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JESUS-CHRIST


dont il est parié ici a pu n’être que relative, et par rapport à ceux qui interrogeaient. Le renseignement demandé ne faisait pas partie des choses que le Sauveur avait à révéler. Cf. Petau, De incarnatione Verbi, XI, I, 1-15. La réponse serait donc, pour le fond, analogue à celle que le divin Maître fit à ses Apôtres au matin de son ascension : « Ce n’est pas à vous de sa^ir les temps ni les moments que le Père tient en son pouvoir. » Act., i, 7. II est certain que l’âme de Notre-Seigneur, créée et finie, n’était pas capable d’une science infinie. Du moins était-elle capable de puiser directement dans la science divine les connaissances qui se rapportaient à la mission rédemptrice. Or Jésus donne les détails les plus circonstanciés sur les derniers jours du monde et sur le jugement ; il déclare que le Père lui a « tout remis entre les mains », Joa., xiii, 3 ; qu’entre autres pouvoirs, il lui a assigné celui d’exercer tout jugement, particulièrement à la fin des temps. Joa., v, 22, 27 ; Matth., xxiv, 31. Comment donc ne saurait-il pas l’époque du jugement qu’il doit présider lui-même ? D’ailleurs, à prendre le texte à la rigueur, ce ne serait pas seulement le Verbe incarné dont l’âme serait privée de cette connaissance, ce serait le « Fils », la seconde personne de la sainte Trinité, pour laquelle le « Père » aurait un secret. On comprend très bien que Notre-Seigneur ait refusé aux hommes la connaissance de l’époque à laquelle finira le monde. Pour couper court à toute question, il donne une réponse négative, qui doit être prise dans un sens analogue à celui qu’on prête à ces autres paroles : « Je ne monte pas (à Jérusalem ) pour ce jour de fête, » Joa., vii, 8, alors que quelques jours après, le Sauveur se mit en route. Rien, dans l’Evangile, ne s’oppose donc à ce que l’on reconnaisse en Notre-Seigneur une science puisée directement à la source infinie de l’omniscience divine ; science aussi grande que pouvait la comporter une âme créée, la plus parfaite de toutes les âmes par son union personnelle avec la divinité ; science enfin qui ne pouvait recevoir du dehors que la notion expérimentale de ce qui était déjà connu par intuition directe en Dieu même.

IY. LA MÉTHODE D’ENSEIGNEMENT DU SAUVEUR. —

Notre-Seigneur n’avait pas à prêcher sa doctrine aux seuls hommes de son pa^s et de son temps. Son enseignement s’adressait à l’humanité entière. Il importait donc qu’il fût présenté sous une forme accessible à tous les esprits. De là les caractères particuliers de la prédication du Sauveur.

Jésus enseigne en maître.

Tout d’abord, Notre-Seigneur

parle en maître. « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… et moi je vous dis… » Matth., v, 22, 28, 32, 34, 39, 44, etc. Si on lui objecte ce que Moïse a établi, il substitue son autorité à celle de Moise. Matth., xix, 7-9 ; Marc, x, 4-9. Si l’on fait difficulté pour admettre son enseignement, loin de l’atténuer, il le répète avec plus de force. Joa., vi, 41-65. Pour énoncer plus énergiquement certains principes, il les fait précéder de la formule : « En vérité, en vérité, je vous le dis. » Matth., v, 18 ; Marc, iii, 28 ; Luc, iv, 24 ; Joa., i, 51, etc. Voir Amen, t. i, col. 475. Et ce n’est pas seulement quand il est en face des Galiléens et qu’il n’a guère d’opposition à redouter qu’il procède ainsi. S’il s’adresse aux Juifs de Jérusalem et aux plus hautes autorités religieuses, il affirme avec la même assurance. Joa., viii, 16, 44-47, 58 ; Marc, xi, 17 ; Luc, xix, 46 ; Matth., xxvi, 55, 64, etc. Cette attitude tranchait singulièrement avec la "méthode familière aux docteurs juifs, qui citaient toujours les dires d’autres docteurs plus ou moins célèbres, opposaient leurs décisions les unes aux autres, subtilisaient sur leurs sentences et n’arrivaient jamais à se faire une conviction personnelle d’accord à la fois avec la loi divine et avec le bon sens. C’est l’impression que donne à chaque page la lecture du Talmud.

Aussi Notre-Seigneur disait-il des docteurs de son temps : « Laissez-les ; ce sont des aveugles conduisant des aveugles. » Matth., xv, 14. Quant à lui, il faisait l’admiration des foules par sa manière de les enseigner. « Car il les instruisait comme ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens. » Matth., vn, 29. Quelquefois l’admiration faisait pousser à ses auditeurs des exclamations enthousiastes. Luc, xi, 27. On l’écoutait toujours volontiers, Marc, xii, 37, et même les habitués du Temple, qui avaient l’occasion continuelle d’entendre parler les docteurs, ne pouvaient s’empêcher de faire cette remarque : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! » Joa., vil, 46. Il étonnait surtout les docteurs par l’aisance et l’autorité avec lesquelles il tranchait les cas qu’ils lui posaient pour l’embarrasser. Rien de plus surprenant pour ses ennemis, mais aussi rien d’aussi péremptoire que ses réponses sur le jeûne, Luc, v, 34 ; sur le repos du sabbat, Matth., XII, 3, il ; sur l’expulsion des démons, Matth., XII, 26, 27 ; sur l’impureté extérieure, Marc, vii, 18-23 ; sur le cas de la femme adultère, Joa., viii, 7 ; sur sa divinité, Joa., x, 32-38 ; sur son autorité, Marc, xi, 29-33 ; sur le tribut à César, Matth., xxii, 21 ; sur la résurrection, Luc, XX, 34-36 ; sur le premier commandement de la loi. Marc, xii, 29-31. C’est bien ainsi que devait parler au milieu des hommes le Fils unique, qui est au sein du Père, et qui venait raconter ce qu’il y avait appris. Joa., i, 18.

2° Jésus parle avec la connaissance du fond des cœurs.

— Le merveilleux à-propos avec lequel le Sauveur parlait à ses interlocuteurs s’explique par le don qu’il avait de lire dans les consciences les pensées et les sentiments qui s’y cachaient. Les Évangélistes en font souvent la remarque. Il ne se servait d’ailleurs de ce don que pour éclairer les âmes et appliquer aux maux dont elles souffraient le remède convenable. « Il connaissait tous les hommes, et il n’était pas besoin qu’on lui rendît témoignage de qui que ce fût ; il savait bien lui-même ce qu’il y avait au dedans de l’homme. » Joa., Il, 24, 25. C’est ainsi qu’il voit clairement ce qu’il y a dans la conscience de Nathanæl, Joa., i, 47 ; de la Samaritaine, Joa., iv, 18 ; des gens de Nazareth. Luc, IV, 23. Il surprend dans le cœur des disciples les idées qu’ils se font sur le levain des pharisiens, Matth., xvi, 7, 8 ; Marc, viii, 16, 17 ; sur la primauté qu’ils ambitionnent, Marc, ix, 33, 34 ; Luc, îx, 47 ; sur la. sainte prodigalité de Madeleine. Marc, xiv, 4. Les dispositions perfides de Judas lui sont connues longtemps à l’avance. Joa., vi, 71 ; xiii, 21 ; Luc, xxii, 48. Quant aux pharisiens malveillants, il lit leurs pensées au fond de leur cœur et y répond, avec une précision qui les déconcerte, au sujet de la rémission des péchés, Matth., ix, 4 ; Marc, ii, 8 ; Luc, v, 22 ; de la pécheresse repentie, Luc, vii, 39, 40 ; de l’intervention de Beelzébub, Matth., xii, 25 ; Luc, xi, 17 ; du pain de vie, Joa., vi, 62 ; des ablutions avant le repas, Luc, XI, 38, 39 ; de l’orgueil, Luc, xviii, 9, 10 ; du déniera pajerà César. Matth., xxii, 18 ; Marc, xii, 15 ; Luc, xx, 23, etc. Les Apôtres eux-mêmes lui en rendent d’ailleurs le témoignage : « Nous savons que vous connaissez tout, sans qu’il soit besoin qu’on vous interroge ; c’est ce qui fait que nous croyons que vous êtes venu de Dieu. » Joa., , xvi, 19, 30.

3° Jésus adapte son enseignement à l’intelligence de ses auditeurs. — Ce qui caractérise encore la méthode de Notre-Seigneur, c’est l’adaptation parfaite de sa parole à la portée de toutes les intelligences humaines. Il vient apporter au monde les mystères les plus sublimes et la morale la plus élevée. Tous comprennent, tant il y a de clarté, de simplicité, de noble familiarité dans son exposition. À la suite du sermon sur la montagne, par exemple, « les foules sont dans l’admiration sur sa doctrine, » Matth., vii, 28, parce que tous les auditeurs sont émerveillés d’avoir pu<très facilement saisir un.