personnalité devient de plus en plus distincte. Si l’esprit qui remplit les prophètes peut n’être qu’un don créé, l’esprit de Dieu, qualifié de bon, qui instruit les Israélites, Esd., IX, 20, l’esprit de Dieu qui doit habiter au milieu d’eux, Agg., ii, 5, et l’esprit saint que Dieu envoie du plus haut des cieux en même temps qu’il donne la sagesse, Sap., IX, 17, font penser au Saint-Esprit dont ils offrent les caractères. Voir Weber, Jùdische Théologie, 2e édit., Leipzig, 1897, c. xiii, Mittlerische Hypostasen, p. 177-195.

Angélologie et démonologie.

D’un bout à l’autre

de l’Écriture, on constate l’existence et l’action des bons et des mauvais anges. Cependant, avant la captivité, ni anges ni démons ne sont désignés par des noms propres, la hiérarchie des puissances infernales n’apparaît pas encore et celle des esprits bienheureux est plutôt insinuée qu’affirmée par les noms de milice céleste, d’armée du Seigneur, et.par les appellations diverses d’anges, de chérubins, de séraphins. Ces doctrines se précisent et se. complètent à partir de la captivité. Nous apprenons les noms de Gabriel, Dan., viii, 16 ; ix, 21, de Raphaël, ïob., iii, 25, etc., de Michel, Dan., x, 13, 21, xii, 1, du démon Asmodêe. Tob., iii, 8. Satan, qui désignait autrefois un adversaire quelconque, mais que l’auteur de Job emploie déjà par antonomase pour signifier l’ennemi infernal, devient désormais un terme courant. Zach., iii, 1, 2 ; cf. I Par., xxi, 1 ; II Reg. xix, 22 ; III Reg., v, 4. Nous voyons maintenant une hiérarchie dans le ciel, Dan., x, 13, 21 ; xii, 1, et la croyance à l’ange gardien des individus et des peuples que les écrits antérieurs, Gen., xlviii, 16 ; Jud., xiii, 20, avaient déjà indiquée, se révèle avec une clarté toujours croissante. Mais c’est dans les livres apocryphes composés aux approches de notre ère que l’angélologie et la démonologie prennent des proportions démesurées. Les imaginations échauffées se donnent libre carrière. Le Livre d’Hénoch, le Livre des Jubilés, V Apocalypse de Baruch sont remplis des rêveries les plus extravagantes. Nous y trouvons, avec l’ange de la face et l’ange de la sainteté, les anges (ou génies) de la tempête, des ténèbres, du tonnerre, de la

grêle, du froid et du chaud, de l’hiver et de l’été, de la terre et du ciel, du matin et du soir, etc. Livre des Jubilés, ii, 1-2, dans Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., 1900, t. ii, p. 41. Une section très considérable du Livre d’Hénoch, vi-xxxvi, a pour thème l’histoire des anges et des démons. On y lit par exemple le nom des vingt décurions, placés à la tête des deux cents anges déchus, qui enseignèrent aux hommes l’impiété et les sortilèges, péchèrent avec les femmes dont ils eurent des enfants de trois cents coudées, etc. Kautzsch, t. ii, p. 238-257.

Eschatologie.

La théologie des fins dernières

était peu développée chez les anciens Hébreux. Le schéol n’offrait à leur esprit que des idées vagues : c’est qu’ils le concevaient à la fois comme le lieu des âmes et celui des corps, comme un séjour commun aux bons et aux méchants. Le sche’ôl était en même temps ou tour à tour l’enfer et les limbes. — Les livres prophétiques sont pleins de descriptions terribles du jour du Seigneur, mais il est difficile de dire si ce jour représente un jugement des vivants ou un jugement des morts, une manifestation particulière de la justice de Dieu ou une série graduée de vengeances divines s’étendant à plusieurs siècles. — Enfin, pour des raisons qu’il n’y a pas lieu d’étudier ici, l’immortalité de l’âme que les patriarches ne pouvaient ignorer, vu leurs rapports avec la Chaldée et l’Egypte, n’a pas grand relief dans les écrits antérieurs à la captivité. — Sur tous ces points la lumière augmente graduellement au sein du judaïsme. Voir Ame, t. i, col. 461-464 ; Enfer, t. ii, col. 1792-1795.

III. Origine du judaïsme.

I. sfsteme rationaliste. — Selon la formule de Wellhausen, le judaïsme se distingue de l’ancien Israël par l’intrusion subreptice de la loi dite mosaïque : Lex autem subintravit. Voici les points fondamentaux du système. — 1. Cent ans après la ruine de Samarie, il y eut une tentative de centralisation du culte autour du Temple de Jérusalem, amenée par la découverte c’est-à-dire la composition du Deutéronome ; mais cette tentative ne réussit qu’à moitié, malgré la connivence des prêtres et des prophètes et l’appui du pouvoir civil. — 2. C’est pendant la captivité de Babylone que s’élabora l’unification. Le projet de réforme du prêtre-prophète Ézéchiel ne fut pas adopté ; mais le Code sacerdotal faussement attribué à Moïse et promulgué par le prêtre-scribe Esdras, vers 444, eut plus de succès. — 3. En même temps, l’histoire sainte fut racontée dans les Paralipomènes de manière à faire croire à l’origine mosaïque de la nouvelle législation ; les anciens livres furent remaniés dans le même sens, par suppressions, changements, interpolations. — 4. Le judaïsme ainsi constitué donnait au clergé non seulement la prépondérance, mais une influence à peu près exclusive : — a. Le temple de Jérusalem est reconnu comme centre unique du culte. — b. Le rituel établit d’innombrables sacrifices, dont les prêtres ont la charge et le profit. — c. Des fêtes périodiques rassemblent tout le peuple autour du sanctuaire et le tiennent sous la main du clergé. — d. Les prêtres sont désormais distingués des lévites et forment une aristocratie influente et riche. — e. Les dîmes et autres revenus considérables prévus par la Loi achèvent de faire du clergé une institution puissante. — 5. Le judaïsme ainsi formé alla se développant peu à peu sous l’action des influences étrangères. L’influence persane est sensible dans la démonologie et l’angélologie, dans la morale, dans le dogme de la résurrection. L’influence grecque se manifeste par le scepticisme, par la philosophie et par les spéculations sur la Sagesse. — En un mot, développement naturel activé par de pieuses fraudes, syncrétisme d’éléments divers venus du dehors, " voilà comment s’explique tout le judaïsme. Pour l’appréciation du premier point, voir Pentateuque. Nous n’avons à parler ici que des influences étrangères.