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JÉSUS-CHRIST


42, il ne suit nullement qu’il ne soit vis-à-vis de Dieu que dans les termes de créature à Créateur, comme par exemple, Moïse, qui opère aussi de grandes merveilles par l’ordre de Dieu. Exod., vil, 1-6. Mais, comme Verbe incarné, il rapporte à son Père et sa mission et les miracles par lesquels il la prouve. Néanmoins, cette autonomie thaumaturgique n’est pas toujours évidente ; il n’y a d’ailleurs aucune nécessité à l’admettre pour arriver sûrement à démontrer la divinité du Sauveur. — b) La principale, signification des miracles, c’est la preuve qu’ils apportent à la parole de Jésus-Christ affirmant sa divinité. C’est pour cela qu’ils sont appelés par les Évangélistes <r/)[ieïa, signa, « témoignages. » Tel est en effet l’un des sens principaux du mot grec <r/]jieïov. Thucydide, II, 42 ; Platon, Cratyl., 395 ; Tint., 71 ; Respubl., 368 ; Sophocle, Œdip. Rex, 710, 1059 ; Electr., 21, etc. Cette signification apparaît dès le récit du miracle de Cana. Joa., ii, 11. Notre-Seigneur y accomplit le premier de ses <jï)HEta. Ceux qui suivent sont, comme celui-ci, donnés en preuve de la mission et de la véracité du Sauveur. Aux envoyés de Jean-Baptiste qui lui demandent qui il est, il se contente de faire remarquer les miracles qu’il opère. Matth., xi, 2-6 ; Luc, vii, 18-23. S’il maudit les villes de Corozaïn, de Bethsaide et de Capharnaùm, c’est qu’on n’y a pas tenu compte de ses miracles. Matth., xi, 20-24 ; Luc., x, 13-15. À la vue de ses miracles, les foules concluent naturellement à une intervention de Dieu. Matth., ix, 8 ; Marc, ii, 12 ; Luc, v, 26 ; vii, 16 ; Matth., ix, 33 ; Joa., vi, 14 ; Luc, ix, 44 ; Matth., xiv, 33, etc. Le centurion, témoin des merveilles qui se passent au Calvaire, tire lui-même la vraie conclusion : « C'était réellement le Fils de Dieu ! » Matth., xxvii, 54 ; Marc, xv, 39 ; Luc, xxiii, 47. — C’est surtout saint Jean qui fait des miracles la preuve de la divinité du Sauveur, lui qui termine son Évangile en disant : « Ceux-ci ont été mis par écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu. » Joa., xx, 31. En dehors des deux miracles qui figurent l’Eucharistie, celui de Cana et la multiplication des pains, il n’en raconte que trois autres, mais avec grand détail, pour que le récit ait toute sa valeur probante. Il les choisit parmi ceux qui ont été opérés sous les yeux mêmes des Juifs, la guérison du paralytique à la piscine Probatique, Joa., v, 1-47, celle de l’aveugle-né, à sa sortie du Temple, Joa., ix, 1-41, et enfin la résurrection de Lazare à Béthanie, en présence d’un grand nombre de Juifs. Joa., xi, 1-46. Il semble que Notre-Seigneur veuille faire allusion à ces trois miracles si importants, quand il dit à ses Apôtres dans le discours après la Cène : « Je suis la voie, la vérité et la vie, » Joa., xiv, 6 ; voie, il fait marcher le paralytique ; vérité, il éclaire l’aveugle de naissance ; vie, il ressuscite le mort. Saint Jean rapporte ensuite les discussions dont ces miracles ont été l’occasion, et les conclusions que le divin Maître en a tirées. Ainsi, en guérissant le paralytique et en lui commandant d’emporter son grabat le jour du sabbat, Notre-Seigneur montre qu’il est le maître du sabbat. Comme ensuite il compare son activité à celle de son Père, les Juifs comprennent parfaitement -qu’il dit que « Dieu est son Père, se faisant ainsi l'égal de Dieu ». Joa., v, 18. Le Sauveur en appelle alors formellement à ses miracles pour prouver sa mission : « Les œuvres que mon Père m’a données à accomplir, les œuvres mêmes que je fais rendent de moi ce témoignage que c’est le Père qui m’a envoyé. » Joa., v, 36. Du reste, les Juifs, imbus de tous leurs préjugés, n'étaient pas faciles à satisfaire sous ce rapport, puisqu'à la suite de la multiplication des pains, alors que le Sauveur se présente comme l’envoyé du Père, ils en sont encore à lui dire : « Quel miracle fais-tu, pour qu’en le voyant nous croyions en toi ? Qu’opères-tu ? » Joa., vi, 30. — Quand il vint à Jérusalem pour la fête des Tabernacles, le peuple disait : « Le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de miracles que celui-ci n’en fait ? » Joa., vii, 31.


Le Sauveur opéra alors, encore un jour de sabbat, la guérison de l’aveugle-né, qui fut l’objet d’une enquête si minutieuse de la part du sanhédrin. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit, 1901, 1. 1, p. 76-84. L’aveugle guéri raisonnait fort juste quand il disait : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il n’aurait rien pu faire. » Joa., IX, 33. On disait ensuite dans la toule : « Est-ce le démon qui peut ouvrir les yeux des aveugles ? » Joa., x, 21. À la fête de la Dédicace, on lui demanda de nouveau de prouver sa mission. Il répondit : « Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi. » Les Juifs voulant le lapider parce que lui, homme, voulait se faire Dieu, il ajouta : « Si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin de reconnaître et de croire que le Père est en moi et moi dans le Père. » Joa., x, 25, 33, 38. Au bord du Jourdain, où il se retira, la foule vint à lui en remarquant que « Jean n’avait fait aucun miracle ». Joa., x, 41. — La résurrection de Lazare acheva la démonstration que le Sauveur voulait fournir aux Juifs. « Père dit-il avant d’opérer le miracle, je vous rends grâces de m’avoir exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m’exaucez toujours ; mais à cause du peuple qui est là, j’ai parlé, afin qu’ils croient que vous m’avez envoyé. » Joa., xi, 42. Il s’appliqua ensuite à attirer l’attention de ses Apôtres sur la valeur probante de ses miracles. « Le Père qui réside en moi est l’auteur de mes œuvres. Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père et que le l'ère est en moi ? Croyez-le du moins à cause des œuvres elles-mêmes. » Joa., xiv, 10-12. « Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils ne seraient point coupables. » Joa., xv, 24. — Ainsi l’intention du Sauveur est manifeste : ses miracles sont avant tout des arff.f.%, des preuves, non toujours directement de sa divinité, mais de sa mission et de la vérité de sa parole. Cf. Curci, Lezioni sopra i qualtro Evangeli, t. ii, p. 299. Or cette parole, dont il veut imposer la créance, c’est celle-ci : Je suis l’envoyé du Père, je suis le Fils de Dieu. Si cette parole n'était pas l’expression d’une vérité absolue, Dieu ne l’aurait pas accréditée jusqu'à la fin, en maintenant à celui qui la répétait le pouvoir d’opérer les plus éclatants miracles.Les prophéties d’une part, .les miracles de l’autre, nous apparaissent dès lors, comme les deux solides et puissants contreforts sur lesquels s’appuie l’affirmation de JésusChrist, se présentant aux hommes comme Fils de Dieu. — c) Les miracles servent encore de preuves à des vérités particulières. Jésus-Christ, pour faire voir qu’il a le pouvoir de remettre les péchés, guérit un paralytique. Matth., ix, 6 ; Marc, ii, 10, 11 ; Luc, v, 24. Pour montrer qu’il est le maître du sabbat, Matth.. xii, 8, il affecte d’opérer des guérisons ce jour-là. Parce qu’il est venu pour jeter dehors le prince de ce monde, Satan, Joa., XII, 31, il commence par le chasser du corps des hommes. Maître de l’espace comme de toute la nature, il guérit les malades à distance. Joa., IV, 50-52 ; Matth., xv, 28 ; Marc, vii, 30 ; Luc, xvii, 14. Venu pour être le « pain de vie », Joa., VI, 35, 48, il multiplie les pains au désert. Parce qu’il est « la résurrection et la vie », Joa., xi, 25, il ressuscite des morts. Mais plus que ses autres attributs, c’est surtout sa grande miséricorde, Matth., xv, 32 ; Marc, vi, 34 ; viii, 2, sa bonté, sa qualité de rédempteur que Notre-Seigneur tient à démontrer en guérissant tant de malades, en semant tant de miracles sur son passage, en devançant lui-même les prières qu’on pourrait lui adresser, Luc, vil, 13-15 ; Joa., v, 6 ; etc., en intervenant même, comme à Cana, dans des conditions où le miracle, qui n’est point appelé par une extrême nécessité, n’en manifeste que mieux sa gracieuse bonté. Chaque miracle constitue donc la démonstration de quelque attribut du Sauveur. Aussi refuse-t-il de faire des miracles réclamés par la simple curiosité. Il éconduit les scribes et les pharisiens qui demandent un

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