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JOB (LIVRE DE)


mot pour mot, des pensées déjà exprimées par Éliphaz : Dieu est le très haut, le tout-puissant, devant qui la lune n’a pas d'éclat, les étoiles pas de clarté ; comment l’homme, pourriture, comment le fils de l’homme, ver de terre, prétendrait-il être juste en présence de Dieu ? xxv. — 2. Job a déjà plus d’une fois renversé ce sophisme. Sans y revenir, il se contente d’exalter, en termes magnifiques, la puissance etla majesté du Créateur. Ce n’est pas sans une secrète ironie à l’adresse de Baldad qui se flattait de lui apprendre une chose si bien connue de lui, xxvi.

Discours de Job après la cessation des attaques de ses amis. — Après avoir répondu à Baldad, il y a un moment de silence. Job semble attendre que le troisième interlocuteur, Sophar, dont c’est le tour de parler, ait ajouté son mot. Sophar se tait, témoignant par son silence qu’il n’a plus rien à dire. Job reprend donc et affirme, avec plus d'énergie que jamais, son innocence. Tout à coup on l’entend changer de Ion et soutenir exactement la thèse de ses adversaires, xxvii, 13-23. Ce phénomène a été expliqué de différentes façons. Job se convertirait à la théorie de ses interlocuteurs, ou l’accepterait du moins comme la règle ordinaire de la Providence ; mais ce qui précède, comme ce qui suit, dément cette hypothèse. Quelques-uns ont vu dans le passage en question le troisième discours de Sophar, changé de place par un scribe distrait. Mais l'économie du dialogue fait voir que si Sophar s’est abstenu de parler à son tour c’est qu’il ne devait point parler. L’explication la plus simple et la plus naturelle est que Job résume les arguments de ses amis. Il l’indique assez en tète du morceau, xxvii, 12-13 :

Vous autres, vous savez tout cela ; Pourquoi donc disputez-vous en vain ? (Vous dites) : Voici le sort réservé au méchant, Le destin qui attend l’oppresseur, etc.

Ce serait le moment de donner sa propre solution ; mais, s’il voit très bien le faible de l’argumentation adverse, il n’a à lui opposer qu’un simple démenti. Pour lui aussi, la distribution des biens et des maux icibas est un mystère. L’homme fouille les entrailles de la terre pour en retirer l’or et le diamant, xxviii, 1-11 ; mais où trouvera-t-il la sagesse, c’est-à-dire l’intelligence des conseils de Dieu ? xxviii, 14-15 :

L’abîme dit : Elle n’est point en moi ;

La mer dit : Elle n’est point ici.

Elle ne s’achète pas au prix de l’or,

On ne l'échange pas contre de l’argent, etc.

Dieu seul la connaît et la révèle à l’homme, ꝟ. 28 :

Craindre Adonaï, voilà la sagesse ; S'éloigner du mal, voilà l’intelligence.

Dans les trois chapitres suivants, Job met en contraste son passé, dont il fait la plus fraîche et la plus riante peinture, xxix, avec les tristesses, les misères et les humiliations de l’heure présente, xxx. Il termine par un saisissant parallèle entre sa conduite et la loi morale qui a été la règle de toute sa vie, xxxi. Ce dernier chapitre est fort remarquable, comme résumé poétique de la loi naturelle.

V". intervention d'éliu. — 1° Bouillant et impétueux, comme il sied à un adolescent, Éliu ne peut plus contenir sa colère. Il l’a réprimée jusqu’ici par égard pour l'âge des interlocuteurs, mais maintenant il faut qu’elle éclate. Éliu en veut aux amis de Job de n’avoir pu trouver aucune solution raisonnable ; il reproche à Job d’avoir fait sonner trop haut son innocence, xxxii, 1xxxiii, 7. Cet exorde diffus, un peu embrouillé, peint au vif l'état d’esprit d’un homme en colère. Job veut-il connaître la raison d'être de la souffrance ? Eh bien ! Dieu instruit les hommes par des songes prophétiques, xxxiii, 14-18, par la maladie et la douleur, ꝟ. 19-22, et par ses

messagers, ꝟ. 23-28. Dieu renouvelle à plusieurs reprises ces avertissements salutaires, ꝟ. 29-30 :

Afin de retirer l’homme de la ruine Pour qu’il voie la lumière des vivants.

2° Dans un second discours, Éliu prouve que l’homme, alors même qu’il n’arriverait pas à comprendre les voies de Dieu, ne devrait pas douter de sa justice souveraine, xxxrv. — 3° Un troisième discours montre que la piété est toujours utile et le mal toujours nuisible à l’homme, xxxv. — Le discours final d'Èliu a pour but avoué de venger la Providence, xxxvi, 1-5. Dieu n’abandonne pas le juste, il ne perd pas de vue le méchant, ꝟ. 5-8. Il les force par les tribulations à reconnaître leurs fautes, 1. 10 :

H les rend attentifs a ses avis Et les porte à s'éloigner du mal.

Et pour résumer tout cela : Dieu instruit l’homme par le revers, xxxvi, 15. Éliu termine en célébrant longuement la sagesse et la puissance divines qu’il exhorte Job à adorer en silence, xxxvi, 22-xxxvii, 24. — Ainsi, contrairement aux affirmations des trois amis, les peines de ce monde ne sont pas uniquement vindicatives, elles sont quelquefois médicinales ; elles ont pour but de purifier l’homme de ses souillures, de l’instruire de sa faiblesse et de le préserver des dangers futurs, surtout de la présomption et de l’orgueil.

VI. THÉOPBANIE.

Bien qu'Éliu soit le porte-parole de l’auteur et qu’il assigne aux souffrances des causes autres que les péchés commis, si bien que Job, après s'être révolté contre les sophismes des trois amis, ne' trouve plus maintenant un mot à répliquer, la question n’est pas encore entièrement résolue à la satisfaction du lecteur. Éliu a marqué en général les causes possibles des tribulations, il n’a pas rencontré la cause spéciale et réelle des malheurs de Job, à savoir l’envie de Satan et son insolent défi. Cette cause, ni Éliu, ni Job, ni personne ne la connaît ; le lecteur seul est mis dans la confidence et, tout en approuvant les raisons du fils de Barachel, il sent qu’il y manque quelque chose. Dieu pourrait achever de convaincre Job par des arguments irréfutables et lui révéler le drame céleste, mais il est contraire à la dignité de Dieu de discuter avec l’homme, et d’ailleurs il convient que ce dernier soit tenu dans l’ignorance des décrets divins pour que sa foi ait plus d’exercice et de mérite. C’est pourquoi Jéhovah, du sein de la nuée, accable Job de questions insolubles, afin de lui faire toucher du doigt les bornes étroites de son esprit et la nécessité d’acquiescer sans murmure, sans discussion, aux dispositions d’en haut, lors même qu’on n’en comprend pas la sagesse et l’opportunité. — Dans un premier discours, il passe en revue les merveilles de la création, xxxviii, 1-38, sur la terre, ꝟ. 4-18, et dans les cieux, ꝟ. 19-38, les miracles de la provideuce dans la nature animée, le lion, ꝟ. 39-40, le corbeau, ꝟ. 41, lo chevreuil, xxxix, 1-4, l’onagre, ꝟ. 5-8, le buffle, ꝟ. 9-12, l’autruche, jt. 13-18, le cheval, ꝟ. 19-25, le faucon, #. 2630. Job confesse qu’il a parlé inconsidérément de choses qui le dépassent, ꝟ. 33-35 (hébreu, xl, 3-5). — Pour achever de le confondre, Dieu l'invite ironiquement à prendre le gouvernement du monde, pour y faire régner l’ordre et la justice, xl, 1-9. Mais le pourra-t-il, lui, impuissant et désarmé devant deux monstres qui ne sont qu’un jouet dans les mains de Dieu, Béhémoth (l’hippopotame) et Léviathan (le crocodile) ? xl, 10-xli, 25 (hébreu, xl, 15-xii 26). Job répète son humble aveu et y joint cette déclaration qui clôt le poème, xlii, G :

C’est pourquoi je me condamne
Et je fais pénitence dans la cendre et la poussière.

IX. Doctrine.

Plaintes de Job.

Pour les justifier, saint Grégoire recourt à l’allégorie. Job pleurerait le sort du genre humain, il maudirait le jour de sa nais-