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JÉSUS-CHRIST
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royaume messianique universel. Ce grand royaume aura Dieu pour chef suprême. Orac. Sybil, iii, 704-706, 756759 ; Psal. Salom., rvn, 1, 38, 51 ; Josèphe, Bell, jud., II, vin, 1. La Palestine devient alors le siège d’un roi qui commande au monde entier. Orac. Sybil., M, 698-726, 766-783 ; Henoch, XC, 30, 37 ; Apoc. Baruch., lxxii, 5 ; Assumptio Mosis, x, 8. On prend ainsi à la lettre ce qui a été dit par les prophètes dans un sens spirituel. Is., xi, 10 ; xlii, 1-6 ; liv, 4, 5 ; Jer., iii, 17 ; xvi, 19 ; Soph., h, 11 ; iii, 9 ; Zach., ii, 13 ; viii, 20 ; xiv, 9, etc. Dans ce royaume, on jouira de tous les biens ; ce sera le retour de l’âge d’or. Orac. Sybil., iii, 371-380, 620-623, 743-750, 787-794 ; Apoc. Baruch, xxix, 5-8 ; lxxiii, 2-8 ; lxxiv, 1 ; Henoch, x, 18, 19 ; Philon, De prsemiis et pœnis, 15, 16, 20. £t la durée de ce royaume sera sans fin. Orac. Sybil., iii, 49, 50, 766 ; Psal. Salom., xvii, 4 ; Henoch, ixii, 14. Ces idées sur le futur royaume palestinien percèrent jusque dans le monde païen et furent signalées par Tacite, Hist., v, 13, et Suétone, Vespas., 4. Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, v, 4. — 9. Il y aura une rénovation du monde, une itaXiYY&veuta. Matth., xix, 28 ; Henoch, xlv, 4, 5 ; Apoc. Baruch., lxxiv, 2, 3 ; Berachoth, i, 5. — 10. Ensuite viendra la résurrection, Henoch, li, 1 ; Psal. Salom., iii, 16 ; xiv, 2 ; Apoc. Baruch., xxx, 1-5, L, 1-u. 6 ; IV Esd., vii, 32 ; Sanhédrin, x, 1 ; Aboth, iv, 22, pour les âmes justes qui sont déjà dans l’autre vie, Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3 ; cf. S. Justin, Dial.cum Tryphon., 5, t. vi, col. 488 ; ce qui n’exclut pas la résurrection générale pour le jugement. Sanhédrin, x, 3 ; Aboth, IV, 22. — 11. Enfin, le jugement dernier décidera pour l’éternité du bonheur ou du malheur de chacun. Apoc. Baruch., L, 4 ; li, 4, 5 ; IV Esd., vii, 33-44 ; Henoch, xcviii, 7, 8 ; civ, 7 ; Aboth, H, 1, etc. — Toutes ces idées représentent la croyance des Juifs par rapport au Messie et à son règne. Elles s’inspirent des écrits des prophètes, mais transportent souvent dans le domaine temporel ce que les écrivains sacrés ont annoncé dans un sens purement spirituel. Cf. Soloweyczjk, La Bible, le Talmud et l’Évangile, Paris, 1875, p. 100-115. C’est ce qui fait que la question posée par Pilate au Sauveur : « Es-tu le roi des Juifs ? » pouvait être entendue soit dans un sens purement messianique et spirituel, soit dans un sens temporel. Notre-Seigneur, pour dissiper l’équivoque, demande à Pilate s’il parle ainsi d’après d’autres ou de sa propre initiative. Les autres, les princes des prêtres, donnaient alors à ce titre une portée politique. Pour lui, il se dit roi, mais dans un sens qui ne peut offusquer le procurateur. Joa., xviii, 34-38. Cf. Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 1898, t. ii, p. 498-556, et les auteurs qu’il cite, p. 496.

Le vrai sens des prophéties messianiques.

Les

traces de ces croyances sont manifestes dans plusieurs passages de l’Évangile ; les Apôtres ou les J uifs y parlent suivant les idées qui ont cours, et parfois Notre-Seïgneur les approuve ; d’autres fois, il est obligé de redresser leurs croyances erronées. Ainsi : 1, de grandes catastrophes doivent se produire ; le Précurseur signale avec raison « la colère à venir », Matth., iii, 7, et « la cognée à la racine de l’arbre ». Luc, iii, 9. Mais la vengeance ne doit s’exercer qu’après le déicide, à la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 4-22 ; Marc, xiii, 5-20 ; Luc, xxi, 8-24. C’est du reste dans cet ordre que Daniel, IX, 26, 27, avait annoncé les événements. — 2. Élie est attendu. On demande à Jean-Baptiste s’il n’est pas Élie, Joa., i, 21, et, après la mort du précurseur, plusieurs croient que Jésus lui-même est Élie. Marc, VI, 15 ; Luc, ix, 8. Les Apôtres remarquent que les scribes comptent sur un retour préalable d’ÉHe. Matth., xvii, 10. Notre-Seigneur répond qu’en effet Élie est déjà venu, Matth., xvii, 12 ; Marc, ix, 11, 12, en la personne de Jean-Baptiste, qui avait en lui l’esprit et la puissance de l’ancien prophète. Luc, i, 17. — 3. Les prophéties qui marquent

l’époque du Messie ont été suffisamment comprises. Au moment où paraît Notre-Seigneur, Jes princes des prêtres ne sont pas étonnés que les mages parlent de la naissancedu « roi des Juifs », c’est-à-dire du Messie, et sans hésiter ils envoient à Bethléhem pour le trouver. Matth., ii, 2. La seule chose qui les trouble, c’est que des étrangers connaissent avant eux cet événement. La Samaritaine sait que le Messie va venir. Joa., iv, 25. Jean-Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus-Christ s’il est « celui qui doit venir », Matth., xi, 3 ; les Juifs adjurent le Sauveur de leur dire s’il est le Christ, Joa., x, 24, et le peuple le salue en cette qualité. Joa., vii, 26 ; Matth., xi, 2-5. Tous se croient donc bien à l’époque marquée pour la venue du Messie. Sur son origine, on se réfère tantôt à la prophétie qui le fait venir de Bethléhem, Matth., ii, 6 ; Joa., vii, 42, ce qui exclut naturellement Nazareth, Joa., 1, 46 ; vil, 52 ; tantôt à cette croyance, inspirée sans doute par lsai’e, lui, 8 (Septante), qu’on ne saura pas d’où vient le Messie. Joa., vii, 27. Quant à l’idée d’un Messie souffrant, elle répugne visiblement à tous les personnages évangéliques, qui, sur ce point, partagent complètement les préjugés de leurs contemporains. Quand Notre-Seigneur annonce sa passion et sa mort, les Apôtres sont décontenancés, saint Pierre observe avec insistance qu’un pareil dénouement n’est pas possible, Matth., xvi, 22 ; Marc, viii, 33, et la foule oppose au divin Maître cet axiome que, « d’après la loi, le Christ demeure éternellement. » Joa., xii, 34. La remarque que fait à ce sujet l’évangéliste permet de conclure qu’on ne croyait pas à l’accomplissement de cet oracle d’Isaie, lui, 1, qui commence par les mots : « Qui a cru à notre prédication ? » Joa., xii, 37, 38. En livrant son Maître, Judas partageait sans doute cette persuasion ; de là son étonnement quand il vit mener Jésus à la mort. Matth., xxvii, 3. Aussi, dans son entretien avec les disciples d’Emmaus, Notre-Seigneur s’applique-t-il à établir que, contrairement aux idées reçues, il fallait que le Christ souffrît. Luc, xxiv, 26. Il est certain que, sous l’empire de ces préjugés, les Apôtres n’avaient rien compris aux annonces réitérées que Jésus-Christ leur avait faites de sa passion et de sa résurrection. Quand saint Jean veut expliquer la foi tardive que Pierre et lui-même ont prêtée au fait de la résurrection, il dit seulement : « Ils ne savaient pas encore l’Écriture, » Joa., xx, 9, sans même que sa pensée se reporte alors aux prédictions si précises du Sauveur. — 4. Le combat contre les puissances ennemies est livré par Jésus-Christ contre le démon, qui se plaint que le Sauveur vient le perdre. Luc, iv, 31. — 5. La puissance anéantie est celle du démon, le prince de ce monde qui sera jeté dehors. Joa., xii, 31. — 6. La Jérusalem renouvelée ne sera pas la cité terrestre, mais la cité céleste et spirituelle, qui est l’Église, la Jérusalem nouvelle. Apoc, iii, 12 j xxi, 2. — 7. Les dispersés d’Israël, ce sont les autres brebis qui ne sont pas du bercail du Sauveur, qu’il se propose lui-même de ramener et qui écouteront sa voix. Joa., x, 16. L’idée que le Messie puisse se tourner vers les gentils choque manifestement les Juifs. Matth., xxi, 43, Joa., vii, 35. — 8. Enfin, le grand royaume, c’est celui dans lequel Jésus, descendant de Jacob et de David, doit régner sans fin. Luc, r, 32, 33. Lui-même salue Jérusalem comme la « cité du grand roi », Matth., v, 35, et envoie ses Apôtres pour publier 1’« Évangile du royaume », Marc, I, 14, et le « royaume des cieux », Matth., iv, 17 ; x, 7 ; ou « royaume de Dieu ». Marc, I, 15 ; Luc, iv, 43 ; x, 11 ; Joa., iii, 5. Ce royaume est d’ordre tout spirituel et ne ressemble pas à ceux de ce monde. Joa., xviii, 36° Mais les Apôtres, pas plus que les Juifs, ne l’entendent ainsi. Le tentateur traduit fidèlement leur pensée quand il fait passer les royaumes de ce monde sous les yeux du Sauveur et lui dit : « Je te les donnerai tous ! » Matth., IV, 8, 9. C’est bien là la royauté que rêvent les Juifs. Les deux fils de Zébédée osent demander les deux