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1405 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 4406

d'Écriture Sainte.J’ai commencé Je jour de Saint-Jacques, à expliquer, dans l'église du Saint-Sauveur, l'Évangile selon saint Jean. Le nombre des auditeurs était satisfaisant : on en a compté, m’a-t-on dit, quatre cents ; on remarquait parmi eux le révérendissime nonce apostolique, un évêque grec, et beaucoup de membres de la noblesse. Tous se sont montrés satisfaits. Le mercredi suivant je fis la leçon avec un pareil nombre d’auditeurs, bien qu’elle n’eût pas été annoncée. Après la leçon, une trentaine de gentilshommes vinrent me demander, de la part des administrateurs de l’hôpital, de transférer la prédication à l’un des jours de la semaine ; parce que les jours de fêtes les sénateurs devaient tenir le conseil. Je me suis donc déterminé à donner trois leçons’d'Écriture Sainte chaque semaine. Dimanche dernier, il y a eu plus de mille auditeurs, et l’on comptait parmi eux les hommes les plus distingués par leur noblesse ou par leur fortune. Le nombre va toujours croissant ; et, j’espère, avec l’aide de Dieu, recueillir des fruits de salut. t> Il devait, en 1547, à Florence, donner de nouveau ces leçons sur saint Jean.

Cependant le P. Claude Le Jay se livrait en Allemagne au même ministère et avec un égal succès. Vers 1542, il donna à Ratisbonne des leçons sur l'épître aux Galates ; et en 1551 il expliqua à Vienne l'épître aux Romains. C’est à dessein qu’il avait choisi l’une et l’autre de ces épltres, dont les Luthériens abusaient pour soutenir l’inutilité des bonnes œuvres et la justification par la foi toute seule. Lettre du B. Canisius auP.Polanco, de Vienne, 7 août 1552 ; Orlandini, Hist. Soc. Jesu, p. I, t. XI, 41 ; J.-M. Prat, Le P. Claude Le Jay, in-8, Lyon, 1874. Vers la même époque, en 1546, le B. Pierre Canisius lui-même donnait à Cologne des leçons publiques sur les évangiles et les épltres de saint Paul à Timothée. Vita del B. Pietro Canisio dal P. Giuseppe Boero, Rome, 1864, p. 42. Mais de tous les premiers compagnons de saint Ignace, celui qui se distingua le plus par ses leçons d'Écriture Sainte, fut sans aucun doute Alphonse Salmeron. Il en avait fait comme son ministère propre. Les seize volumes de « Commentaires » qu’il nous a laissés sur le N. T., Madrid, 1597, sont le résumé des leçons qu’il fit au peuple pendant plus de trente ans. C’est à Vérone, en 1548, que Salmeron semble avoir débuté avec quelque éclat dans ce genre de prédication. « Le matin, il prêchait au peuple sur un sujet de morale, et le soir, il exposait devant un auditoire d'élite quelque passage de la Sainte Écriture, propre à confirmer la doctrine catholique et à réfuter les nouvelles erreurs. » L’année suivante (1549), il exposa, à Bellune, les épltres de saint Paul ; et vers la fin de la même année, il commençait à l’université d’Ingolstadt, en Bavière, l’explication de l'épître aux Romains, tandis que le P. Le Jay y commentait les Psaumes. En 1551 nous trouvons Salmeron à Naples où il expose l'épître aux Galates dans l'église de Sainte-Marie-Majeure ; puis l’année d’après ce fut le tour du Discours sur la montagne et des Béatitudes. Il reprend ces mêmes leçons en 1558 et en 1561, à Rome, où, en qualité de vicaire, il remplace momentanément le P. Lainez, général de la Compagnie. Le B. Bernardin Realino écrivait en 1566 à son père au sujet des leçons d'Écriture Sainte que Salmeron venait de reprendre à Naples : « Notre supérieur, le R. P. Salmeron, continue à interpréter, les dimanches et les fêtes, le livre de la Genèse. Il a un nombreux auditoire de gentilshommes et de docteurs. Je remercie Dieu d'être entré dans la Compagnie du vivant d’un tel homme, véritable colonne de la vérité catholique. » Vers cette même époque, le P. Salmeron fut, en matière d'études scripturaires, le maître souvent consulté, toujours écouté, du cardinal Antoine Carafa, celui-là même qui devait plus tard présider la commission chargée de préparer une édition corrigée de la Vulgate.

Avec quel soin Alphonse Salmeron se tenait au courant des questions qu’il avait à traiter, nous le savons par une lettre qu’il adressait, le 20 juin 1572, au P. Jérôme Nadal : « J’ai demandé à Sa Sainteté, par l’intermédiaire du cardinal Carafa, la permission de lire les livres des hérétiques pour les réfuter dans mon ouvrage. Notre Saint-Père a bien voulu accéder à mon désir, comme Votre Révérence le verra par la lettre ci-jointe du cardinal et par la copie du privilège des trois cardinaux inquisiteurs. Je voudrais donc qu’on m’envoyât les notes de Bèze sur le N. T., ainsi que les commentaires des hérétiques sur les quatre évangiles et sur le livre des Actes des apôtres. Je vous serais reconnaissant de me procurer ces livres, au plus tôt. » Quand Salmeron sollicila pour ses commentaires la revision en usage dans la Compagnie, le P. général Éverard Mercurian désigna à cet effet Robert Bellarmin, alors tout absorbé par un cours de controverse au Collège romain. Pendant ses vacances, de mai à octobre 1580, l’illustre controversiste revisa les quatre premiers livres ; les huit suivants furent revus par le P. Jacques Paëz († 1583) ; le P. Fogliani devait achever ce travail de revision. Le P. Salmeron mourut à Naples le 13 février 1585. Quelques jours après, le B. Bernardin Realino écrivait à l’un de ses frères : « Ce père était fort docte en la langue grecque, en la langue chaldéenne et en la langue syriaque. Il savait par cœur toute la Sainte Écriture. Il a écrit sur tout le Nouveau Testament ; c’est-à-dire sur les quatre Évangiles, les Épitres de saint Paul et celles des autres Apôtres ; enfin sur le livre de la Genèse. Il a assisté au concile de Trente comme théologien du pape et s’y est fort distingué. » Voir J. Boero, Vie du P. Jacques Lainez, suivie de la biographie du P. Alphonse Salmeron, traduite de l’italien par le P. Victor de Coppier, S. J., in-8°, Lille, 1894. — Les leçons d'Écriture Sainte ne disparurent pas avec les premiers jésuites. Jusqu'à la fin du siècle dernier elles furent en usage dans les principales églises de la Compagnie ; et aujourd’hui même elles ont lieu régulièrement au Gesù de Rome.

II. l’exégèse et la TnÉoi.oaiE. — L’année même où saint Ignace et ses compagnons prononçaient à Paris leurs premiers vœux (1534), Jean Maldonat naissait en Estramadure. Il était destiné à marquer au premier rang des exégétes du xvi° siècle. On sait avec quel éclat il enseigna pendant trente ans la philosophie et la théologie à Paris. Quand des intrigues vinrent mettre fin à un succès qui rappelait celui des grands scolastiques du xiii » siècle, l’humble religieux en profita pour se retirer au collège de Bourges et s’y livrer aux études bibliques, qui toujours avaient eu ses prédilections (1577). C’est là qu’il composa son incomparable commentaire sur les Évangiles, édité pour la première fois à Pont-à-Mousson (1596-1597), et qui a eu depuis plus de vingt éditions. On pourra sans doute le mettre à jour en plus d’un endroit, mais jamais il ne sera démodé. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans Maldonat, ou de sa vaste érudition, ou de son ferme bon sens. Chez lui, l’exégèse est à la fois sûre et large. Il connaît les Pères, sait le cas qu’il faut faire de leur sentiment, sans que pour cela il méconnaisse jamais les exigences du texte. Sans dédaigner les applications mystiques, il s’attache au sens littéral. R. Simon et Bossuet ont fait l'éloge de ses commentaires. Ennemi de tous les excès, Maldonat ne craignait pas de réagir à l’occasion contre certains catholiques, qui se déclaraient réfractaires à des explications plausibles, uniquement parce qu’elles avaient été proposées tout d’abord par des protestants. — Vers le milieu du xvie siècle, la faculté de théologie de l’université de Paris s’attardait encore dans une méthode qui, tout au moins, ne répondait plus aux besoins du moment. On se bornait à commenter le Maitre des sentences, s’altacbant de préiérence aux questions sub-