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JOËL (LIVRE DE)


1885. — 1. D’après eus, Joël, iii, 2-3, 6, fait allusion aux invasions assyriennes et chaldéennes. Il n’en est rien : ces passages peuvent très bien se rapporter à la perte de territoire subie par Juda à l'époque de la révolte des j Édomites suivie de celle de Lobna. IV Reg., vrn, 22. — 2. En admettant que tout le monde pût entendre la trompette résonnant dans Sion, ii, 1, 15, pour convoquer le peuple aux assemblées saintes et au jeûne, il ne s’ensuit pas que l'état fût réduit à une mince étendue, ce qui arriva après la captivité ; on peut supposer que Joël, établi à Jérusalem, s’adresse surtout aux habitants de la ville sainte. — 3. Il n’est pas non plus certain que les prêtres et les anciens aient une grande prééminence, ce qui ne se réalisa qu’après la captivité ; en effet, i, 2, les vieillards sont uniquement appelés à déclarer s’ils se souviennent d’avoir jamais vu une pareille calamité ; i, 13, les prêtres sont représentés comme ministres de l’autel, ce qui fut vrai à toutes les époques ; n, 17, ils gémissent et adressent à Dieu des prières en faveur du peuple coupable ; de ce qu’il nomme les ivrognes, i, 5, faudra-t-il conclure qu’ils occupaient une place importante ? — 4.Il n’est pas vrai que l’auteur s’en tienne uniquement à la stricte observance de la loi, qu’il ne recommande que les rites extérieurs, et qu’il n’exhorte jamais à la conversion à Dieu, comme les prophètes antérieurs à la captivité ; en effet, ii, 13, il recommande la rénovation intérieure ; et ꝟ. 12, il demande la conversion à Dieu ; et nous savons ce qu’on entendait par « conversion à Dieu », elle consistait à se détourner du péché, à abandonner les mauvaises voies, à fuir l’impiété, le culte des idoles. Cf. III Reg., VIII, 35, 47-48 ; II Par., yi, 24, 26, 37 ; Vu, 14 ; Is., vi, 10 ; x, 21 ; xxxi, 6 ; Jer., iii, 14, 22 ; iv, 1 ; xv, 19 ; xxvi, 3 ; xxxv, 15 ; Ezech., iii, 19 ; xiv, 6 ; xviii, 23, 30 ; xxxiii, 9, etc. Il n’est donc pas vrai que l’auteur soit l’adepte d’un judaïsme étroit, d’une espèce de pharisaisme légal. — 5. II n’est pas vrai non plus qu’il enseigne que les Juifs seuls seront sauvés, et que tous les autres peuples périront ; ii, 28, 32, il demande le salut de tout le monde.

— 6. Le livre de Joël n’est pas, comme on le prétend, _une espèce de mosaïque, composée de pièces empruntées aux autres prophètes ; l’auteur connaît assurément beaucoup de choses qui touchent à l’histoire, aux institutions nationales ; mais ces éléments sont contenus dans le Pentateuque, et pour les connaître, il n'était pas besoin d’utiliser les écrits des autres prophètes ; la connaissance des écrits mosaïques était suffisante. — 7. Il est faux qu’il n’y ait aucun ordre dans sa prophétie, comme nous l'établirons plus tard ; si l’auteur se rencontre sur certains points avec d’autres prophètes : jugement des nations, Joël, m (hébreu, iv), 2, et Ezech., xxxviii, 22 ; Soph., iii, 8 ; —fertilité du pays, Joël, m (hébreu, iv), 18, et Amos, ix, 13 ; — la source qui sort de la maison de Dieu, Joël, ni (hébreu, iv), 18, et Ezech., xlvii, 1-12 ; cf. aussi Zach., xiv, 8 ; — l’effusion de l’Esprit, Joël, ii, 28, et Ezech., xxxix, 29, il ne s’ensuit pas que c’est lui qui emprunte et non les autres prophètes ; il faut en dire autant de certaines ressemblances qu’on prétend constater entre Joël et d’autres auteurs ; Joël, I, 11°, et Jer., xiv, 4* ; Joël, i, 13, et Jer., iv, 8 ; Joël, i, 20, et Jer., xiv, 5-6 ; Joël, ii, 3, et Jer., xii, 10 ; Joël, ii, 4, et Ezech., i, 22-23 ; Joël, ii, 5-6, et Jer., vi, 23-24 ; Joël, ii, 9, et Jer., v, 10 ; IX, 21 ; en admettant qu’il y ait dépendance, il resterait à prouver que c’est Joël qui dépend des autres prophètes, ' et non le contraire. — 8. Les formes irrégulières qui seraient l’indice de l'époque postexilienne ne prouvent pas la thèse qu’on voudrait établir : PeléSét, « Palestine, a Joël, IV, 4 (hebr.), se trouveaussi dansls., xiv, 23, 33 ; Ps. lx, 10 ; lxxxiii, 8 ; lxxxvii, 4 ; cviii, 10, et surtout Exod., xv, 14 ; — la forme niphal du verbe hâyâh, « être, » Joël, ii, 2, se lit aussi dans Exod., xv, 6 ; Deut., iv, 32 ; xxvii, 9 ; Jud., xix, 30 ; xx, 3, 21, etc. ; — la forme hophal du verbe kâraf, « couper, » Joël, i, 9,

est inusitée ailleurs ; maison trouve de ces particularités isolées dans chaque auteur ; — il faut dire la même chose de la ponctuation 'ërûk, Joël, ii, 5, et de certains axa ? X^ojava, qu’on croit avoir remarqués dans Joël, 1, 17 (termes d’agriculture, dont migrôn se trouve aussi dans Is., x, 28, appliqué à une ville), et iv, 11, 'ùS, « rassembler ; » — quant à l'étymologie du mot Phatuel, que l’on veut expliquer par le chaldéen petai, Dan., iii, 2, 3, elle n’est pas encore fixée. Cf. Knabenbauer, In prophetas minores, t. i, p. 190-194.

VI. Canonicité.

La canonicité du livre de Joël n’a jamais soulevé de doutes sérieux. — 1° Joël a toujours été placé au canon juif et au canon chrétien. Voir Canon, t. ii, col. 137-147. — 2° La tradition juive, contenue dans l’Ancien Testament, reconnaît la canonicité du livre de Joël ; les auteurs postérieurs le citent et l’imitent ; aux textes déjà cités, col. 1587, on peut ajouter les suivants : Is., xiii, 6, et Joël, i, 15 ; Jon., iii, 9, et Joël, n, 14 ; Mich., vil, 10, et Joël, ii, 17 ; Sophon., i, 15, et Joël, ii, 11 (cf. Zach., xiv, 8, et Joël, iii, 18). — 3° Le Nouveau Testament cite Joël ; cf. Act., ii, 16-17, 21 (discours de saint Pierre) ; Rom., x, 13 ; Apoc, rx, 2, 7-9 (image des sauterelles) ; xiv, 14-18 (image de la faucille). — 4° Les Pères de l'Église citent le prophète Joël. S. Justin, Dial. curn Tryph., n. 87, t. vi, col. 685 ; S. Irénée, Adv. haïr., iii, 12, n. 1, t. vii, col. 892-893 ; Tertulien, Adv. Marc, v, 4, 8, 17, t. ii, col. 476, 489, 513 ; Adv. Jud., 13, col. 635 ; Clément d’Alexandrie, Strom., v, 13, t. IX, col. 129 ; Origène, De princ., ii, 7, t. xi, col. 216 ; Eusèbe, In Ps. lxiv, t. xxiii, col. 624 ; In Ps. cxliv, t. xxiv, col. 61 ; S. Hilaire, In Ps. lxiv, n. 4, t. ix, col. 415 ; S. Athanase, In Ps. lxiv, t. xxvii, col. 284 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., xvi, 29, t. xxxiii, col. 960 ; Catech., xvii, 19, col. 992 ; S. Macaire d’Egypte, Hom., l, 4, t. xxxiv, col. 817 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xii, 13, t. xxxvi, col. 445, 448 ; Didjme, De Trinit., ii, 2, 5, t. xxxix, col. 456, 500 ; De Spir. Sancto, 11, col. 1043 ; S. Epiphane, Hier., lxxiv, 4, t. xli, col. 481 ; S. Ambroise, De Spir. Sancto, Prolog., 18 ; i, 7 ; ii, 2, t. xvi, col. 708-709, 724, 747 ; S. Jean Chrysostome, Cont. Jud., 5, t. xi.viu, col. 820 ; In Ephes., Hom. ii, 2, t. lxii, col. 18 ; S. Augustin, De civ. Dei, xviii, 30, n. 3, t. xli, col. 587.

VII. Style et langue.

Le Livre de Joël, au point de vue du style, est regardé comme une production classique : « Son style s'élève par la sublimité au-dessus des autres prophètes, excepté Isaie et Habacuc. Il unit la force de Michée à la tendresse de Jérémie et à la vivacité de couleurs de Nahum. Sa description de l’invasion des sauterelles est un admirable morceau littéraire ; on l’a accusé d’exagération, mais l’exactitude de chaque trait est garantie par les voyageurs qui ont été témoins du fléau, comme Shaw, Volney, etc. » Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. ii, p.790. Sa langue est d’une très grande pureté et d’une belle élégance. Tous les auteurs sont d’accord sur les mérites et la beauté littéraires de la prophétie de Joël. Cf. Lowth, De sacra poesi Hebr., Gœttingue, 1770, Præl., xxi, p. 432 ; Trochon, /oei, p. 96 ; Knabenbauer, In proph. min., t. i, p. 193 ; Driver, Introduction, 7e édit., p. 312-313.

VIII. Texte.

Original.

C’est l’hébreu, et l’hébreu

de la belle époque ; on a relevé de très rares particularités, qui sont du reste de peu d’importance, où la langue semble aramiser ou chaldaiser. — 2° État du texte.

— Dans le texte massorétique la prophétie de Joël est divisée en quatre chapitres, tandis que dans les Septante et la Vulgate elle n’en a que trois. Dans le texte hébreu, le chapitre n se termine au jl. 27, au lieu de se terminer au ꝟ. 32, comme dans les Septante et la Vulgate. Dans quelques éditions du texte hébreu, le chapitre IV est lui-même subdivisé en deux, le chapitre IV ayant huit versets et le chapitre v treize versets, 9-21. Dans la Peschito, la prophétie n’a aussi que trois chapitres.