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JOB (LIVRE DE)


compte (comme en français, en syriaque, en persan), et que le troisième, ne considère que l’accent. — Se sont occupés ex professo de la métrique de Job : Meri, Das Gedicht von Hiob, Iéna, 1871 ; Bickell, Cartnina Vet. Testant, melrice, Inspruck, 1882, outre un grand nombre d’articles dans la Zeitschrift fur kathol. Theol. et dans la Wiener Zeitschrift fur die Kunde des Morgent andes, où il a notablement modifié son premier système ; Ley, Die metrische Beschaffenheit des Bûches Hiob, dans les Theologischen Studien und Kritiken, Gotha, 1895, p. 635 ; 1897, p. 7 ; Grimme, Metrisch-kritische Emendationen zum Bûche Hiob, dans la Tùbinger Theol. Quarlalschrift, Ravensburg, 1898, p. 100. Voir, pour l’exposé des systèmes et la bibliographie complète, J. Doller, Rhythnius, Metrik und Strophik in der biblisch hébr. Poésie, Paderborn, 1899. Plusieurs érudits estiment que le rythme hébreu est quelque chose de sut generis, dont il faut renoncer à trouver le pendant dans les autres littératures. Vetter, Die Metrik des Bûches Job, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 57-60, a spécialement étudié le vers de Job ; il le fait consister en une certaine disposition de coupes ou césures sans un nombre fixe de syllabes. Tout vers comprend deux ou trois césures principales qui en font un distique ou un tristique. Le stique, à son tour, est partagé en deux par une césure secondaire. Les césures, tant principales que secondaires, correspondent à une pause. L’intervalle entre deux césures forme un groupe tonique, dominé par un seul accent principal. Les autres règles sont assez compliquées. Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, p. v, exprime des doutes sur la valeur de tous les systèmes proposés. En somme, en dehors du parallélisme, la nature du vers hébreu et la division strophique des poèmes nous sont encore trop peu connues pour servir bien utilement à la correction et à la reconstitution du texte.

IV. Age et auteur du poème.

1° Opinions diverses.

— Il n’est point de livre dans l’Écriture dont la date ait donné lieu à des opinions plus discordantes.’Tandis que les uns le font remonter jusqu’aux temps de Moïse, les aiftres le font descendre jusqu’à l’époque des Machabées. On renonce aujourd’hui à chercher le nom du poète, car aucun indice ne permet de le reconnaître, ni même de le deviner avec quelque vraisemblance. Autrefois on désignait Moïse, ou Salomon, ou Job lui-même, ou Éliu, ou un ami de Job, ou Isaie (Godurc), ou un Iduméen anonyme (Grotius). Voir Knabenbauer, Comment, in Job, Paris, 1886, p. 14. De nos jours, tout l’effort de la controverse se porte, non sur l’attribution, mais sur l’âge approximatif du poème ; sans résultats bien décisifs, il faut en convenir. L’origine mosaïque, malgré le nombre et la valeur de ses anciens défenseurs, doit être définitivement abandonnée. Cf. Cornely, Introductio, Paris, 1887, t. ii, part. II, p. 48. Au sujet de la date probable, la plus grande variété d’opinions règne parmi les critiques. Dans l’impossibilité de les énumérer toutes, contentons-nous d’indiquer les principales. — Driver, Introduction, 4e édit., Edimbourg, 1892, p. 405, estime que ce livre ne peut guère être antérieur à Jérémie et date probablement du temps de la captivité. Les preuves qu’il en donne sont les suivantes : 1. Connaissance de la Loi, qui semble se trahir çà et là, xxii, 6 ; xxiv, 9 (gages) ; xxii, 27 (vœux) ; xxiv, 2 (bornes) ; xxxi, 9-11 (procédure). — 2. État social avancé, hiérarchie, XXX, 1-8 ; la porte où se traitent les affaires publiques, xxix, 7 ; xxxi, 21. — 3. La période de foi aveugle a fait place au doute, à la discussion, à la spéculation. — 4. État de misère et de désordre général. Il est question de nations détruites, de peuples exilés, xii, 17. — 5. La perfection de la forme, la puissance du souffle poétique, le développement ordonné et progressif d’une idée supposent un âge de haute culture littéraire. — 6. La forme développée de la morale et de la théodicée. En dehors de Job, Satan n’est nommé que dans Zach., iii, 1-2, et dans I Par.,

xxi, 1. — 7. Le vocabulaire contient un mélange de mots araméens et quelques arabismes. Tout cela indique, d’après lui, une époque à peu près contemporaine du second Isaïe. — Cornill, Einleituny in das A. T., 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 239-241, sans s’arrêter à une date précise, prétend que le livre de Job doit être : 1. postérieur à Jérémie, parce que Job, iii, dépend de Jer., xx, 14-18 ; — 2. postérieur à Ezéchiel, car si Ezéchiel avait connu Job il n’aurait pas pu écrire son chapitre xviii ; — 3. postérieur aux Proverbes, car Job, xv, 7, suppose Prov., viii, 25. — Kautzsch, Abriss der Geschichte des alttesm. Schrifttums, Leipzig, 1897, p. 181, place, avec un point d’interrogation, la composition de Job, en regard de l’année 332. — Budde, Dos Buch Hiob, 1896, p. xxxix-xlvi, après avoir critiqué assez longuement les autres opinions, se prononce, comme Kuenen, pour l’année 400. — Duhm, Das Buch Hiob, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. ix, opine pour la première moitié du Ve siècle. Plusieurs des arguments de Driver et de Cornill portent à faux, d’autres sont peu concluants.

Date probable.

Faute d’indices plus certains, on

en est réduit à la déterminer d’après le style et par la comparaison avec les autres écrivains dont l’âge est connu ; or, on sait combien ces appréciations sont délicates, subjectives et partant sujettes à l’erreur. Les rapports du livre de Job avec les autres livres sont nombreux, mais le plus souvent il s’agit de pensées ou d’expressions que deux auteurs peuvent fort bien avoir trouvées indépendamment. On pourrait presque reconstruire la troisième lamentation, par exemple, avec des fragments de Job, cf. Royer, Die Eschatologie des Bûches Job, Fribourg-en-Brisgau, 1901, p, 57-65 : cela tient surtout à l’analogie du sujet. La comparaison avec les Psaumes, assez curieuse parfois, ne mène à rien d’assuré, soit parce que la date du Psaume est douteuse, soit parce que le rapport de dépendance n’est pas établi. Il y a entre les deux parties d’Isaie et Job des coïncidences frappantes : Job, iii, 8 ; XL, 25, et Is., xxvii, 1 (Léviathan) ; Job, xx, 16 ; XL, 15, et Is., xxx, 6 (Béhémoth et la Vipère) ; Job, xxvi, 12-13, et Is., li, 9-10 (Rahab le Dragon) ; Job, ix, 23, et Is., xxviii, 18 (le Fléau). Comparez encore : Job, xii, 14, et Is., xxii, 22 ; Job, xiv, 2, et Is., xl, 6-8 ; Job, xiv, 11, et Is., xix, 5 ; Job, xix, 8, 12, etls., xxix, 3 ; Job, xxx, 26, et Is., lix, 9. Il est cependant impossible de dire de quel côté est la priorité ; on peut seulement soutenir que les deux écrivains respiraient la même atmosphère intellectuelle ; mais la différence est grande entre eux : l’auteur de Job est psychologue et se plaît dans l’examen des difficultés et des antinomies, tandis qu’Isaie est surtout théologien et contemple les contradictions apparentes du haut des principes les plus élevés. Les rapports de Job et de Jérémie méritent plus d’attention. Comparez surtout : Job, iii, 3-13, , 20-22 ; x, 1819, et Jer., xx, 14-18 ; Job, xxr, 7-15, et Jer., xii, 1-4 ; Job, xxix, 12-20, et Jer., xxii, 3-4, 15-16 ; Job, xxxi, 24-25, et Jer., xv, 10, 15-16. La comparaison est toute à l’avantage de l’auteur de Job. Ses tableaux sont tracés avec une sûreté de main, une vigueur de pinceau et une originalité d’invention qui ne trahissent en rien l’imitateur. Et s’il faut qu’il y ait réminiscence d’un côté ou de l’autre, il sera toujours beaucoup plus naturel de la mettre du côté du prophète qui, comme on sait, doit tant à ses devanciers. — Le chapitre XXVm de Job, qui renferme le célèbre éloge de la sagesse, rappelle Prov., i-ix, et Baruch, iii, 9-iv, 4, dont le sujet est identique. On peut rapprocher avec intérêt Prov., iii, 13-15 ; viii, 10-11, de Job, xxviii, 15-19, mais aucune conclusion n’en ressortira nettement sur la date relative des deux passages en question. — Il faut donc se contenter de soutenir que le livre de Job appartient à l’âge d’or de la littérature hébraïque. Seulement cet âge d’or couvre une assez longue période et l’on ne voit pas de quel droit on en