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JOURDAIN


Adrien Reland, Palœstina, Utrecht, 1714, p. 271. Saint Jérôme suppose que Yardên est composé des deux mots IN’, Yê’ôr, et yi, Dan. L’une des sources du Jourdain se trouve en effet à Dan, mais la ville de Dan ne prit ce nom qu’à l’époque des Juges, auparavant elle s’appelait Lais, Jud., xviii, 29 ; or, le Jourdain portait déjà ce nom à l’époque d’Abraham. Gen., xiii, 10. On pourrait répondre, il est vrai, quoique ce soit invraisemblable, que ce fleuve est appelé ainsi dans l’Écriture par anticipation, ou, comme on dit, par prolepse ; ce qu’on ne peut, en tout cas, contester, c’est que la première syllabe de Yar-dên est totalement différente de Ye’ôr, ce second mot rentermant un aleph qui n’est pas dans Yar-dên. Ce qui a induit saint Jérôme en erreur, c’est qu’il a cru que Jor signifiait en hébreu « fleuve ou rivière ». « Jor quippe, dit-il, peïBpov, id est fluvium Sive rivutn Hebrsei vocant. » Onomasticon, édit. Larsow

lequel il est désigné aujourd’hui par les Arabes. On y ajoute quelquefois l’épithète A’el-qébîr, « le grand, » pour le distinguer de son affluent l’Hiéromax ou Yarmouk, connu des indigènes sous le nom de Scheriat eJ-Menadhiréh. Voir Newbold, The Lake Phiala ; the Jordan and ite sources, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xvi, 1856, p. 13.

II. Historique de l’exploration du Jourdain. — Le Jourdain, au point de vue physique et au point de vue religieux, occupe une place à part dans la géographie et dans l’histoire. Aucun autre fleuve du monde n’est sacré comme lui pour les Juifs et les chrétiens et, sur toute la surface du globe, aucun cours d’eau ne présente des caractères aussi extraordinaires et aussi singuliers. Cependant, jusqu’au XIXe siècle, il est resté une des rivières les plus mal connues, quoique son nom fût dans toutes les bouches et que des milliers de pieux

201. — Le Jourdain personnifié. Arc de triomphe de Titus, à Rome. D’après J. P. Bellori et J. J. de Rubeis, Veteres Arcua Augustorum, in-f 1, Rome, 1690, pl. 6.

et Parthey, 1862, p. 169. Or, les Israélites n’appelaient pas un cours d’eau ye’ôr. Ce mot est égyptien et désigne le Nil, et il n’est employé dans l’Ancien Testament que comme appellation du grand fleuve d’Egypte. Le nom

du Jourdain, ’i « ± 1 - Irduna, se lit en égyptien sur le papyrus Anastasi l (23, 1), publié par Fr. Chabas, Voyage d’un Égyptienen Syrie, in-4°, Paris, 1866, p. 206. Ct. W. Max Muller, Asien u.nd Europa, Leipzig, 1893, p. 97, 196. —Il est d’ailleurs à remarquer que l’Ecriture, qui fait précéder ordinairement les noms des cours d’eaux du mot nâhâr, « fleuve ou rivière » qui ne tarit point, ou bien nafral, s’il s’agit d’un torrent qui ne coule qu’après les pluies et tarit une partie du temps, sur les 198 fois qu’elle nomme le Jourdain, ne le qualifie jamais de nâhâr, et le nomme toujours simplement « le Jourdain » dans l’Ancien Testament. Dans le Nouveau, saint Marc seul l’appelle une fois, I, 5, itoxanôc, fluvius. La Vulgate traduit Jordanis fluvius, Jos., vii, 7 ; xili, 23 ; xv, 5 ; xxii, 25 ; flumen, Judith, I, 9, et fluenta Jordanis, Num., xiii, 30 (hébreu, yad, « rive » ) ; Jos., v, 1 (maim, « eaux » ) ; xiii, 8 ; Jud., vii, 25, mais c’est toujours une addition au texte original. — Dans les anciennes chroniques arabes, le Jourdain est appelé e-Vrdunn, défiguration de son nom hébreu. Reland, Palœstina, p. 271. Après les croisades, il reçut dans le pays le nom A’escli-Scherïah, « l’abreuvoir, » sous

pèlerins se fussent baignés dans ses eaux. La Bible ne nous en a laissé aucune description. On ne savait guère de lui que ce que nous en apprend Josèphe. Les auteurs prolanes l’avaient à peine connu de nom. Strabon, XVI, II, 17, édit. Didot, p. 642-643, s’est complètemeut mépris dans les deux lignes qu’il lui consacre dans sa Géographie.

Pendant les dix-huit premiers siècles de l’ère chrétienne, personne n’avait songé à l’étudier. Les innombrables relations de voyages en Terre Sainte étaient muettes sur tout ce qui regarde son cours et le régime de ses eaux. Beaucoup de pèlerins nous parlent du lieu traditionnel du baptême de Notre-Seigneur, où ils sont allés se baigner par dévotion, mais presque aucun n’a songé à parcourir les rives du fleuve, encore moins à les décrire. À la fin du vie siècle, Antonin le Martyr et saint Willibald, évêque d’Eichstadt, dans la première moitié du viii s siècle, descendirent toute la vallée du Jourdain depuis Tibériade jusqu’à Jéricho ; en 1100, le roi de Jérusalem Baudouin I er suivit la même route en sens inverse avec une petite troupe de cavaliers ; mais de leur voyage nous n’avons que la mention.

Seetzen fut le premier qui découvrit de nouveau en 1806 les sources du Jourdain, et ce n’est qu’en 1852 que Ed. Robinson et Smith décrivirent le véritable cours des trois sources du fleuve. Le rabbin Joseph Schwarz, Tebu’ôp hd-’Arés, Jérusalem, 1845 (nouvelle édition par Luncz, Jérusalem, 1900), les aait décrites un peu