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JEAN (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)


<>st en droit d’en conclure que l'évêque de Carthage lirait ce texte dans « on exemplaire du Nouveau Testament. Les adversaires de l’authenticité prétendent que la citation : Et hi très unum sunt, est empruntée, non ! pas au jl. 7, qui n'était pas encore dans la Bible latine, mais au ꝟ. 8 que beaucoup de Pères ont interprété de la Trinité au sens mystique. Il est juste de leur répliquer qu’on ne trouve dans les œuvres de saint Cyprien aucune trace de cette interprétation mystique et que rien n’autorise à la lui attribuer, sinon le témoignage de Facundus d’Hermiane, Pro defensione trium capit., i, 3, t. lxvii, col. 535-536, qui explique les paroles de saint Cyprien dans le sens de l’interprétation mystique du ꝟ. 8. Les autres écrivains de l'Église d’Afrique, sauf saint Augustin, citent fréquemment ce verset contesté. Ainsi saint Fulgence, en dehors du passage déjà indiqué, le reproduit encore, De Trinit., 4, t. lxv, col. 500, et en tire une conclusion dogmatique pour réfuter Arius. Le traité Pro fide catholica, qui est attribué à saint Fulgence. mais qui est plutôt d’un écrivain africain du même temps, contient ce verset parmi les témoignages invoqués en faveur de la Trinité, 8, t. lxv, col. 715. Voir aussi Contra Fabianum fragm., 21, ibid., col. 777. Victor de Vite, De persecut. vandalica, iii, 11, t. lviii, eol. 227, rapporte une profession de foi des évêques d’Afrique réunis en concile en 484 dans laquelle le verset de saint Jean est apporté en preuve de l’unité de nature dans la trinité des personnes. Vigile de Tapse le cite expressément plusieurs fois, De Trinit., i, t. lxii, col. 243, 246 ; v, col. 274 ; x, goI. 297 ; Contra Varimadum, i, 5, col. 359. — Ces témoignages comergents des écrivains ecclésiastiques de l’Afrique seraient assez concluants, s’ils n'étaient contrebalancés par deux faits certains, qui diminuent leur force probante. Le premier de ces faits est la divergence des citations du même verset ; le texte latin, à tout le moins, n'était pas encore dans un état stable. Le second fait, qui est beaucoup plus important, est le silence du grand docteur. de l’Afrique, saint Augustin. Non seulement on ne trouve nulle’part dans ses œuvres si nombreuses ni une citation nette et explicite du ꝟ. 7, ni même une allusion, mais dans son traité Contra Maximinum, ii, 22, n. 23, t. xlii, col. 794-795, scrutant tous les passages bibliques où se lisent les mots : unum sunt, il ne connaît de l’apôtre saint Jean dans l'Épitre comme verset des trois témoins que le fi. 8, qu’il entend mystiquement de la sainte Trinité. Dom Sabatier, Bibliorum sac. latinse versiones antiques, Reims, 1743, t. iii, p. 978, en a conclu : « Il est plus clair que le jour que saint Augustin ne connaissait pas le verset 7. * — 3. Si, .quittant l’Afrique, nous interrogeons les écrivains ecclésiastiques des autres provinces de l'Église latine, nous constatons dans les œuvres de saint Jérôme, le même silence que dans celles de saint Augustin. On a parfois invoqué son témoignage, mais c’est en lui attribuant le Prologue aux Épîtres catholiques, qui contient tant d’indices de non authenticité, et qui lui est postérieur en date. Toutefois d’autres écrivains latins connaissent le verset des trois témoins célestes. Un évêque espagnol, l’hérétique Priscillien, Tract. 1 apologet., dans Corpus script, eccl., in-8°, Vienne, 1889, t. xviii, p. 6, le cite sous cette forme particulière : Sicut Joannes ait : Tria sunt quæ testimonium dicunt in terra, aqua, caro et &anguis : et hsec tria in unum sunt ; et tria sunt quæ testimonium dicunt in cœlo, Pater, Verbum et Spintus : et hsec tria unum sunt in Çhristo Jesu. La formule actuelle est reproduite par saint Eucher, Liber formularum, ' II, n. 3, t. L, col. 770 ; mais, Inslruct., i, ibid., col. 810, cet écrivain ne cite que le verset 8. Cassiodore, Complexiones in Epist. Apost., t. lxx, col. 1373, résume le texte du chapitre v de la I r * Épitre de saint Jean de façon à y inclure le J. 7, mais à la suite du }. 8. À partir de cette époque, le Jꝟ. 1 gagne de plus en plus du

terrain dans l'Église latine ; il est généralement citéjpar tous les écrivains du moyen âge. et on peut dire qu’il fut dès lors d’un usage universel dans l'Église latine.

Arguments intrinsèques.

Si on considère le

texte en lui-même, on constate qu’il est en parfaite conformité avec le style et les enseignements de saint Jean. Les expressions employées sont propres au langage de l’apôtre, ainsi (jiapTUpeïv pour exprimer le témoignage rendu aux personnes divines ; ainsi AcSyoç et LXvsîjjia pour désigner la deuxième et la troisième personnes de la Trinité ; ainsi la formule xoù outoi oJ Tpeî ; ev e’ktiv. On objecte, il est vrai, que saint Jean appelle ailleurs la troisième personne m àyiov IIveOivx, que les mots Iv tw oùpavw rendent la phrase obscure. Enfin, il est difficile de soutenir que le contexte exige nécessairement le }. 7, car le lien logique-des idées se justifie suffisamment en son absence. L. Janssens, Summa theologica, Fribourgen-Brisgau, 1900, t. iii, p. 154-161. — S’appuyant sur ces arguments, les critiques se sont divisés en deux camps opposés. Les uns, frappés surtout de l’absence du ꝟ. 7 dans les documents les plus anciens, manuscrits, versions, écrits des Pères, et aussi des variantes nombreuses qu’il présente aux premiers moments où l’on constate son existence, le tiennent pour une interpolation qui s’est glissée au v 8 siècle de notre ère dans la Bible latine, en Afrique ou en Espagne. Il serait une formule théologique, énonçant clairement l’unité substantielle des trois personnes divines, qui de la marge des manuscrits se serait introduite dans le texte et y aurait peu à peu obtenu droit de présence. Les autres, considérant surtout les témoignages des écrivains ecclésiastiques latins, concluent qu’il a toujours existé dans la version latine dont l'Église romaine s’est servie et que le concile de Trente a déclarée authentique, et que, par conséquent, il est original et primitif. Si les premiers ont à expliquer la date, le lieu et les motifs de l’interpolation, les seconds doivent rendre compte de l’omission du ꝟ. 7 dans le plus grand nombre des manuscrits et de son absence dans les œuvres des Pères grecs, syriens, arméniens, et dans celles des principaux Pères latins. L’omission dans tant de manuscrits ne se justifie pas complètement par l’hypothèse d’une erreur de transcription en raison d’un ohoiotéXs’jtov, c’est-à-dire de la ressemblance d’une partie des ꝟ. 7 et 8, ressemblance qui auraitamené les copistes à sauterie p. 7, ni par l’hypothèse d’une altération des manuscrits faite par les Ariens. Le non-emploi par les anciens Pères ne s’explique suffisamment ni par la loi du secret qui n’a jamais défendu d’enseigner le mystère de la sainte Trinité, ni par la prudence des Pères qui, dans leurs discussion ? avec les hérétiques, n’invoquaient pas un texte dont leurs adversaires rejetaient l’autorité. À s’en tenir au point de vue purement critique, il reste, des deux côtés, des difficultés à résoudre, quoique les arguments défavorables à l’authenticité paraissent prédominer.

Mais le théologien et même le simple fidèle ont d’autres devoirs que le critique, si une autorité, à laquelle ils doivent le respect, leur impose formellement l’obligation de ne pas rejeter un texte que la critique seule est impuissante à démontrer authentique. Or, bien qu’on ne puisse pas affirmer avec une certitude absolue que le concile de Trente, en déclarant la Vulgate latine authentique, ait englobé dans cette authenticité extrinsèque un verset, dont il n’a pas été question une seule fois dans les débats préliminaires, ni que les papes Sixte V et Clément VIII, en présentant à l'Église l'édition officielle de cette Vulgate latine, en aient rendu Obligatoire tout le contenu, même tous les passages dogmatiques, puisqu’ils ont reconnu que cette édition n'était pas absolument parfaite, néanmoins pour mettre fin aux discussions dont l’authenticité du p. 7 de la première Épitre de saint Jean avait été l’objet, il est intervenu, le 13 janvier 1897, une décision du Saint-Office, approuvée