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JUDAÏSANTS


dans ce verset la mention de partis réels, Banr trouve dans les sectateurs de Pierre et du Christ des judaïsants proprement dits, dont les plus fanatiques sont les derniers. Tout au contraire, pour Lisco, Paulus Antipauhnus, Berlin, 1896, les sectateurs du Christ sont favorables à Paul et aux fidèles de la gentilité, tandis que Rabiger, Die beiden Briefe des Paulus an die korinth. Gemeinde, Breslau, 2e édit., 1886, revient à l’opinion des anciens Pères, Clément de Rome, Origène, Augustin, Chrysostome, au gré desquels il n’y avait point à Corinthe de parti du Christ. Voir Corinthiens (Première Épître aux), t. ii, col. 985 ; cf. Rohr, Paulus und die Gemeinde von Korinth, Fribourg-en-Brisgau, 1899, 5e section : Parteiungen undParteien, p. 70-149. — De quelque nom qu’on les appelât, les judaïsants étaient très actifs à Corinthe. Des esprits brouillons, des cerveaux étroits y avaient organisé une véritable contre-mission pour ruiner le prestige et l’œuvre entière de Paul. On lui contestait son titre d’apôtre, II Cor., xi, 5 ; xii, 11-12 ; on s’autorisait contre lui de lettres de recommandation vraies ou supposées, II Cor., iii, 1 ; cf. xi, 13-15 ; on faisait sonner bien haut, pour le rabaisser, la prééminence des Douze, I Cor., ix, 1-5 ; il semble qu’on lui reproche aussi des variations de doctrine, de la légèreté, de la vaine gloire, qu’on se fait une arme de sa modestie, de sa condescendance, de son humble extérieur. II Cor., xi, 7-12, 16-18 ; x, 10-13 ; i, 17-20, etc. Ces attaques, qui obligent Paul à de longues apologies,

Cor., ii, 1-ni, 3 ; ix ; II Cor., x-xii, etc., trahissent la présence de ses adversaires acharnés, les judaïsants. Cependant il ne paraît pas [que le mal fût encore consommé. Les ennemis semaient l’ivraie, la mauvaise herbe commençait à lever et menaçait d’étouffer le bon grain, mais il était encore temps de l’arracher. Il est extrêmement important de remarquer que l’unité n’était pas rompue, que les partis, si l’on peut leur donner ce nom, ressemblaient plus à des coteries qu’à des schismes. Tout porte à croire que les deux lettres de l’Apôtre et la longue visite dont il les fit suivre suffirent à extirper le mal.

2. Églises de Galatie.

Nous pensons que l’Épitre aux Galates fut écrite peu après les deux Epitres aux Corinthiens et avant l’Épitre aux Romains. Sur les destinataires de l’Épitre, voir Lightfoot, Eptstle to the Galatians, 2e édit., Londres, 1892, p. 1-35 ; Sieffert, Der Bnef an die Galater, 9e édit., Gottingue, 1899, p. 1-17 (en Javeur des Celtes ou Galates du Nord) ; Ramsay, Church in Rom. Empire, p. 74-111 ; Cornely, Conimentar, Paris, 1892, p. 359-363 ; Introductio, t. iii, p. 415422 (en faveur des Galates du Sud ou Pisidiens et Lycaoniens). — La situation morale ressort assez clairement du texte lui-même. Les judaïsants allaient répétant partout que Paul n’était pas un véritable apôtre comparable aux Douze, qu’il n’avait pas connu le Christ et, par suite, ne pouvait tenir de lui sa mission, qu’il prêchait un évangile humain. Cf. Gal., 1, 1, 7, etc. Ils enseignaient la nécessité de la circoncision même pour les gentils, v, 2 ; vi, 12, sans peut-être insister beaucoup sur l’obligation d’observer toute la Loi qu’entraînait la circoncision, obligation que Paul ne manquera pas de rappeler, v, 3 ; VI, 13. On a aussi l’impression qu’ils accusaient sa morale de laxisme. Cf. Gal., v, 13. — Les agitateurs étaient certainement d’origine juive, v, 12 ; vi, 13 ; cf. iii, 28 ; v, 6 ; vi, 15 ; ils judaïsaient au moins autant que le parti pharisien lors de l’assemblée de Jérusalem, Act., xv, 1, 5 ; Gal., ii, 4 ; eux aussi se réclamaient de l’autorité des vrais, des * grands Apôtres » (ol ûirepXfav àTrôatoXoi, II Cor., xi, 5 ; iii, 11), des « colonnes » de l’Église. Gal., n, 6, 9. Ils avaient déjà fait quelques progrès, iv, 9-10, « t séduit plusieurs âmes, iii, 1 ; v, 7. Néanmoins, le mal n’était pas sans remède ; le pas décisif n’était pas fait « ncore, v, 2 ; iv, 21, et l’Apôtre espérait toujours pré--server ses chers Galates de la perversion, v, 1, 10, mais

c’était un espoir mêlé de crainte, iv, 11. Nous ne connaissons pas le résultat de sa lettre, mais tout nous persuade qu’elle eut un plein succès.

3. Église de Rome.

L’école de Tubingue voyait dans l’Épitre aux Romains un manifeste dirigé contre les judaïsants. On regardait comme incontestable que la masse des chrétiens étaient des Juifs convertis. Or, s’il est un fait certain, c’est que l’église de Rome était une église mixte, mais où les gentils prédominaient de beaucoup. Cf. Rom., i, 5-7, 13-15 ; xi, 13 ; xv, 14-16. On ne trouve pas dans l’Épitre la moindre trace de polémique directe. Si, comme il est probable, les faibles, xiv, 1, qui font des distinctions entre les jours et les aliments, xiv, 2-10, sont des judéo-chrétiens, ce ne sont pas les judaïsants, puisque l’Apôtre les tolère et ordonne aux fidèles éclairés, qui sont la majorité, de les supporter patiemment. — Ce n’est pas l’imminence du péril judaisant qui poussa l’Apôtre à écrire son Épître aux Romains. Après les désordres qui venaient d’agiter si violemment les églises de Galatie et de Corinthe, saint Paul voulut faire un large exposé doctrinal de son enseignement qui, désormais, couperait court aux chicanes et préviendrait de nouveaux troubles. Il adressa ce traité à l’église qu’il allait bientôt visiter en personne et dont il prévoyait sans doute les glorieuses destinées.

Deuxième phase.

Les Epitres pastorales. —

Après l’Épître aux Romains, la question judaisante traversa une période d’accalmie. Les Epitres de la captivité ne conservent presque aucune trace de ces controverses et s’attaquent à un ennemi tout différent, un faux mysticisme philosophique où nous apercevons les germes de la gnose. L’Épitre aux Philippiens renferme une vive sortie contre les docteurs judaïsants, « ces chiens, ces ouvriers pervers, qui se glorifient dans la chair. » Cf. Phi !., i : i, 2-4. Mais il ne semble pas qu’ils fussent actifs en ce moment dans l’église de Philippes. Ce n’est qu’un souvenir du passé, tout au plus une allusion à quelque fait éloigné. — Au contraire, dans les Epitres pastorales nous trouvons deux mentions des judaïsants. On ne peut les méconnaître dans ces vains discoureurs « qui veulent être docteurs de la Loi et qui ne savent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment avec tant d’assurance ». I Tim., i, 7 (vo|io8181%(7xaXoi). On les reconnaît aussi aisément dans ces « querelles et disputes au sujet de la Loi ». Tit., iii, 9 (votnxi ;). Cf. J. Thomas, L’Église et les judaïsants à l’âge apostolique, dans les Mélanges d’histoireetdelittératurereligieuse, Psirïs, 1899, pA-l%.

IV. DERNIERS VESl’IGESDES JUDAÏSANTS. — L’histoire

des judaïsants, après le siècle apostolique, devient assez obscure. Les écrivains ecclésiastiques n’ayant pas tous une connaissance personnelle des diverses sectes, dont les dogmes ont pu et dû changer avec le temps, en parlent souvent d’après leurs prédécesseurs ; quelques auteurs vont jusqu’à confondre les sectes juives avec les sectes chrétiennes et rangent les pharisiens, les sadducéens, les esséniens, parmi les hérésies primitives. Il ne faut pas perdre de vue que les premiers hérésiarques, bien que Juifs ou plutôt Samaritains d’origine, comme Simon le Magicien, Dosithée et Ménandre, ne peuvent pas être comptés au nombre des judaïsants. Leur doctrine est un mélange bizarre et monstrueux d’éléments païens, juifs et chrétiens, avec une tendance aux spéculations cosmogoniques qui les feront considérer plus tard comme les pères du gnosticisme. Les vrais judaïsants, ce sont les judéo-chrétiens restés obstinément attachés à la lettre morte de la Loi. Déjà saint Ignace s’élève fortement contre ces pratiques sans raison d’être : « Pour quiconque croit à Jésus-Christ, dit-il, il est absurde de judaiser. » Magnes., x, 3 ; cf. viii, 1 ; Philad., vi, 1, dans Funk, Patres apostol, 2e édit., 1901, t. i, p. 238, 236, 268. Saint Justin est moins sévère. « À son avis, » les observateurs de la Loi peuvent se sauver, pourvu qu’ils ne l’imposent pas aux gentils convertis comme si elle était