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JÉSUS-CHRIST

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étrangers qui venaient à ce moment à Jérusalem et de tous les Israélites présents dans la ville qu’une raison ou une autre empêchait de manger la Pàque. Au milieu d’une si extraordinaire affluence, rien n'était plus à redouter qu’un soulèvement. C’est cependant à travers cette multitude que se déroulèrent les principales scènes de la passion du Sauveur, fait qu’il ne faut pas oublier, si l’on veut avoir une idée exacte du caractère grandiose de ces scènes et de la part prise par tout un peuple à la condamnation de son Messie.

v. le cinquième jour (jeudi saint). — 1° Préparation de la Cène. — Le mercredi, le Sauveur avait dit à' ses Apôtres : « Bans deux jours, ce sera la Pâque et le Fils cfe l’homme sera livré et crucifié. » Matth., xxvi, 2. Le premier jour des Azymes, d’après les synoptiques, les Apôtres demandèrent donc à Jésus où il voulait qu’on préparât la Pâque. Au lieu de choisir Judas, qui, semblet-il, était ordinairement chargé de remplir les fonctions de ce genre, Joa., xiii, 29, mais dont il fallait maintenant se défier plus que jamais, le Sauveur chargea Pierre et Jean de s’occuper des préparatifs. Pour que Judas ne pût connaître à l’avance le lieu du rendez-vous, qu’il lui eût été par trop facile d’indiquer aux princes des prêtres, Notre-Seigneur dit aux deux apôtres de suivre simplement un homme portant une cruche d’eau, qu’ils rencontreraient à la porte de la ville. Le Cénacle, où se célébra la dernière Cène, était situé à l’extrémité méridionale de Jérusalem, dans un lieu qui se trouvait à cette époque aussi éloigné que possible des centres d’agitation. Voir Cénacle, t. ii, col. 399-403. Le plus facile chemin pour y arriver en venant de la montagne des Oliviers descendait la vallée du Cédron et menait en ville par la porte de la Fontaine. II Esd., xii, 36 (hébreu). L’homme que les Apôtres rencontrèrent à cette porte remontait tout naturellement de la fontaine de Siloé. Ils le rejoignirent d’autant plus aisément qu’une différence de niveau de plus de quarante mètres séparait la fontaine du Cénacle, et que l’homme allait lentement en montant la pente. Les Apôtres préparèrent tout dans le lieu indiqué. Le soir, le divin Maître y vint avec les douze pour célébrer la Pàque. — Sur le jour où fut célébrée cette Pàque et sur le cérémonial qui fut suivi, voir Cène, t. ii, col. 408-417 ; Chronologie biblique, col. 734-736. Cf. Semeria, Le jour de la mort de Jésus, dans la Revue biblique, 1896, p. 78-87 ; Chwolson, Das lelzte Passamahl Christi, Saint-Pétersbourg, 1892.

Episodes divers.

Trois incidents remarquables

se produisirent au cours du festin. Comme ces incidents se rapportent aux défaillances des Apôtres, saint Luc, xxil, 21-34, conformément à sa méthode historique, les groupe tous les trois ensemble en les rattachant au dernier, la prédiction du reniement de saint Pierre, qui est postérieure à l’institution de la sainte Eucharistie. Cf. H. Lesêtre, La méthode historique de S. Luc, dans la Revue biblique, 1892, p. 179-184. Mais les deux premiers sont antérieurs à cette institution. — Les Apôtres commencent par se disputer sur une question de préséance, suite naturelle de la demande formulée naguère par les deux fils de Zébédée. Matth., xx, 20-28. NotreSeigneur leur déclare que, dans son royaume, la primauté consistera à servir les autres. Puis, joignant à la parole un exemple des plus inattendus, il prend le costume de l’esclave et se met à laver les pieds de ses Apôtres. Luc, xxii, 24-30 ; Joa., xiii, 1-17. Voir Lavement des pieds. — On se remet ensuite à table et le Sauveur dénonce formellement aux douze la trahison de l’un d’eux. Pour indiquer le traître à saint Jean, il tend une bouchée de pain trempé à Judas et lui dit : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Judas sort aussitôt ; mais, à part saint Jean, chacun croit qu’il est parti pour l’exécution d’un ordre du divin Maître. Matth., xxvi, 21-25 ; Marc, xiv, 1821 ; Luc, xxii, 21-23 ; Joa., xiii, 18-30. Quand, le lendemain, Judas verra le résultat de sa trahison, il rapportera

aux grands-prêtres l’argent qu’il a reçu et ira se pendre en désespéré. Matth., xxvii, 3-10. Voir Judas Iscariote. — Le troisième incident n’a lien qu’après l’institution de la sainte Eucharistie, peut-être même, d’après saint Matthieu, xxvi, 30-35 ; Marc, xiv, 26-31, seulement après le départ du cénacle. Notre-Seigneur ayant annoncé aux onze Apôtres qui restent qu’ils vont tous l’abandonner, Pierre s’opiniâtre à promettre une fidélité inébranlable et s’attire la prédiction de son triple reniement. Luc, xxii, 31-34 ; Joa., xiii, 36-38. Voir Pierre (Saint).

Institution de l’Eucharistie.

Vers la fin du festin pascal, Jésus institue la sainte Eucharistie, en changeant le pain et le vin en son corps et en son sang,

en les distribuant à ses Apôtres et en leur ordonnant de faire la même chose en mémoire de lui. Matth., xxvi, 26-29 ; Marc, xiv, 22-25 ; Luc, xxii, 19-20. Voir Cêke, t. ii, col. 416, 417. Tout oblige à prendre dans le sens le plus littéral les paroles du Sauveur : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ; » la solennité de la circonstance, dans laquelle Notre-Seigneur, qui se sait à la veille de sa mort, exprime ses volontés suprêmes, comme tout homme le fait à pareille heure, dans un langage simple et clair, Joa., xvi, 25, 29 ; les termes mêmes qu’il emploie pour identifier ce qu’il donne avec son corps qui va être livré et son sang qui va être versé pour les hommes ; la mention de la « nouvelle alliance » qui serait de beaucoup inférieure à l’ancienne si, au lieu d'être scellée par un sang véritable, elle ne l'était que par un vin vulgaire ; la conformité parfaite entre le don du corps et du sang de Jésus comme nourriture et la promesse si formelle qu’il en a faite antérieurement, Joa., vi, 48-58 ; l’insignifiance absolue de ce que le Sauveur, si puissant et si libéral, eût laissé à l’humanité rachetée, si le don n’eût consisté que dans un morceau de pain et un peu de vin rappelant son souvenir ou figurant sa personne ; l’impossibilité littérale d’expliquer dans le sens d’un simple souvenir, d’une image ou d’une ligure les expressions si catégoriques et si claires dont se sert ici le divin Maître ; enfin l’inconvenance suprême qu’il y aurait à supposer que Notre-Seigneur, avec sa prescience de l’avenir, ait pu laisser son Église croire à sa présence réelle sur la foi d’expressions dont la clarté eût constitué un piège pour ses disciples et pour tous les croyants. Il est donc incontestable que Jésus a voulu laisser aux hommes dans l’Eucharistie son corps et son sang. Et ce qu’il a voulu, il a pu l’accomplir en vertu de cette puissance dont ses miracles antérieurs ont fourni tant de preuves irréfragables. De même que la formule : « Le Verbe s’est fait chair, » suppose en lui la personne complète, divinité, âme et corps, ainsi les expressions : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, » entraînent dans l’Eucharistie la présence complète du Verbe incarné, divinité, âme, corps et sang, parce que depuis la résurrection du Sauveur, tous les éléments constitutifs de sa personnalité sont inséparables. Rom., VI, 9.

Discours après la Cène.

Après l’institution de

l’Eucharistie, Notre-Seigneur eut avec ses Apôtres un long entretien pour épancher son âme dans la leur et leur transmettre ses derniers conseils. Les Apôtres étaient effrayés par toutes les allusions qui venaient d'être faites à des événements tragiques et imminents. Pour les encourager, le Sauveur leur annonce qu’il retourne à son Père, mais que cependant il ne les laissera pas orphelins et leur enverra l’Esprit-Saint, chargé de continuer son œuvre sur la terre. Joa., xiv, 1-31. Voir Esprit-Saint, t. ii, col. 1968. Quittant alors la salle du festin, Joa., xiv, 31, sans doute pour prendre le chemin de Gethsémani, il continua à leur parler. Il leur expliqua ce qu’est la vie surnaturelle, avec son double fruit, l’amour réciproque de Dieu et de l'âme et l’amour du prochain. Cette vie les aidera à triompher de la haine du monde, qui les poursuivra comme elle a poursuiû