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JOSEPH

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de l’autorité, parce qu’il servait en même temps de sceau pour les actes publics ; ce que les égyptisants appellent aujourd’hui le cartouche, dans lequel le roi insérait ses noms et prénoms, n’est qu’un anneau dans lequel la gravure remplaçait le chaton moderne ; cet usage existe encore de nos jours dans la chancellerie pontificale : c’est avec Vanneau du pêcheur que le Souverain Pontife marque toutes ses encycliques et ses bulles ; le collier était l’ornement de tous les grands personnages. Voir la collation du collier, t. ii, col. 837, fig. 308. Les Égyptiens avaient du reste une vraie passion pour les bijoux : « Hommes et femmes aimaient les bijoux et se chargeaient le cou, la poitrine, le haut des bras, les poignets, la cheville, de colliers et de bracelets à plusieurs rangs. C’étaient des files de coquillages perforés, mêlés à des graines, à de petits cailloux brillants ou de forme bizarre. On substitua, par la suite, des imitations en terre cuite aux coquilles naturelles et des pierres précieuses aux cailloux, ainsi que des perles d’émail, les unes rondes, les autres allongées en poires ou en cylindres : plusieurs plaquettes en bois, en os, en ivoire, en faïence, enterre colorée, percées de trous où passer les fils, maintenaient l’écart entre les rangs et fixaient les extrémités du collier. » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 57-58. Cf. Rosellini, Monumenli storici, pl. v, 18 ; Schweinmrth, Les dernières découvertes botaniques dans les anciens tombeaux de l’Egypte, dans le Bulletin de VInslitut égyptien, 2 « série, 1886, t. vi, p. 261 ; Maspero, Guide du visiteur, in-16, Boulaq, 1883, p. 270-271, n. 4129, 4130 ; p. 276, n. 4160 ; E. B. Tylor, Primitive Culture, 2 in-8°, Londres, 1891, t. ii, p. 189, 205. — Après lui avoir remis l’anneau et le collier, le Pharaon changea son nom et lui lit épouser Aseneth, fille de Putiphar, prêtre d’Héliopolis, Gen., xli, 45. Voir ces noms.

y. joseph premier MINISTRE. — Joseph avait donc subi une épreuve de treize ans. Dieu venait de récompenser sa foi et ses vertus ; il était âgé de trente ans lorsqu’il fut élevé à la seconde dignité du royaume. Gen., xli, 46. Désormais savie se résume dans deux grands faits : son administration et sa conduite à l’égard de ses frères et de son père.

Administration de Joseph.

Joseph commença.

par visiter toute l’Egypte, l’inspection des provinces était encore un devoir des ministres du roi. Arrivent les sept années de fertilité pendant lesquelles on entasse dans les greniers royaux de grandes provisions de hlé. Gen., xli, 45-49. — Quiconque a étudié l’égyptologie n’a aucune peine à comprendre l’exactitude de ces détails. La culture du blé était une des principales occupations et des principales ressources des Égyptiens ; elle absorbait toute une armée d’ouvriers, qui se partageaient les différentes besognes. Dans la cité royale, il y avait un bâtiment appelé la « Maison des grains », Pahabou, Brugsch, Dictionnaire hiéroglyphique et démotique, 7 in-4°, Leipzig, 1880-1882* Supplément, p. 749750, au mot À ri ; dans toutes les villes, presque dans toutes les maisons il y avait des greniers, sennou, pour recevoir le blé. Les greniers « étaient de vastes réceptacles en briques, ronds, terminés en coupoles, accotés par dix et plus, mais sans communication de l’un à l’autre. On n’y voyait que deux ouvertures, l’une au sommet par laquelle on introduisait le grain, une au niveau du sol par laquelle on le retirait : un écriteau affiché au dehors, souvent sur le volet même qui fermait la chambre, annonçait l’espèce et la quantité des céréales. La garde et la gestion en étaient confiées à des troupes de portiers, de magasiniers, de comptables, de primats (hhorpûû) qui commandaient les manœuvres, d’archivistes, de directeurs (mirou). » Maspero, Histoire anc, t. i, p. 285, 286. Voir Grenier, fig. 76-78, col. 344-345. Cf. Maspero, Trois années de fouilles, dans les Mémoires de la mission française, Paris, 1889, 1. 1, pl. m ; Études égyptiennes, t. ii, p. 181-182 ; Rosellini, Monumenti civili, pl. xxxiv, I

2 ; Newberry, Béni Hasart, t. i, pl. xiii. Sur ces entrefaites Joseph eut deux fils qu’il appela Manassé et Éphraim d’une manière symbolique. Gen., xli, 50-52. Aux années de fertilité succédèrent les sept années de disette : de tout côté on se rendit en Egypte pour se procurer du blé ; mais les provisions de blé mises en réserve sur toute la surface du territoire ne tardèrent pas à s’épuiser. L’Egypte elle-même fut affamée ; on s’adressa au Pharaon pour lui demander de quoi vivre ; le Pharaon se contenta de renvoyer le peuple à Joseph. Durant ces jours de détresse, Joseph fut la providence de l’Egypte et de beaucoup d’autres régions : il fit ouvrir tous les greniers et vendit du blé aux Égyptiens. Gen., xli, 53-56.

2° Conduite de Joseph à l’égard de ses frères et de son père. — La famine avait dépassé les frontières de l’Egypte et envahi le pays de Chanaan : de partout on se rendait en Egypte pour acheter des subsistances. Le patriarche Jacob, ayant entendu dire qu’on vendait du blé en Egypte, ordonna à ses enfants de s’y rendre pour y acheter le nécessaire et échapper ainsi à la mort. Les enfants de Jacob, à l’exception de Benjamin, se rendirent donc en Egypte pour y acheter du blé ; ils se présentèrent à Joseph et se prosternèrent devant lui. Celui-ci les reconnut et fit semblant de les traiter un peu durement : il feignait de les prendre pour des espions ; ses frères se défendirent contre une pareille imputation. Joseph insista et les soumit à une épreuve : après les avoir gardés trois jours en prison, il les remit en liberté et leur ordonna de retourner chez eux et de revenir en Egypte en amenant avec eux leur dernier frère Benjamin : en attendant leur retour, il garda Siméon comme otage. Les frères partirent avec leurs ânes chargés de blé, et racontèrent à Jacob ce qui s’était passé. Cependant la famine continuait à ravager le pays de Chanaan ; le blé du premier voyage étant consommé, Jacob ordonna à ses fils de retourner en Egypte avec des présents pour le gouverneur et, sur les instances de Juda, après avoir longtemps résisté, il consentit à laisser partir Benjamin. Gen., xlii-xliii, 1-14. — La scène des dons, des présents et des tributs est tout à fait conforme aux habitudes des peuples orientaux ; on la trouve fréquemment représentée dans la plupart des tableaux thébains de la xviip dynastie, voir t. ii, col. 1067, fig. 384, les présents offerts par les Amou. Voir aussi t. i, col. 715. fig. 179. — Les frères de Joseph retournèrent donc en Egypte. Joseph ordonna à son intendant de les faire entrer dans sa maison et de préparer un festin pour midi ; l’intendant s’acquitta de sa commission, et en même temps remit Siméon en liberté. Joseph étant entré, ses frères lui offrirent leurs présents, et, selon la coutume orientale, ils le saluèrent en se baissant jusqu’à terre. Joseph leur demanda des nouvelles de leur père, et, ayant aperçu Benjamin, il fut ému. Après être sorti pour pleurer, il resta pour dîner avec ses frères qu’il traita avec la plus grande déférence, surtout Benjamin. Gen., xliii, 15-34. — Le verset 32 contient un détail tout à fait égyptien. Hérodote, H, 41, nous apprend qu’il n’était pas permis aux Égyptiens de manger avec des étrangers ; nous savons, d’autre part, qu’aux repas des Égyptiens, chaque convive avait sa table. Wilkinson, Manners and Customs, 1878, t. ii, p. 391, 393 ; Lepsius, Denkmàler, X. IV, pl. xcvi ; Rosellini, Monumenti civili, pl. lxxix. Le repas fini, Joseph ordonna à son intendant de remplir de blé les sacs de ses frères et d’y déposer l’argent de chacun : il fit de plus cacher sa coupe d’argent dans le sac de Benjamin. Ses frères partirent le lendemain. Joseph envoya son intendant pour les arrêter sous prétexte qu’ilsavaient volé sa coupe ; on examina les sacs et l’on trouva la coupe dans celui de Benjamin. Ses frères revinrent tristement dans la ville, Gen., xliv, 1-13, et Joseph leur déclara qu’il garderait comme esclave celui dans le sac