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JÉSUS-CHRIST

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définitive du mystère de la sainte Trinité, que l’Ancien Testament avait dû laisser presque totalement dans l’ombre. Il ordonne à ses Apôtres de baptiser tous les hommes « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », JVIatth., xxviii, 19, mettant ainsi au même rang les trois personnes divines. — 1. Le Père est le Maître souverain auquel tout obéit. Maith., xi, 25, 26 ; Luc, x, 21. C’est le Jéhovah de l’ancienne loi. Cependant Jésus-Christ veut que les hommes lui donnent le nom de Père. Matth., vi, 9 ; Luc, xi, 2. En parlant de lui à ses disciples, il dit habituellement : « Votre Père, qui est dans les cieux. » Matth., v, 48 ; vi, 14 ; vii, 11 ; Marc, xi, 25, 26 ; Luc, xi, 13 ; xil, 32, etc. C’est un Père qui aime les hommes, Joa., iii, 16 ; xvi, 27, et qui prend soin d’eux avec une tendresse vigilante. Matth., VI, 32 ; x, 29 ; Luc, xii, 6, 7, 28, 32 ; xviii, 7, 8. Sous la loi nouvelle, les rapports de ce Père avec les hommes vont avoir un caractère bien plus marqué de tendresse et de libéralité. — 2. Le Fils, c’est Jésus-Christ lui-même, non plus dans le sens large et imparfait, comme quand il est dit de certains hommes : « Vous êtes tous des fils du Très-Haut, » Ps. lxxxi (lxxxii), 6, mais dans toute l’acception naturelle du mot. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2253-2257. Ce Fils ne fait qu’un avec le Père, Joa., xiv, 7 ; xv, 23, 24 ; xvi, 15 ; xvii, 10, 21, mais il en est distinct par la connaissance, Matth., xi, 27 ; Luc, x, 22, et par l’activité. Joa., v, 17-23. C’est du Père qu’il a reçu sa mission. Joa., vii, 28 ; xii, 44-50 ; xiv, 31 ; xv, 10-15 ; xvi, 27 ; xvii, 3. Aussi, tandis que les hommes appellent Dieu « notre Père », Matth., vi, 9, lui l’appelle constamment « mon Père », Matth., x, 32 ; Marc, vin, 38 ; Luc, ii, 49 ; Joa., ii, 16 ; v, 18 ; etc., comme tenant à ce Père par une filiation tout autre que celle des hommes. Quoique s’étant uni par l’incarnation une âme et un corps humain, il n’en reste pas moins le « Fils bien-aimé » du Père. Matth., iii, 17 ; xvii, 5 ; Marc, i, 11 ; Luc, iii, 22 ; ix, 35 ; Joa., iii, 35 ; v, 20, etc. Cependant, dans sa nature humaine qui est créée, il est inférieur au Père. Matlh., XX, 23 ; xxvi, 39 ; xxvii, 46 ; Luc, xxiii, 46 ; Joa., v, 30-32, 36 ; XIV, 28, etc. Ce titre de « Fils » que se donne par rapport à Dieu Jésus-Christ, en qui ils ne voient qu’un homme, révolte souverainement les Juifs, qui d’ailleurs entendent avec raison ce nom de « Fils » dans son acception la plus étroite. Joa., x, 36 ; xix, 7. — 3. Le Saint-Esprit, que l’Ancien Testament ne nous fait pas connaître nettement comme personne, complète la Trinité. Notre-Seigneur dit de lui qu’il procède du Père, Joa., xv, 26, mais qu’en même temps il recevra de ce qui est au Fils. Joa., xvi, 15. C’est d’ailleurs le Fils qui l’enverra sur la terre pour compléter son œuvre. Joa., xv, 26 ; xvi, 7, etc. Voir Esprit-Sacnt, t. ii, col. 1967-1969. 2° Le Messie.

Jésus-Christ se présente lui-même

comme le Messie. Joa., IV, 26. Il est le Messie qui réalise les prédictions des prophètes, mais il ne répond pas à l’idée que s’en sont faite les Juifs. Il lui faut donc redresser leurs préjugés. Ils disent que quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il vient, tandis qu’on sait d’où est Jésus et qu’en conséquence il ne saurait être le Messie. Joa., vii, 27. Le Sauveur leur explique que, s’ils savent qui il est et de quel pays il vient, ils ignorent sa véritable origine et l’ignorent volontairement, puisque, malgré toutes les preuves qu’il leur fournit, ils refusent d’admettre qu’il vient du Père. Joa., vii, 28, 29. Us le croient venu simplement de Galilée et de Nazareth. Joa., 1, 46 ; vii, 41. Pour les éclairer, Jésus leur rappelle que le Messie est « fils de David », mais que David^ l’appelle à l’avance son Seigneur, par conséquent un personnage qui lui est supérieur à lui-même. Matth., xxii, 41-46 ; Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Ils n’osent tirer une conclusion qui ne cadrerait pas avec leurs idées préconçues. Jésus-Christ s’applique à faire comprendre à ses disciples que le Messie promis doit être un Messie humble et souffrant, qui sera rejeté par les autorités nationales et mis à mort par les gentils, aux quels les Juifs l’auront livré. Matth.. xvi, 20-23 ; xvii, 21, 22 ; Marc, viii, 30-33 ; rx, 29-31 ; Luc, ix, 21, 22, 44, 45. « Mettez bien ces paroles dans vos cœurs, » dit-il à ses Apôtres qui ne peuvent se faire à cette idée. Luc, ix, 44. Quelques jours avant sa mort, il renouvelle son avertissement, en observant que toutes ces choses ont été écrites par les prophètes au sujet du Fils de l’homme. Matth., xx, 17-19 ; Marc, x, 32-34 ; Luc, xvii, 31-34. Enfin, la semaine même de sa passion, il dit à tous dans le Temple que le Fils de l’homme sera élevé de terre. Tous comprennent si bien le sens de ses paroles qu’on lui réplique aussitôt : « Nous avons entendu dire d’après la loi que le Christ demeure à jamais. » Joa., xii, 32-34. Le Sauveur n’insiste pas, parce que le malentendu ne peut être dissipé que par les faits. Plus tard, ceux qui le voudront verront qu’en effet le Christ demeure à jamais, mais non de la manière qu’ils avaient rêvé. De fait, il entrait dans les plans de la Providence que l’idée d’un Messie souffrant parût inacceptable au plus grand nombre des Juifs ; c’était précisément la condition requise pour que ce Messie fût rejeté des siens et livré aux gentils. En accusant Jésus devant Pilate de se donner pour le « Christ roi », Luc, xxii, 2, les princes des prêtres ont l’intention avérée d’exciter les susceptibilités du procurateur par le titre de « roi » qu’ils évoquent ; mais le nom de « Christ » attribué à un homme d’aussi modeste apparence les révolte encore plus étrangement ; c’est pourquoi ils protesteront avec tant de vivacité quand Pilate écrira au sommet de la croix : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs, » ce qui pour tous est synonyme de « Jésus de Nazareth, Messie ». Joa., xix, 20 r 21.La suite des événements a montré que, seul de son temps, le Sauveur avait eu la pleine intelligence des prophéties messianiques. Luc, xxiv, 26-27. Les JuiTs se regardaient comme une race privilégiée, vis-à-vis de laquelle Dieu était, pour ainsi dire, plutôt débiteur que créancier, et qui avait droit, en vertu d’antiques promesses mal comprises, à recevoir de lui un Messie glorieux et puissant qui associerait tous ses compatriotes à sa grandeur. La vérité était tout le contraire de cette conception. Les Juifs avaient péché comme tous les hommes et péchaient encore plus gravement que les gentils. Notre-Seigneur le leur répète pour abaisser leur orgueil. Joa., viii, 21, 24 ; ix, 41 ; xv, 22, 24 ; xvi, 9 ; xix, 11. Or le péché appelait l’expiation, et l’expiation ne pouvait se faire sans le sacrifice. Voilà pourquoi le Sauveur, en présentant la coupe eucharistique à ses Apôtres, leur disait : « Ceci est mon sang de la nouvelle alliance, qui sera versé pour beaucoup en rémission des péchés. » Matth., xxvi, 28. Toute l’idée messianique est dans cette formule, dans laquelle Notre-Seigneur parle du sang qui va être versé pour remettre les péchés des hommes, et leur permettra de contracter avec Dieu une alliance plus universelle, plus durable et plus salutaire que l’ancienne.

Le royaume de Dieu.

1. Les Juifs comprennent

ce royaume comme ils ont compris le Messie, dans un sens tout terrestre. Aussi rejettent-ils avec indignation le « roi des Juifs » qu’on leur présente pauvre et humilié. Notre-Seigneur vient pour établir le « royaume de Dieu » ou le a royaume des cieux », c’est-à-dire la royauté, le règne de Dieu sur la terre, paffiXet’a, regnum. Les conditions dans lesquelles il l’établit sont aussi conformes au sens spirituel des prophéties que contraires à l’attente des Juifs, qui interprétaient ces prophéties dans le sens le plus grossier. Ils s’imaginaient que le royaume de Dieu serait inauguré tout d’un coup, avec grand éclat, comme quand un grand prince monte sur le trône. Luc, xix, 11. Un jour, des pharisiens demandent au Sauveur : « Quand vient le royaume de Dieu ? » Et il leur répond : « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière qu’on puisse l’observer, » comme on observe les astres, uêtà itapaT^p^ccwî, « et on ne peut pas dire : le voici ici, le voici là. » Luc, xvii, 20, 21. Ce rojauine de Dieu,