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JEU DE MOTS — JEÛNE


paix pour Jérusalem ; » « que la paix, selôm, soit dans tes murs, et la tranquillité, salvàh, dans tes palais. » Les Proverbes, xxx, 33, offrent on exemple curieux de ces sortes de répétitions :

Jlffe hâlâb yôs ? Iiém'âh, Umis 'afydsi' dâm, Umîs 'affayim yôyi' rib. « La pression du lait amène la crème, la pression du nez amène le sang et la pression de la colère amène la querelle. » Isaie a une prédilection pour ces jeux de mots. En voici plusieurs exemples : 'tm lo' ta'âmînû kî lo' fa'âmênû, « si vous ne croyez pas, vous ne résisterez pas. » Is., vii, 9. Le verbe 'aman a le double sens de « avoir la foi » et « être solide ». « Jéhovah te lancera, metaltélkd, avec une force virile, taltêlàh ; il t’enveloppera comme une pelote, 'otkâ 'atôh, roulant il te fera rouler comme une balle, sânôf isnofkà senêfdh. » Is., XXII, 17, 18. Bogdim bdgâdû ûbégéd bogdim bâgâdû, « les pillards pillent, c’est un pillage que les pillards pillent, » Is., xxiv, 16, manière de dire que tout n’est que pillage et que les pillards sont incorrigibles. Les Israélites pervertis se moquent en ces termes des recommandations du prophète : $av lâsav sav lâsav, qâv lâqâv qâv Idqâv, le'îr Sâm ze’ir Sâm, « précepte sur précepte, précepte sur précepte, règle sur règle, règle sur règle, un peu par-ci, un peu par-là. » Is., xxviii, 10. Hâyefdh (â'ânyyâh va'ânyyâh, « il y aura plainte et gémissement. » Is., xxix, 2. Voici un dernier exemple dans lequel les mots se correspondent : « Malheur au ravageur, sôdêd, non ravagé, Mdûd, au pillard, bôgêd, non pillé, bâgdû ; quand tu auras fini d'être ravageur, Sôdêd, tu seras ravagé. fûésad ; quand tu auras fini d'être pillard, bôgêd, on te pillera, îbgedû. » Is., xxxiii, 1. Dans Jérémie, le jeu de mots devient plus compliqué. L’exemple suivant présente une répétition de mots et des assonnances de syllabes : « Revenez, subû, chacun de la voie mauvaise, hârâ'âh, et de la malice, ro’a, de vos actions, ma' allêkém, et vous habiterez, Sebû, sur la terre, hâ' âdâmâh, que le Seigneur a donnée à vous et à vos pères, la' âbôtékém. » Jer., xxv, 5. Mais le cas le ^ plus curieux se présente dans une phrase en chaldéen que le prophète insère dans l’un de ses oracles, et que les Israélites devront retenir pour l’opposer aux tentations d’idôlatrie : '

Elâhayyâ' di-Semayyâ' ve’arqâ' là 'âbadù, yê'badû mê'ar'â' ûmin-(ehô{Semayyâ' 'êlléh. « Les dieux qui les cieux et la terre n’ont pas fait disparaîtront de la terre et de dessous les cieux, eux. » Jer, x, 11. On remarquera la singulière contexture de cette phrase. Le dernier terme « eux » répond au premier « les dieux » ; l’avant dernier « de dessous les cieux », au second « les cieux », et ainsi du reste. Il y a de plus une assonnance très accentuée entre 'âbadû et yébadû. Il fallait cette construction artificielle et mnémotechnique pour que les Israélites pussent garder dans leur souvenir cette sentence en une langue qui leur était étrangère, bien qu’analogue à la leur.

3° Les jeux de mots sont plus rares dans le Nouveau Testament. Les deux principaux à signaler consistent plutôt en métaphores destinées à symboliser des choses supérieures. Notre-Seigneur voit Simon et André qui pèchent, et il leur dit : « Venez, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes, » âXieïç àv6pw ?r&>v, piscatores hominum. Il est clair que le mot « pêcheur » prend un sens très différent quand, au lieu de l’appliquer aux poissons, on l’applique aux hommes. — Quand le divin Maître voit Simon, frère d’André, pour la première fois, il lui dit : c On t’appellera Céphas, Krjçïc. » Joa., 1, 43. Le nom araméen kêfâ', correspond à l’hébreu kêf, à l’assyrien kâpu, et ces trois mots signifient « pierre ». Plus tard, Notre-Seigneur lui dit : * Tu es

kêfâ', et sur ce kéfd je bâtirai mon Église. » Matth., xvi, 18. En grec et en latin, il faut faire passer le mot du féminin, xézpot., pelra, au masculin, flérpoc, Petrus, tandis qu’en araméen le mot reste le même, comme du reste en français où le genre ne se manifeste que dans l’adjectif. Le Sauveur change le nom de Simon en celui de Céphas pour le mettre en harmonie avec la vocation de son apôtre. C’est ainsi qu’autrefois Dieu avait changé le nom d’Abram en Abraham et celui de Jacob en Israël ; c’est ainsi encore que le pharaon d’Egypte avait donné à Joseph un nouveau nom. Gen., xli, 45. D’ailleurs on cherchait souvent, dans l’Ancien Testament, à établir une relation entre le nom donné à l’enfant et certaines circonstances qui attiraient l’attention à sa naissance. Voir Nom. Des jeux de mots proprement dits se rencontrent dans d’autres passages : Atjxoi xort Xotpoé, Luc, xxi, 11 ; àmivéTouç, àmivTSTouç, Rom., i, 31, etc. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. ii, n° 604, p. 283.

4° Il y aurait grave erreur à ne voir que futiles jeujc d’esprit dans ces formes de langage que recherchent parfois les écrivains sacrés. Ces allitérations et ces assonnances marquaient avec succès la ressemblance ou l’opposition des choses et servaient à les graver dans la mémoire. « Tant qu’une nation, dit Herder, a plus de sensations que de pensées, tant que le langage est pour elle dans la bouche et dans l’oreille, au lieu de ne s’adresser qu’aux yeux par la forme des lettres, tant qu’elle a peu ou point de livres, ces assonnances lui sont aussi nécessaires qu’agréables. C’est une source de souvenirs où les peuples neufs puisent cette concision énergique, cette justesse et cette rapidité d’expression qui devient impossible dès qu’on trace des lettres pour exprimer sa pensée. Il serait ridicule, extravagant, de chercher à imiter les locutions hébraïques dans les langues modernes, mais il serait tout aussi ridicule, tout aussi extravagant, de blâmer la naïveté du langage, les concordances du son et de la pensée qui établissent un lien harmonieux entre l’oreille et l'âme, et qui caractérisent l’enfance d’un peuple. » Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, Paris, 1851, p. 464. — Voir W. Gesenius, Lehrgebaude der hebrâischen.

Sprache, in-8°, Leipzig, 1817, p. 856 ; G. W. Hopf, Allitération, Assonam, Reim in der Bibel, in-8° Erlangen, 1883.

H. Lesêtre.
    1. JEUNE##

JEUNE (hébreu : sâm, et une fois ta'ânît, I Esd., rx, 5, substantif correspondant à l’expression 'innâh nafsô, TometvoOv viv’t/vyr(v, affligere animant suam, Lev., XVI, 29, 31, etc. ; chaldéen : tevât ; Septante : v^triet’a ; Vulgate : jejunium), abstinence de tout aliment pendant un temps prolongé, ordinairement pendant tout un jour.

La loi du jeûne.

1. Le dixième jour du septième

mois, c’est-à-dire à la fête de l’Expiation, tout Israélite doit « affliger son âme ». Lev., xvi, 29, 31 ; xxiii, 27, 32 ; Num., xxix, 7. Voir Expiation (Fête de l'), t. ii, co !., 2137. L’expression « affliger son âme » signifiait « jeûner », ainsi qu’il résulte du simple nom de « jeûne » donné à la fête de l’Expiation. Act., xxvii, 9 ; Josèphe, Ant.jud., lll, X, 3 ; S. Jérôme, Ep. cxxx, ad Demetriad., 10, t. xxii, col., 1115. D’après Lev., xxiii, 32, la fête commençait le neuvième jour au soir et se prolongeait jusqu’au lendemain soir. Le texte sacré semble comprendre le jeûne dans les mêmes limites ; un simple jeûne dedouze heures eût, en effet, constitué une pénitence assez légère. — 2. Outre ce jeûne obligatoire et public, la Loi prévoyait des jeûnes facultatifs et privés, puisqu’elle stipule que si une femme a fait vœu d' « affliger son âme », il appartient au mari de ratifier ou d’annuler ce vœu. Num., xxx, 14.

L’esprit de la loi.

Le jeûne ne comportait pas

une simple privation d’aliments, comme celle que s’imposaient les Égyptiens. Hérodote, ii, 40 ; iv, 186. L’exprès-