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JESUS-CHRIST


doit nécessairement exister entre un enseignement préparatoire et restreint à quelques points et un enseignement définitif et complet.— I.La doctrine de Jésusn’apas été empruntée aux Esséniens. — On a parfois affirmé que Notre-Seigneur avait emprunté au moins quelques traits de sa doctrine aux Esséniens, qui, au rapport de Josèphe, £e2I.Jud., III, 'viii) 4, se trouvaient en grand nombre dans toutes les villes de Palestine. On manque de renseignements précis sur l’origine et la nature de la secte que formaient les Esséniens. Il semble que leurs pratiques et leurs idées n'étaient autres que celles des pharisiens, mais poussées à l’extrême. Ils pratiquaient le communisme, rejetaient le serment, prohibaient les onctions d’huile, se baignaient dans l’eau froide avant chaque repas, portaient des vêtements blancs, poussaient à un degré incroyable l’observation de la loi sabbatique et des lois de pureté extérieure, s’abstenaient du mariage, ne faisaient jamais offrir au Temple de sacrifices sanglants, etc. Cf. Joséphe, Bell, jud., II, viii, 2-13 ; Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, t. ii, p. 559-584. Les ressemblances entre les maximes et la manière de vivre des Esséniens et celles de Notre-Seigneur sont superficielles ou accidentelles. À la pureté extérieure qu’ils préconisent, le Sauveur oppose très formellement la pureté intérieure ; les renoncements qu’ils s’imposent rigoureusement font, dans la morale du divin Maître, l’objet de simples conseils adressés à un petit nombre d'âmes d'élite. Quant aux formules esséniennes qui paraissent semblables à certaines sentences évangéliques, il reste toujours à se demander si elles sont, de la part des Esséniens, des prêts ou des emprunts. Si même elles étaient à leur usage avant la prédication évangélique, on ne voit pas pourquoi Notre-Seigneur aurait évité de s’en servir, dès lors qu’elles étaient justes ; encore cette antériorité n est nullement certaine, et les similitudes ne portent que sur des points accessoires. Il est possible que Noire Seigneur ait assez souvent rencontré des Esséniens. Ni lui, ni les Apôtres ne font la moindre mention d eux, ce qui prouve que les Esséniens qui pouvaient être répandus dans le pays étaient confondus pratiquement avec les pharisiens. — 3. La doctrine du Sauveur n’a pas été empruntée aux pharisiens. — À ceux-ci non plus le Divin Maître n’a rien emprunté. Sans doute, il est d’accord avec eux sur les doctrines qui sont vraies. Luc, xx, 39 ; Marc, xii, 28, 34, etc. Mais sur les points de doctrine ou de morale qui caractérisent leur secte, il les combat ouvertement ; c’est même à la persévérance avec laquelle il poursuit leurs traditions abusives ou erronées qu’il doit la haine dont il finit par être la victime. Il est certain d’autre part que le Sauveur ne fréquenta jamais les écoles des docteurs juifs. Joa., vii, 15. Il n’a donc été tributaire d’aucun de ses compatriotes, d’aucun de ses contemporains, d’aucun même des sages qui l’avaient précédé. Il est par conséquent vrai de dire : « Personne n’a été moins de son temps que Jésus ; personne n’a moins subi l’influence de son milieu ; personne n’a été plus affranchi de préjugés et plus indépendant que lui. » Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 472. Cf. Harnack, Dos Wesen des Christenthums, Leipzig, 1900, p. 21-24. Pour faire croire à une dépendance de la doctrine de Jésus-Christ par rapport à l’enseignement rabbinique, on a mis en parallélisme les sentences de l'Évangile et celles du Talmud. E. Soloweyczyk, La Bible, le Talmud et l’Evangile, trad. Wogue, Paris, 1875. La différence saute aux yeux. « Le meilleur traité de la Mischna, le Pirke Abolh, est séparé par un abîme des préceptes de la morale évangélique. » Stapfer, La Palestine au temps de J.-C, p. 24. Cf. Frz. Delitzsch, Jésus und Hiilel, Erlangen, 1867.

La doctrine de Jésus lui vient de son Père.

La

vraie source de l’enseignement de Jésus-Christ, c’est la révélation directe qui lui a été faite par son Père ; c’est

par conséquent l’illumination de sa sainte âme par la divinité à laquelle elle était unie. Les synoptiques disent peu de chose à ce sujet, parce que l'Évangile qu’ils écrivent a été prêché dans un milieu où l’autorité doctrinale du Sauveur s’imposait d’elle-même et s’appuyait d’ailleurs sur d’incessants miracles. Mais en Judée, à Jérusalem, au Temple, les représentants du sanhédrin ont le droit de demander à Jésus quel a été son maître, d’où lui vient sa doctrine. Saint Jean, qui seul fait le récit du ministère public du Sauveur auprès des Juifs de la capitale, enregistre ses réponses. Elles sont décisives et fréquemment répétées. Tout d’abord, c’est Jean-Baptiste qui dit de Jésus : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous. Ce qu’il a vu et entendu, il l’atteste… Celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu. » Joa., iii, 31-34. À la fête des Tabernacles, le Sauveur lui-même dit aux Juifs : « Ma doctrine n’est pas à moi, mais à celui qui m’a envoyé. Quiconque voudra obéir à sa volonté, reconnaîtra si la doctrine vient de Dieu ou si je parle en mon propre nom. Quand on parle en son propre nom, on cherche à se glorifier soi-même ; mais celui qui cherche la gloire de qui l’a envoyé, celui-là mérite d'être cru. » Joa., vii, 16-18. Au cours de la même fête, il dit encore : « Celui qui m’a envoyé mérite créance, et ce que j’ai entendu de lui, c’est ce que je dis au monde… Ce que mon Père m’a enseigné, je le dis… Je vous ai dit la vérité que j’ai apprise de Dieu. » Joa., viii, 26, 28, 40. La semaine même de sa passion, il répète de nouveau dans le Temple : « Je n’ai pas parlé en mon nom, mais le Père qui m’a envoyé m’a ordonné ce que je dois dire et prêcher… Aussi ce que je dis, je le dis conformément à ce que m’a dit le Père. » Joa., xii, 49, 50. À ses Apôtres, le jeudi saint, il renouvelle les mêmes protestations : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même… L’enseignement que vous avez entendu n’est pas de moi, mais de mon Père qui m’a envoyé. » Joa., xiv, 10, 24. « Je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait savoir. » Joa., xv, 15. « "Père, … les paroles que vous m’avez dites, je les leur ai transmises. » Joa., xvii, 8. Qu’on n’imagine pas cependant que saint Jean soit seul à rappeler de pareils témoignages. On en trouve un tout aussi net et tout aussi démonstratif sous la plume de saint Matthieu, xi, 27, et de saint Luc, x, 22 : « Toutes choses m’ont été transmises par mon Père. Personne ne connaît le Fils que le Père, personne ne connaît le Père que le Fils, et celui auquel le Fils aura bien voulu le révéler. » C’est l’affirmation de l’identité de science dans le Père et dans le Fils. Il était difficile de revenir avec plus d’insistance sur une même affirmation. NotreSeigneur tenait manifestement à ce qu’aucune équivoque ne subsistât sur ce point capital : sa doctrine ne venait pas des hommes, mais uniquement de Dieu.

La science de Notre-Seigneur.

On peut se demander dans quelle mesure la science divine a été

communiquée à l'âme de Notre-Seigneur. Les textes évangéliques ne fournissent pas les renseignements désirables pour faire la lumière complète sur cette question. Nous avons vu plus haut que le texte de saint Luc, ii, 52, parlant d’une croissance « en sagesse » de l’enfant Jésus, est suffisamment justifié par l’idée d’une manifestation progressive de la sagesse, d’aulent plus que, dans un texte précédent, ii, 40, l'Évangéliste a déjà dit que le divin Enfant était « plein de sagesse », comme il le montre dans son apparition au Temple. Notre-Seigneur, il est vrai, déclare à ses Apôtres que ni les anges, ni lui-même, ne connaissent le jour et l’heure du jugement. Matth., xxiv, 36 ; Marc, xiii, 32. Quelques auteurs en ont conclu qu’en réalité NotreSeigneur a ignoré l'époque du jugement. Cf. Schell, Katholische Dogmatik, Wurzbourg, 1893, t. iii, p. 142147. Mais on enseigne communément que l’ignorance