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JÉSUS-CHRIST


Leurs préjugés orgueilleux les empêchèrent de conclure ; mais saint Jean n’enregistre aucune réplique de leur part, malgré le blâme direct qui leur fut adressé. La scène décrite par l'Évangéliste a pu se passer tout entière dans l’espace d’une journée ; il est possible toutefois que le divin Maître soit resté à Jérusalem pendant toute l’octave de la fête. — À la Pâque suivante, celle qui précéda sa mort d’une année, Jésus-Christ ne se rendit pas en Judée, parce que les Juifs voulaient le tuer. Joa., vii, 1. Déjà, des sa première visite au Temple, le Sauveur, qui connaissait les Juifs, ne se fiait pas à eux. Joa., ii, 24. Apres le miracle de la piscine probatique, l’idée de la suppression de Jésus par une mort violente devint tellement familière aux Juifs, que quand, à son retour de Jérusalem et probablement encore en Judée, il guérit le jour du sabbat un homme qui avait la main desséchée, des pharisiens et des Hérodiens tinrent conseil ensemble pour aviser aux moyens de le faire périr. Matth., xii, 14 ; Marc, iii, 6 ; Luc, vi, 11. Le Sauveur était donc déjà condamné deux ans avant que le projet pût être exécuté, si la fête dont parle saint Jean, v, 1, est la Pâque. Avec de pareils desseins dans l’esprit, les Juifs étaient-ils en état d’examiner impartialement la doctrine et les œuvres de Jésus ?

À la fête des Tabernacles.

Cette fête se célébrait

le premier jour du mois de tisri, c’est-à-dire vers la fin de septembre. On était donc alors à six mois environ de la mort du Sauveur. Ses proches l’invitèrent à monter avec eux à Jérusalem, afin de s’y produire en public. Il ne voulut pas partir avec eux, sans doute parce qu’ils ne croyaient pas en lui, peut-être aussi parce que, sachant bien ce dont les Juifs étaient capables, il ne voulait arriver dans la ville sainte que quand les Galiléens, favorables en somme à sa personne et à sa cause, s’y trouveraient en nombre pour tenir en respect ses adversaires. Joa., vii, 2-10. Cependant, à Jérusalem, on le cherchait avec d’autant plus d’empressement qu’il n’avait pas paru à la Pâque précédente. Chacun émettait son avis sur sa personne, mais rien ne se disait en public, à cause de la crainte qu’inspiraient les dispositions des Juifs. Joa., vii, 11-13. Au milieu de la fête, Jésus arriva et se rendit directement au Temple. Il y parla de manière à émerveiller ses auditeurs, qui ne savaient d’où lui venait tant de science. Il expliqua que cette science lui venait de son Père, au nom de qui il parlait. Puis, interpellant directement ses adversaires, il leur dit, en présence de toute la foule : « Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? » Le miracle de la piscine, opéré un jour de sabbat, était le prétexte. Pourquoi, pour obéir au Père, ne pouvait-il guérir le jour du sabbat, quand les Juifs, pour obéir à Moïse, donnaient la circoncision même ce jour-là ? Il n’y avait rien à répliquer à de telles observations. Les autorités du sanhédrin n’y songeaient d’ailleurs en aucune manière. Tout leur souci était d’exécuter leurs projets homicides. À plusieurs reprises, ils envoyèrent des hommes pour le saisir ; mais ceux-ci n’osèrent le faire, à cause de la foule qui remplissait le Temple. Car, à ceux qui partageaient les vues du sanhédrin se trouvaient mêlés en grand nombre des croyants, que les paroles du divin Maître avaient convaincus et qui, maintenant, disaient tout haut : C’est un prophète, c’est le Christ ! Pour atténuer l’effet de ces adhésions, les pontifes et les pharisiens traitaient de foule ignorante et maudite ceux qui croyaient en Jésus ; ils proclamaient bien haut que le Christ ne pouvait venir de Galilée. Deux fois, pendant le cours des fêtes, et une troisième fois, le dernier jour, on tenta d’arrêter le Sauveur. Mais son heure n'était pas encore venue, parce que lui-même commandait les événements et rendait impuissants les efforts de ses adversaires. Les gardes qu’on envoyait pour le prendre tombaient eux-mêmes en admiration devant ses paroles ; ces hommes qui entendaient discuter les grands docteurs d’Israël déclaraient nettement que personne ne parlait

comme Jésus. La fête se termina sans que le sanhédrin pût rien contre lui, sinon faire ressortir l’origine galiléenne qu’il lui attribuait et qui, d’après la prophétie de Michée, v, 2, paraissait, en effet, incompatible avec la qualité de Messie. Quant au Sauveur, il avait gagné de nombreux disciples et posé la question messianique dans de tels termes qu’il était impossible au sanhédrin de l'éluder. Joa., vii, 14-53.

Le lendemain du dernier jour de la fête, le Sauveur, qui avait passé la nuit au mont des Oliviers, revint aux Temple et se mit à enseigner le peuple accouru auprès de lui. Les scribes et les pharisiens, piqués du reproche qui leur avait été fait de ne pas croire à Moïse, lui posèrent un cas qui, à leur sens, devait le mettre en mauvaise posture devant le peuple, quelque solution qu’il apportât. Ils lui amenèrent à juger la femme adultère. L’affaire tourna à leur confusion et ils se retirèrent les uns après les autres. Voir Femme adultère, t. ii, col. 2199-2201. La discussion reprit bientôt après avec d’autres pharisiens, ceux-ci contestant la valeur du témoignage que Jésus se rendait à lui-même, et le Sauveur en appelant au témoignage que lui rendait son Père. Cette discussion eut lieu près de la salle du trésor, à la droite du parvis des femmes. Voir Gazophylacium, col. 133-135. Il eût été facile de saisir le Sauveur dans ces bâtiments intérieurs du Temple. Saint Jean, viii, 20, remarque qu’on ne le fit pas, toujours parce que son heure n'était pas encore venue. Il continua donc à converser avec les Juifs. On lui demandait : c< Qui êtesvous ? » Il répondit en confirmant ses précédentes déclarations. Il parla ensuite sur la liberté que la vérité évangélique devait apporter à tous. Ce fut le signal d’une scène des plus orageuses. Les Juifs étaient libres, disaient-ils, puisqu’ils avaient Abraham et Dieu même pour pères. Jésus répliqua que la paternité d’Abraham entraînait l’imitation des œuvres d’Abraham, tandis que par leurs pensées et leurs actes les Juifs se montraient plutôt les fils de Satan, homicide dès le commencement. Furieux de cette apostrophe, les Juifs traitèrent le Sauveur de samaritain et de possédé, et comme il en appelait à son Père et affirmait son antériorité à Abraham, ils prirent des pierres pour le lapider. Jésus se déroba à leurs coups et sortit du temple. Joa., viii, 1-59.

Au sabbat qui suivit cette scène, Jésus reparut au Temple, accompagné de ses disciples. Il y guérit un aveugle-né, en frottant ses yeux avec un peu de boue et en l’envoyant se laver -à la fontaine de Siloé. Ce fut grande rumeur parmi les pharisiens, qui virent dans l’acte du Sauveur une violation flagrante du repos sabbatique. Ils n'étaient pas tous d’accord cependant, plusieurs d’entre eux concluant avec raison qu’il y avait la un miracle, et qu’un pécheur ne peut faire de miracles. On fit une enquête en règle, qui n’aboutit qu'à mettre en plus vive lumière la réalité du fait. Les pharisiens eurent beau déclarer très haut qu’ils savaient que Jésus était un pécheur ; l’aveugle guéri répondit avec beaucoup de bon sens que, pour opérer de telles merveilles, il fallait venir de Dieu. Cf. D. Ebersbach, De mirac. piscin. Bethesdss, dans le Thésaurus de Hase et Lken, t. ii, p. 486-493. Aux pharisiens qui se trouvèrent auprès de lui le même jour, le divin Maître observa que, s’il rendait la lumière aux aveugles, il la faisait perdre à certains voyants. Les pharisiens comprirent que ce trait les concernait. Le Sauveur n’en poursuivit pas moins ses instructions au peuple. Il se présenta comme le bon pasteur envoyé par le Père, en opposition avec les faux pasteurs, ces scribes., ces docteurs, ces pharisiens, qui avaient pris la direction spirituelle du peuple, mais se comportaient en brigands. Enfin, à la pensée des complots tramés contre sa vie, il déclara que, sur l’ordre de son Père, il ne quitterait la vie que de sa propre volonté, pour la reprendre ensuite. Pendant ces quelques journées, au plus sept ou huit, le Sauveur avait encore tenté