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JOAKIM


refouler le pharaon jusque sur les rives du Nil. Néchao’, prit l’offensive et se porta à la rencontre de l’armée chaldéenne jusque dans le voisinage de l’Euphrate. Complètement battu à Charcamis (605), voir Charcamis, t. ii, col. 585, il s’enfuit en hâte vers sa frontière. Jérémie, xlvi, 1-12, salua ironiquement sa défaite comme celle d’un ennemi de Juda. Dès le commencement du règne de Joakim, en effet, il avait préconisé la soumission au roi de Babylone comme le seul moyen d’échapper aux vengeances que celui-ci exercerait contre ceux qui chercheraient à lui tenir tête. Jer., xxvii, 1-11. La victoire de Charcamis fit tomber toute la Syrie sous la domination chaldéenne. Nabuchodonosor, qui s’était mis en marche pour commencer sa campagne, dès la troisième année de Joakim, vint jusqu’à Jérusalem, assiégea la ville et la prit. C’est à cette occasion que le jeune Daniel fut emmené en captivité avec plusieurs autres jeunes gens de noble race. Dan., i, 1-3. Joakim fut bien obligé de se soumettre au joug. Mais le roi chaldéen ne put assurer solidement sa conquête. La mort de son père et la nécessité d’affermir son autorité royale au centre même de son empire le l’appelèrent presque aussitôt à Babylone. En racontant la conquête de la Syrie par Nabuchodonosor, Josèphe, Ant.jud., X, vi, 1, en excepte la Judée. Si ce renseignement a quelque valeur, il permet au moins de supposer que la soumission de la Judée fut de courte durée et que, sitôt les Chaldéens disparus, Joakim reprit son indépendance.

Jérémie comprit le danger. Saisi de douleur, il répétait la menace du Seigneur : « Ce que j’ai bâti, je le détruirai ; ce que j’ai planté, je l’arracherai, c’est-à-dire tout le pays. » Jer., xlv, 4. Parlant plus clairement encore cette même année, qui était la quatrième de Joakim, il proclama devant l’assemblée l’oracle qui annonçait que tout le peuple de Juda serait captif à Babylone pendant soixante-dix ans. Jer., xxv, 1-11. Le prophète ne dit rien de l’effet produit sur l’assistance par cette révélation. Les grands n’y crurent pas sans doute, assurés qu’ils se croyaient, grâce à leurs combinaisons politiques, de pouvoir conserver leur indépendance, en s’appuyant sur l’Égjpte. Leur confiance reposait d’ailleurs sur ce double fait que, depuis Charcamis, Nabuchodonosor était occupé à surveiller ses puissants et dangereux voisins de la Médie, et que, d’autre part, Néchao, réorganisant sa flotte, se mettait en mesure de jeter des troupes dans les ports du littoral syrien. C’était à ce dernier qu’allaient toutes les sympathies de Joakim et de sa cour, malgré les avertissements de Jérémie. Nabuchodonosor finit par s’émouvoir de ce qui se passait en Palestine. La huitième année de Joakim, il se décida à intervenir de nouveau. IV Reg., xxiv, 1. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. iii, p. 536. Josèphe, Ant. jud., X, vi, 1, raconte que le roi de Babylone se présenta à la tête de son armée, menaçant d’en venir aux hostilités si Joakim ne s’engageait à lui payer tribut. Celui-ci se hâta de s’exécuter, éloigna le monarque à prix d’argent et se mit en mesure de payer le tribut demandé.

Provisoirement satisfait de ce dénouement, Joakim continua sa vie d’impiété, d’oppressions et de violences. De son côté, le peuple suivit l’exemple du prince et resta adonné à tous les vices que, tant de fois déjà, lui avaient reprochés les prophètes. Jérémie ne se résigna pas à cette coupable insouciance. Il voulut frapper un grand coup pour essayer de ramener ses concitoyens à une pénitence salutaire. Il dicta donc à son disciple, Baruch, toutes les prophéties que Dieu lui avait inspirées depuis le temps .de Josias ; puis, sur son ordre, Baruch alla les lire publiquement dans le Temple, un jour du neuvième mois où l’on célébrait un jeûne solennel. Tout le peuple entendit la terrible lecture. Instruits de ce qui venait de se passer, les grands voulurent aussi se faire lire l’écrit prophétique. Profondément émus de telles révélations,

ils déclarèrent qu’ils en informeraient le roi ; mais, en attendant, ils conseillèrent à Baruch et à Jérémie de se cacher. Le roi, à son tour, envoya chercher le rouleau de Baruch, et se le fit lire dans sa chambre où brûlait un brasier, car l’on était en hiver. Quand il eut entendu trois ou quatre colonnes du rouleau, Joakim entra en fureur, saisit l’écrit, le lacéra avec le canif du scribe et en jeta les débris dans le brasier. On comprend son emportement, quand le lecteur arriva à l’apostrophe, Jer., xxii, 13-19, qui le visait personnellement. Il commanda aussitôt d’arrêter Baruch et Jérémie ; mais on ne put les trouver. Informé de la scène qui venait d’avoir lieu au palais, Jérémie dicta à nouveau toutes ses prophéties, et y ajouta cet autre oracle : « Sur Joakim, roi de Juda, tu diras : Ainsi parle Jéhovah : Tu as brûlé ce livre en disant : Pourquoi y as-tu écrit ces paroles : Le roi de Babylone viendra, il ruinera ce pays et en fera disparaître hommes et bêtes ? C’est pourquoi voici ce que dit Jéhovah sur Joakim, roi de Juda : Personne de sa race ne sera assis sur le trône de David, et son cadavre sera jeté dehors à la chaleur du jour et au froid de la nuit. Je le châtierai, lui, sa race et ses serviteurs, à cause de leurs iniquités : je ferai tomber sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur tous les hommes de Juda tous les maux dont je les ai menacés, sans qu’ils m’aient écouté. » Jer., xxxvi, 1-31. Cette nouvelle prophétie ne fut sans doute pas montrée au roi, qui n’eût pas manqué d’exercer de plus vives poursuites contre leur auteur. — Dans l’hébreu et la Vulgate, les faits que raconte ce chapitre sont datés de la quatrième et de la cinquième année de Joakim. Jer., xxxvi, 1, 9. Les Septante les datent de la quatrième et de la huitième ; Josèphe, Ant. jud., X, vi, 2, de la cinquième. Il peut sembler tout d’abord étonnant que Jérémie ait écrit tant de prophéties la quatrième année de Joakim, Jer., xxv, 1 ; xxxvi, 1 ; xlv, 1 ; xlvi, 2, et qu’il n’ait plus élevé la voix pendant les sept dernières années du règne. Il est peu probable aussi que le prophète se soit tu, quand il constata que la seconde apparition de Nabuchodonosor n’avait rien changé dans la conduite du prince et de ses sujets. Il y aurait donc quelque raison d’adopter ici le chiffre des Septante et de rapporter à la huitième année de Joakim, dans l’hiver qui suivit la seconde campagne de Nabuchodonosor, la scène de la lecture et du brasier. Outre que les chiffres sont souvent sujets à caution dans les textes bibliques, par le fait des copistes, on conçoit que, dans ce cas particulier, on ail aisément pu lire, à cause de la ressemblance des lettres, ntnort, hàmîU, « cinquième, » ou même >y ! 3°i, rebi’i, « quatrième, » au lieu de >j>dw, semînî, « huitième. » Quant au jeûne dont il est parlé dans ce passage comme ayant été célébré le neuvième mois, c’était un jeûne extraordinaire, peut-être prescrit par le grand-prêtre pour conjurer les malheurs des temps. Le jeûne annuel avait lieu le septième mois. Voir Jeune, col. 1529.

Les tendances égyptiennes du roi et de la cour ne firent que s’accuser à la suite de la seconde apparition du roi de Babylone à Jérusalem. Du reste, Joakim inclinait naturellement à entrer dans les vues politiques de Néchao, auquel il devait son trône. Les choses allèrent si loin dans ce sens que, trois ans après la dernière expédition chaldéenne, Joakim en vint à se révolter ouvertement contre son suzerain, sans doute en lui refusant le tribut. Les généraux chaldéens entrèrent aussitôt en campagne. Ils renforcèrent leurs troupes de contingents syriens, moabites et ammonites et parurent devant Jérusalem. Le livre des Rois n’indique pas le résultat de la guerre. Il insiste seulement sur le caractère providentiel de cette calamité, déchaînée pour punir Juda de tous les crimes commis, particulièrement sous le roi Manassé. IV Reg., xxiv, 1-6. Le livre des Paralipomènes, plus explicite, raconte que Nabuchodonosor vint en personne à Jérusalem, ce qui laisse supposer que le