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JORAM


d’un spectacle auquel ils étaient accoutumés, si l’apparence du sang ne se fût montrée là où d’ordinaire ils ne voyaient que du sable. La conséquence de leur erreur fut une déroute. Accourus en pillards sur un sol rugueux ou mouvant, ils furent battus par les troupes alliées. Le pays de Moab était ouvert. Les Israélites y pénétrèrent et, comme l’avait dit Elisée, ils détruisirent les villes, couvrirent de pierres les meilleurs champs, bouchèrent toutes les sources d’eau, abattirent les arbres utiles et vinrent cribler de traits la ville principale de Mésa, Qir tfârâèét où Kérak, dont les murailles les arrêtèrent. Le roi de Moab, enfermé dans sa capitale, vit bientôt que toute résistance était impossible. À la tête de sept cents hommes d'élite, il fit une sortie et tenta de se frayer un passage jusqu’au roi d'Édom, soit qu’il crût ses troupes plus faciles à vaincre, soit qu’il espérât pouvoir détacher de la coalition un peuple dont il n’ignorait pas les aspirations à l’indépendance. La sortie fut repoussée. Mésa se tourna alors vers le dieu de Moab, Chamos. Voir Chamos, t. ii, col. 528. Pour attirer sa protection, le roi prit son fils aîné, qui devait lui succéder, et l’immola en holocauste sur le haut de sa muraille. Ce rite sanguinaire était fort en usage chez les anciens Carthaginois, dans les calamités publiques. Cf. Tertullien, Apologet., ix, 1. 1, col. 314 ; S. Jérôme, M 7s., xlvi, 2, t. xxiv, col. 450 ; Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. ii, p. 327. Josèphe, Ant. jud., IX, iii, 2, dit qu'à la vue de ce cruel sacrifice, les rois alliés, émus de pitié, abandonnèrent le siège et retournèrent chez eux. Il est plus probable que les Moabites se détendirent avec l'énergiedu désespoir, et que les Israélites renoncèrent à emporter la place. En somme, la campagne tourna court. Elisée n’en avait pas prédit l’issue définitive et le livre des Rois se contente de dire que, dans leur indignation, les Israélites reprirent le chemin de leur pays. Cette indignation ne paraît pas avoir visé Mésa, autrement ils n’en auraient été que plus animés à l’exterminer. IV Reg., iii, 1-27. Dans l’inscription de sa stèle, le roi de Moab énumère tout ce qu’il fit à l’occasion de cette guerre. Naturellement, il ne parle pas de sa première défaite à l’entrée du pays ; mais il ne manque pas d’attribuer son salut à Chamos, auquel il bâtit un sanctuaire nouveau en témoignage de reconnaissance. Cf. Lagrange, L’inscription de Mésa, dans la Revue biblique, Paris, 1901, p. 522-545.

Battus par Achab, III Reg., xx, 29-30, dont ils avaient d’ailleurs tiré vengeance, III Reg., xxii, 31-35, les Syriens restaient les rivaux acharnés du royaume d’Israël. Joram le savait et se tenait sur ses gardes. Peut-être même les appréhensions qui lui venaient de ce côté l’empêchèrent-elles de pousser à fond sa campagne contre les Moabites. Les Syriens ne sa gênaient pas, même quand la guerre n'était pas déclarée, pour faire des razzias sur le territoire israélite. IV Reg., v, 2. Un jour Joram reçut une lettré du roi de Syrie, lui annonçant qu’il lui envoyait Naaman, général de ses armées, pour qu’il le guérit de la lèpre. Joram eflrayé crut que son voisin lui cherchait une mauvaise querelle. Il fallut qu’Elisée le rassurât et lui fit dire de lui envoyer Naaman, qu’il guérit en effet. IV Reg., v, 5-10. Les hostilités n’en reprirent pas moins bientôt après entre les deux peuples. Mais il se trouva que toutes les mesures stratégiques que prenait Bénadad II étaient aussitôt connues de Joram, qui manœuvrait en conséquence. Le roi de Sjrie crut à une trahison de la part d’un des membres de son conseil ; on l’avertit qu’Elisée, le prophète, connaissait et divulguait tous ses secrets. Il envoya des hommes pour le prendre : Elisée que ces hommes ne connaissaient pas, les conduisit lui-même jusque dans Samarie, à la merci de Joram, qui, surl’ordre du prophète, les renvoya sains et saufs à leur maître. A la suite de cette aventure, Bénadad, par crainte d’Elisée, raconte Josèphe, Ant. jud., IX, iv, 4, renonça à la

guerre de ruses et se crut assez fort pour attaquer de front le roi d’Israël. Joram s’enferma dans Samarie. Lesiège de la ville tut entrepris par ies Syriens ; il devint si rigoureux qu’une horrible famine en fut la conséquence et qu’une femme en vint à manger son enfant. Joram était désespéré ; il se revêtit d’un cilice pour donner, au moins extérieurement, l’exemple de la pénitence et essayer de fléchir le courroux divin. Puis sa fureur se tourna subitement contre Elisée. Le texte sacré ne dit pas pourquoi ; Josèphe prétend que le roi accusait le prophète de ne pas user de son pouvoir auprès de Dieu pour faire cesser tant de maux. Les émissaires du roi se rendirent à la demeure d’Elisée pour le mettre à mort : « Voici que ce fils d’assassin envoie quelqu’un pour me couper la tête, » dit le prophète, en faisant allusion au meurtre de Naboth par Achab et Jézabel. III Reg., xxi, 19. Le roi suivait son envoyé. Elisée l’avertit que le lendemain les vivres abonderaient à Samarie. La nuit suivante, en effet, les Syriens furent saisis de panique et s’imaginèrent que des Héthéens et des Égyptiens accouraient au secours de Joram. Ils s’enfuirent au delà du Jourdain, laissant après eux toutes sortes de dépouilles et de provisions. Samarie fut ainsi délivrée et copieusement ravitaillée. IV Reg., vi, 24-vn, 20. Voir Elisée, t. ii, col. 1694.

Quelque temps après, Elisée appelé à Damas auprès de Bénadad, qui était malade, prédit sa mort prochaine, et annonça à Hazæl, l’un de ses principaux officiers, qu’il serait roi de Syrie à la place de son maître. Mais il fit cette annonce les larmes aux yeux, car il savait tout le mal qu’Hazæl devait causer aux enfants d’Israël. IV Reg., viii, 7-15. Voir Hazæl, col 459. Les craintes du prophète ne tardèrent pas à se réaliser. Joram paraît avoir profité du changement de roi en Syrie pour essayer de rentrer en possession de Ramoth-Galaad. Le roi Ochozias, de Juda, sur l’avis de ses conseillers, se joignit à Joram d’Israël dans cette expédition. La ville fut prise, mais Joram fut blessé et s’en retourna à Jezræl pour se faire soigner et recommencer ensuite la guerre contre les Syriens. La ville de Ramoth-Galaad resta à la garde de Jéhu, officier de Joram, qu’Elisée envoya sacrer roi d’Israël. Voir Jéhu 2, col. 1245. À quelque temps de là, Ochozias se rendit à Jezræl, pour faire visite à Joram, , qui n'était pas encore complètement guéri de sa blessure.

Jéhu s’y transporta peu après de son côté, pour exécuter les ordres qui lui avaient été donnés par Elisée. Du haut d’une tour de Jezræl, le veilleur vit arriver une troupe. Joram envoya successivement au-devant d’elle deux cavaliers, qui ne revinrent pas. Le veilleur reconnut enfin les nouveaux arrivants : « C’est l’allure de Jéhu, car il conduit comme un fou. » Joram fit aussitôt atteler pour se porter à sa rencontre avec Ochozias. Quand il fut à portée, il s'écria : « Est-ce la paix, Jéhu ? » La réponse fut telle que le roi comprit le péril qui le menaçait. Il tourna bride. Mais Jéhu lui décocha une flèche qui l’atteignit entre les épaules et lui perça le cœur. Joram s’affaissa sur son char. Jéhu fit saisir son cadavre pour qu’on Je jetât dans le champ de Naboth. Il poursuivit ensuite Ochozias qui, blessé à son tour, s’en alla mourir à Mageddo. IV Reg., viii, 28-29 ; ix, 1629 ; II Par., xxii, 5-9 ; Josèphe, Ant. jud., IX, vi, 1-3. Ainsi périt le malheureux Joram. Il s'était montré énergique en plusieurs circonstances, avait rendu la justice à ses heures, IV Reg., viii, 4-6, s'était habilement ménagé le concours des rois de Juda et, en somme, avait profité du crédit dont Elisée jouissait auprès de Dieu. Mais il subit le prophète et le craignit sans l’aimer jamais. Durant tout son régne, il resta soumisà l’influence néfaste de sa mère, Jézabel, qui ne périt qu’après lui, , et c’est à elle surtout qu’il dut d'être un roi impie, bien que moins mauvais que ses parents. Il ne régna que.

douze ans.,

H. Lesêtre.