Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/691

Cette page n’a pas encore été corrigée
1331
1332
JÉRUSALEM


ceinte du Haram csch-Schérif. Là, par une disposition singulière des roches, elle tourne pour suivre la vallée centrale, de l’orient au nord-ouest, jusque près de la fin de l’enceinte du côté du nord ; une légère dépression du rocher, allant de l’ouest à l’est, se contond, avant de rejoindre le Cédron, avec une vallée venue du nord qui forme, à l’établissement de Sainte-Anne, la piscine de Bethesda. De plus, environ 150 mètres plus loin, vers le nord, une coupure, agrandie artificiellement, mais existant avant les œuvres d’art, termine au nord la colline orientale ; c’est à ce point, derrière la masse rocheuse qui surplombe l’enceinte du Haram, que se trouve la double piscine des sœurs de Sion. Dans leur église même, commence le rocher d’une quatrième colline, nommée Bézctha. Il est à remarquer que les deux collines du nord, celle du Saint-Sépulcre et celle qu’on est convenu d’appeler plus spécialement Bézetha, où se trouve la mosquée des derviches, se continuent séparément en dehors de la ville actuelle : on a dû, pour mettre le mur en saillie par rapport à l’extérieur, pratiquer de larges coupures dans le rocher. Si l’on veut maintenant comparer l’une à l’autre dans leur ensemble, la colline orientale et la colline occidentale, il faut reconnaître que la colline de l’ouest domine celle de l’est, dans toute son étendue, surtout si l’on compare l’une avec l’autre les deux parties du sud qui portaient l’ancienne ville. La vallée qui les sépare étant courbe en forme de croissant, aucune des deux collines ne peut être dite parfaitement droite ; mais celle de l’occident, surtout dans son extrémité, méridionale, terminée au sud et à l’ouest par deux vallées droites, est droite sur son axe, tandis que la colline orientale, suivant pour ainsi dire le mouvement de la vallée centrale, terminée à l’orient par des vallées presque parallèles à celle du milieu, affecte d’une manière remarquable la forme d’un croissant. » J. Lagrange, Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 20.

Les éminences sur lesquelles Jérusalem est bâtie peuvent donc en somme se décomposer ainsi. La plus vaste est ^elle du sud-ouest, communément appelée mont Sion (775 mèlres d’altitude). Au nord se trouve celle qui renferme le SaintSépulcre et dont le niveau n’est guère différent. Dans la colline orientale, on distingue trois plateaux diminuant de hauteur du nord au sud : Bézétha (767 mètres), Moriah (742 mètres) ou la montagne du Temple, et Ophel, colline triangulaire resserrée entre le Cédron et la vallée de Tyropœon. Cette dernière, plane à sa partie supérieure, s’incline rapidement au sud par une série d’étages ; sa longueur est d’environ 500 mètres et sa largeur moyenne d’une centaine de mètres. Voir coupe EF. Nous ne parlons pas de la colline A’Acra que bon nombre d’auteurs placent à tort au nord du quartier juif, entre l’église du Saint-Sépulcre et le fond de la vallée qui traverse la ville du nord au sud, là à peu près où se trouve le sérail actuel. Acra fait partie d’un problème topographique que nous n’avons pas à discuter ici. Les ingénieurs anglais ont relevé tous les détails de nivellement à travers la ville sainte. Cf. Survey of Western Palestine, Jérusalem, Londres, 1884, p. 274-292 ; voir la carte de VOrdnance Survey, ou la réduction qu’en donne le Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, Londres, 1889, p. 62.

La ville de Jérusalem est assise sur un terrain calcaire qui plonge légèrement vers la mer Morte. Les couches supérieures, appelées de leur nom local Ndri et Kakùli, se trouvent sur le sommet et les pentes de la montagne des Oliviers. Le nâri, sorte de calcaire tabulaire jaunâtre et parfois rougeàtre, est identifié avec les bancs nummulitiques qu’on rencontre sur le Garizim et le Carmel. Le kakùli est une pierre tendre, blanchâtre avec silex, coquillages marins et fossiles, exploitée en divers points des environs comme pierre de construction. Au-dessous, la roche comprend des coliaiie » à

rudistes, dont la partie supérieure se compose d’assises de calcaire marmoréen très compact, gris-clair, dont la cassure montre des sections de gastéropodes qui ont leur têt spathifié (actéoneïles, nérinées, etc.). On donne à celui-ci le nom de metzéh. On le voit apparaître sur le sommet du Moriah, au Calvaire, près des portes de Jaffa et de Damas ; dans ses bancs a été creusée la grotte de Jërémie. Sous le mezzéh est une épaisse couche calcaire d’un beau blanc, très tendre au sortir de la carrière, mais durcissant à l’air et fournissant des matériaux très solides de construction. On la désigne sous le nom de mélékéh, qui rappelle le terme de banc royal si souvent employé par nos carriers français. On voit encore au nord de la ville d’anciennes et vastes carrières d’où l’on a tiré cette pierre, qui a servi aux grandioses constructions de l’ancien Temple. Ces excavations souterraines étaient appelées dans l’antiquité même cavernes royales. Voir Carrières, t. ii, col. 319-322 et fig. 97, col. 321. Enfin, aux environs de Jérusalem, les calcaires crétacés renferment à leur base des ammonites dont certaines espèces sont de taille considérable. Ces calcaires à rudistes, qui s’étendent sous la ville sainte et aux alentours, et particulièrement le mélékeh, dont les couches sont épaisses, ont eu un rôle important dans son histoire. C’est dans ces roches qu’ont été creusés réservoirs, aqueducs, caveaux funéraires, excavations de toute sorte qui ont servi à l’entretien de la vie ou aux dépouilles de la mort. C’est de là, peut-on dire, que la ville elle-même est sortie. Pour la géologie, cꝟ. 0. Fraas, Aus dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 49-67 ; Duc de Lujnes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. iii, Géologie, par M. Lartet, Paris (sans date), p. 8185 ; Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, Londres, 1887, p. 50.

Description de la ville.

i. Aspect général.

— Jérusalem est une ville singulière, non seulement par la majesté de ses souvenirs, mais encore par l’étrangeté de son aspect. Des vieilles cités du monde oriental, seule elle est restée debout. Memphis n’est plus qu’un champ de palmiers, Thèbes, un amas de ruines gigantesques, Babylone et Ninive des collines dont il faut ouvrir les flancs pour retrouver les vestiges de l’antiquité. Assurément la ville sainte n’est plus ce qu’elle était au temps de David, des prophètes et du Christ. Rebelle néanmoins à tous les rajeunissements qu’ont subis Athènes et Rome, elle garde toujours son air d’austère vieillesse. Ignorant la vie fiévreuse, le bruit et les plaisirs de nos capitales, elle a le silence qui convient à la gardienne d’un tombeau. Perdue dans un désert de pierres, au fond duquel s’étendent les eaux infécondes de la mer Morte, elle semble dormir dans son enceinte de vieilles murailles. Alors que le Nil et l’Euphrate faisaient la gloire et la joie des antiques cités qu’ils arrosaient, aucun fleuve ne l’embellit et ne reflète la majesté de ses monuments ; ce n’est que par métaphore que le psalmiste a dit : « Le cours d’un fleuve réjouit la cité de Dieu. » Ps. xlv (hébreu, xlvi), 5. C’est du mont des Oliviers qu’il faut la contempler pour la bien juger dans son ensemble. Au premier plan, dans le périmètre des murs crénelés, se présente la vaste esplanade de l’ancien Temple, sur laquelle se dresse aujourd’hui l’imposante et magnifique mosquée d’Omar, avec sa coupole, ses faïences émaillées, ses mosaïques coloriées. Puis viennent les maisons, qui se pressent les unes contre les autres, surmontées de petites coupoles rondes, ou de terrasses, échelonnées sur le penchant des deux collines, et reflétant diversement la lumière qui les monde. Au-dessus s’élèvent çà et là des minarets, de hauteur et de forme variées, puis les grandes coupoles des synagogues et des églises, parmi lesquelles domine celle du Saint-Sépulcre. Cet aspect a quelque chose de gracieux, si on le compare à l’intérieur de la ville, où un labyrinthe de rues étroites, irrégulieres, mal pavées, glissantes et peu pro-