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JÉRÔME


texte grec, que lorsque le sens lui paraît mal rendu ; même en ce cas, il ne traduit pas toujours du grec, mais choisit, parmi divers textes latins qu’il avait à sa disposition, les leçons les plus rapprochées du grec. Cf. Wordsworth et White, Nouv. Test., p. 663, 665 ; Julicher, Neutestamentliclie Einleitung, p. 389 ; Grûtzmacher, Hieronymus, Leipzig, 1901, p. 217-218. À la revision des quatre Evangiles, saint Jérôme ajouta également les canons d’Eusèbe. Voir Eusèbe, t. ii, col. 2051. Ce travail de saint Jérôme marque un grand pas dans l’histoire de la critique textuelle de la Bible. Pourtant, il faut bien signaler des lacunes dans cette œuvre. Si la revision semble complète pour les Évangiles de saint Matthieu, saint Marc et les premiers chapitres de saint Luc, elle laisse à désirer pour la seconde partie de ce dernier Évangile et les premiers chapitres de celui de saint Jean. L’auteur se relève dans la seconde partie de l'Évangile de saint Jean. En somme, malgré certaines corrections inutiles et d’autres insuffisantes, la revision du texte de Yltala faite par saint Jérôme est une œuvre pleine de tact, qui fournit au monde latin un texte des Évangiles basé sur une critique solide. Voir l’ouvrage déjà cité de J. Wordsworth et H. J. White ; G. Hoberg, De S. Hieronymi ratione inlerpretandi, in-8°, Bonn, 1886 ; Fr. Kaulen, Geschichte der Vulgata, in-8°, Mayence, 1868 ; Id., Handbuch zur Vulgata. Eine systematische Darstellung ihrer lateinischen Sprachcharakters, in-8°, Majence, 1870 ; H. Ronsch, ltala und Vulgata, in-8°, Marburg, 1869 ; 2e édit., 1874 ; S. Berger, Histoire de la Vulgale pendant les premiers siècles du moyen âge, in-8°, Paris, 1893 ; E. von Dobschutz, Studien zur Textliritik der Vulgate, in-8°, Leipzig, 1894.

Traduction des Psaumes sur le grec.

L’ancien

texte latin des Psaumes qui avait été traduit sur la version des Septante, fut aussi revu par saint Jérôme, d’abord à Rome, en 384, ensuite à Bethléhein, entre les années 386 et 391. De la première revision sortit le Psalterium romanum qui fut en usage à Rome, jusqu’au règne de saint Pie V, et dont sont extraits le Venite exsultemus de l’Invitatoire du Bréviaire et les citations des Psaumes qui se rencontrent dans le missel. Ce premier travail fut exécuté, au témoignage de saint Jérôme lui-même, d’une façon un peu hâtive, Psalterium Romss dudum posilus emendaram… hcet cursim magna illud ex parte correxeram, t. xxix, col. 119. Il semble en outre que les copistes altérèrent assez rapidement le nouveau texte. Aussi, à la prière de Paula et d’Eustochium, Jérôme entreprit une seconde revision qui donna le Psalterium gallicanum, ainsi nommé parce qu’il fut d’abord adopté dans les Gaules. C’est celui qui a été inséré dans la Vulgate et dont on se sert au Bréviaire. La revision du Psautier fut entreprise d’après les principes qui avaient guidé saint Jérôme dans celle des Evangiles. On n’a pas réussi à déterminer l’exemplaire des Septante qui servit à la première revision des Psaumes ; pour la seconde, saint Jérôme eut recours aux Hexaples d’Origène, dont il utilisa l’exemplaire original, trouvé dans la bibliothèque de l'église de Césarée, en Palestine. Cf. Catalog., c. 75, Patr. Lat., t. xxiii, col. 685, et Comment, in Titum, 3, t. xxvi, col. 595. Cette fois, il employa, pour signaler ses corrections, des signes diacritiques : l’obèle-i. désigne les mots qui ne se trouvent que dans le Septante et que ne renferme point le texte hébreu ; l’astérisque X" indique les termes du texte hébreu omis par les Septante ; ces derniers sont empruntés à la version de Théodotion. Ces additions d’après le texte hébreu constituent la principale différence de la première et de la seconde revision du Psautier. Pour le reste, il n’y a que quelques divergences d’expressions. Ainsi, Ps. vii, le Psautier romain a : Secundum innocentiam manuum mearum, le Psautier gallican : Secundum innocentiam meam ; Ps.xxviii, on lit dans la révision romaine : lex Dommi irrepre hensibilis, qui devient dans le Psautier gallican : lex Domini immaculata ; Ps. xxiii, tandis que la première revision porte : Cohibe linguam tuam, la seconde dit : Prohibe linguamtuam ; ¥s. xxxiv, absorbuimus eum du Psautier romain est dans l’autre : devoravimus eum.

Première version de Job.

Presque immédiatement après la seconde revision du Psautier, saint Jérôme

entreprit la traduction du livre de Job, d’après la version grecque des Septante. Le système suivi est le même que celui de la seconde revision des Psaumes, et les Hexaples d’Origène ont également servi de base. Les obèles et les astérisques sont encore conservés dans deux des manuscrits (Bodléienne 2426 et Tours 18) qui renferment ce travail de saint Jérôme. Voir P. de Lagarde, Mittheilungen, t. ii, Gœttingue, 1887, p. 189237. Un troisième manuscrit a été trouvé, il y a peu d’années, à la bibliothèque de Saint-Gall. Voir Caspari, Dos Buch Job in Hieronymus Ueberselzung aus der alexandnnischen Version nach emer St. Gallener Handschrift sœc. viii, Christiania, 1893, et Id., Ueber des Hieronymus Vebersetzung der alex. Version des Buchs Job in einer Sanct Gallener Handschrift des achten Jahrhundert, dans les Actes du huitième congrès des orientalistes, part, ii, p. 39-51.

Traductions sur l’hébreu.

Ces premiers travaux

de revision et de traduction avaient préparé saint Jérôme à la grande œuvre qui est son principal titre de gloire, la version de tout l’ancien Testament d’après le texte hébreu. Cette entreprise de longue haleine fut exécutée à Bethléhem ; elle semble avoir été commencée vers l’année 390 et terminée en 405. Voici dans quel ordre fut faite cette traduction de la Vulgate. Les premiers livres traduits furent ceux de Samuel et des Rois ; saint Jérôme les fit précéder du célèbre morceau connu sous le nom de Prologus galeatus dédié à Paula et à Eustochium. Suivit ensuite la version du livre de Job et des Prophètes, à laquelle s’ajouta une troisième traduction des Psaumes, cette fois directement d’après 1 hébreu. Vers la fin de 393, il envoie à ses amis Chromatius ei Héliodore la traduction des Proverbes, de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques. Pendant les deux années suivantes, saint Jérôme traduisit les livres d’Esdras, de la Genèse et des Paralipomènes ; suivirent alors, jusqu’en 404, l’Exode, le Lévitique, les Ncmbres et le Deutéronome ; enfin l’année 405 vit paraître la version de Josué, des Juges, de Ruth, d’Esther, de Tobie et de Judith, ainsi que les appendices de Jérémie, Daniel et Esther. La traduction de la Sagesse, de l’Ecclésiastique et de » deux livres des Machabées qui se lisent dans la Vulgate ne sont pas de saint Jérôme. Sa version du Psautier sur l’hébreu n’est pas non plus entrée dans notre Bible latine, mais seulement sa revision appelée Psalterium gallicanum.

Quel jugement faut-il porter sur saint Jérôme comme traducteur de la Bible ? Il convient avant tout de rendre hommage au caractère grandiose de cette œuvre et à la persévérante énergie avec laquelle elle fut doussée jusqu’au bout. On ne saurait nier non plus que saint Jérôme s’est donné beaucoup de peine pour réussir dans son œuvre. Ainsi, pour le livre des Paralipomènes, il étudia chaque mot avec son professeur d’hébreu. D’autres fois, le travail semble avoir été trop hâtif et l’on a quelque raison de se délier d’une activité qui traduisait le livre de Tobie en un jour. En tout cas, l'œuvre de saint Jérôme est restée, et, après tant de siècles écoulés, c’est encore la Vulgate qui, pour un grand nombre d’esprits, constitue le canal par lequel ils reçoivent l'Écriture Sainte. Peu esclave du mot dans d’autres traductions qu’il entreprit, Jérôme, en ce qui concerne la Bible, traduit aussi littéralement que possible, car pour l'Écriture Sainte, dit-il, même le mot peut contenir un mystère. En général, le traducteur a victorieusement résolu la difficulté de rendre en latin.