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JOSUÉ (LIVRE DE)


cerne les parts de territoire, accordées sur la rive gauche du Jourdain aux tribus de Ruben, de Gad et à la demi-tribu de Manassé. Nous renonçons à suivre les critiques dans la détermination détaillée des divers passages de Josué qu’ils rapportent à ces différentes sources. On peut consulter leurs ouvrages, qui sont loin de s’accorder sur les détails. Voir J. Wellhausen, Die Composition des Hexateuclis und der historischen Bûcher des A. T., 2e édit., Berlin, 1889, p. 118-136 ; Cornill, Einleitung in dos A. T., 4e édit., Fnbourg-en-Brisgau et Leipzig, 4896, p. 79-83 ; Driver, Einleitung in die Litteratur des A. T., trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 108121 ; Smith et Fuller, À Diclwnary of the Biblc, 1e édit., Londres, 1893, t. i, part. II, p. 1811-1815 ; A. Hauck, Itealencyklopâdie fur protestant. Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1900, t. ix, p. 390-392 ; W. H. Bennett, The book of Joshua, Leipzig, 1895, édition critique et coloriée, dans laquelle la différence des couleurs indique les emprunts à des documents différents.

Que faut-il admettre de ces conclusions ? Que faut-il penser de ces hypothèses ? Il est d’abord constant que les Juifs n’ont jamais connu l’étroite connexion du livre de Josué avec le Pentateuque dans un seul ouvrage, divisé plus tard en six tomes. Aussi haut que l’on peut remonter à l’aide des documents et sans recourir aux hypothèses, on voit qu’ils ont fait des livres de Moïse et de Josué deux ouvrages complètement distincts. Les auteurs du Canon hébraïque, quels qu’ils soient d’ailleurs, ont classé le Pentateuque dans une catégorie à part et rangé le livre de Josué dans une série différente, celle des prophètes, dans laquelle il occupe la première place. Le traducteur grec de l’Ecclésiastique mentionne déjà dans sa préface la division de la Bible hébraïque en trois classes d’écrits et il sépare la « loi » des « prophètes ». Quelques critiques reconnaissent, du reste, que le livre de Josué a été séparé du Pentateuque avant Esdras. Ils sont obligés d’avouer aussi que les Juifs n’ont gardé aucun souvenir de la prétendue unité primitive de l’Ilexateuque, et ils ont recours à des arguments internes, à la ressemblance de fond et de forme, pour prouver cette unité originale. Ces raisons sont-elles valables - et suffisent-elles à ébranler la croyance traditionnelle à l’indépendance du livre de Josué ? « Le livre de Josué se rattache étroitement au Pentateuque, il est vrai, parce qu’il prend l’histoire du peuple hébreu au point où s’arrête la conclusion du Deutéronome. Les tribus que Moïse avait emmenées d’Egypte ne moururent pas avec lui ; leur histoire ne finit pas avec celle de leur libérateur ; elles continuèrent sans lui ce qu’elles avaient fait jusqu’alors avec lui ; elles étaient déjà sur les bords du Jourdain ; il n’y avait plus qu’à le franchir pour entreprendre la conquête de cette Terre Promise, depuis si longtemps l’objet de leurs vœux et de leurs désirs. L’écrit qui porte le nom xle Josué nous raconte l’histoire de cette conquête ; il a, par là même, avec les livres qui le précèdent le lien qu’ont entre eux les événements. Mais là se borne la connexion : il est la continuation des écrits de Moïse ; il n’en est pas une partie. » Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, t. iv, p. 441.

D’autre part, il forme en lui-même un tout complet et indépendant. Par sa composition, il présente, malgré des ressemblances nécessaires avec le Pentateuque, une véritable originalité de fond et de forme. Il a un plan qui lui est propre et qui lui donne une visible unité. Son sujet est la conquête et le partage de la Palestine par Josué. Son but est manifeste. L’auteur ne se propose pas seulement de continuer l’histoire du peuple juif après la mort de Moïse ; il veut surtout montrer par son récit la fidélité avec laquelle Dieu a tenu ses promesses faites aux patriarches et renouvelées à Moïse. Il raconte la façon prodigieuse dont le Seigneur a mis son peuple en possession de la Terre Promise. Les événements qu’il rapporte tendent tous à faire voir l’intervention divine dans la

conquête. Les détails du partage aboutissent â la même fin, et l’auteur en termine la relation par ces paroles significatives : « Et le Seigneur Dieu donna à Israël toute la terre qu’il avait juré de livrer à leurs pères… et pas une des paroles qu’il avait promis d’accomplir ne demeura sans effet, mais toutes furent réalisées par les événements, » xxi, 41, 43. Dans ses deux discours, Josué tire les conclusions pratiques qui découlent de cette fidélité de Dieu à tenir ses promesses : les Israélites doivent de leur côté être fidèles à observer les préceptes divins ; sinon, ils attireront sur eux les malédictions que le Seigneur a portées contre les prévaricateurs. À ce point de vue, on peut dire que le livre de Josué complète le Pentateuque, mais comme les Actes des Apôtres continuent les Évangiles. Le récit de l’accomplissement des promesses divines à l’égard d’Israël n’est pas nécessairement l’œuvre du rédacteur du Pentateuque ; un autre écrivain, imprégné de l’esprit de Moïse comme l’était Josué, a fort bien pu l’écrire après les événements. Si le rédacteur définitif de l’Hexateuque avait combiné habilement les sources du livre de Josué, il aurait dû rattacher ce récit de l’accomplissement des promesses aux Nombres et ne pas intercaler entres les deux parties de sa narration un ouvrage législatif tel qu’est le Deutéronome. Enfin, la forme du récit est elle-même différente. Le livre de Josué n’est pas, comme l’Exode et les Nombres, une sorte de journal écrit au fur et à mesure des événements, iii, comme le Lévitique, un code de législation, ni, comme le Deutéronome, une série de discours. Il présente donc une physionomie à part, et les critiques sont obligés d’avouer que les sources qu’ils admettent y sont mêlées et combinées d’une autre façon que dans le reste de l’Hexateuque.

Assurément, il existe entre lui et certaines parties du Pentateuque de grandes ressemblances de fond et de forme. Il n’y a en cela rien d’étonnant, puisque le livre de Josué est la suite immédiate de l’histoire, racontée dans le Pentateuque. Des divergences notables seraient, au contraire, surprenantes. Le peuple juif venait de recevoir au Sinaï sa législation ; il devait la suivre et l’appliquer autant que les circonstances le permettaient. Il n’avait pas en si peu de temps changé d’esprit ni de caractère ; il réalisait, sous la conduite de Josué, ce que Dieu avait promis à Moise. Josué avait été longtemps le serviteur de Moïse, avant de devenir son successeur. II s’était préparé à sa mission sous les yeux et par les conseils de son prédécesseur. Il avait les mêmes idées et il n’est pas étonnant que ses derniers discours reproduisent les mêmes enseignements que ceux de Moïse dans le Deutéronome. Le style est semblable en bien des points à celui du Pentateuque. Cela doit être ; la langue hébraïque, au temps de Josué, n’avait pas beaucoup changé depuis l’Exode. Néanmoins, on constate dans ce livre des particularités linguistiques. Nous ne ferons pas trop fends sur l’absence de certains archaïsmes, , qu’on observe dans la Genèse. Outre qu’ils manquent déjà dans les autres livres de Moïse, on nous répondrait qu’ils proviennent simplement d’une divergence orthographique de points-voyelles chez les Massoreles ou dans les manuscrits, différence dont on ne peut d’ailleurs donner l’explication. Nous raisonnerons de même au sujet de la prononciation différente du nom de Jéricho : Yerêhô, onze fois dans le Peutateuque, Yerîlio, vingt-sept fois dans le livre de Josué. Voir Jéricho. Mais il est d’autres locutions plus caractéristiques. Dieu est nommé, iii, 11, 13, « le Seigneur de toute la terre, » dénomination qui n’apparaît jamais dans le Pentateuque. Il y est appelé encore t Dieu d’Israël » vingt-quatre fois, alors que ce nom n’est employé que deux fois dans le Pentateuque. Exod., v, 1 ; xxxii, 27. On lit quatre fois, i, 14 ; vi, 2 ; viii, 3 ; x, 7, l’expression b>n niaa, gibbôrê

l.taïl, qu’on ne rencontre nulle part, sinon dans le.