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JEAN (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)

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les adversaires de leur origine johannique les ont attribués tous deux au même auteur. Les commentateurs ont relevé entre eux de nombreuses ressemblances de vocabulaire, de style et de dialectique, les mêmes expressions caractéristiques, les mêmes images, les mêmes répétitions, les mêmes antithèses, le même procédé d’exposition et d’argumentation. Les deux prologues se ressemblent pour lefondetla manière. Lesdogmes enseignés sont identiques ; le but poursuivi est le même. C’est le même accent, la même simplicité, le même caractère. Tout concourt à faire reconnaître l’auteur du quatrième Évangile. S’il ne se nomme pas, s’il se tait sur ses prérogatives apostoliques, il ne s’en révèle pas moins de la manière la plus manifeste. Il affirme qu’il a été témoin de ce qu’a fait sur terre le Verbe de vie ; il parle avec autorité et il combat les erreurs qui commencent à se glisser dans les Églises. Les divergences de locutions et de doctrines que quelques critiques constatent avec complaisance et non sans exagération, voir, 1. Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 52-54, ne suffisent pas à prouver la diversité des auteurs. Si donc le quatrième Évangile est l’œuvre de l’apôtre Jean, la I re Épître, qui est manifestement du même auteur, a aussi une origine apostolique.

IL Intégrité. — Si l’origine apostolique de la I™ Épître de saint Jean n’a jamais, sinon dans ces derniers temps, été sérieusement contestée, on discute depuis trois siècles sur l’authenticité du verset dit des trois témoins célestes, et du début du verset suivant. I Joa., V, 7-8 : "Ote Tp£i ; £Ï<jtv o (jiapTupoûvTSç [èv tû oupavû, ô irarrçp, & Xo’yoc xa’i r’o ây’ov ïcveûjia, xai outoi oi rpete ïv eîoiv. Kat xpeïç sîoiv oi u.apTvpoOvT£ ? Iv T » j yf ; ], to irveOu.a xui tô tfëtûp xai tô aî(j.a, xai oi xpeïç si ; tô Sv eitiv. La discussion porte sur l’authenticité des mots mis entre crochets. Existaient-ils dans le texte primitif de l’Épître apostolique, ou bien ne sont-ils pas une interpolation introduite postérieurement dans les manuscrits de la Yulgate latine 9 Pour répondre à ces questions, il est nécessaire d’exposer auparavant sles éléments du problème.

Manuscrits grecs.

De tous ceux qui sont connus

aujourd’hui et qui ont été collationnés, il n’y en a que quatre qui contiennent le verset controversé. Ce sont des cursifs, de date assez récente. Le plus ancien, le cursif 83 et 173 des Actes, qui est du xie siècle, ne l’a xju’en marge et d’une écriture qui n’est que du xvie ou du xviie siècle. Le Codex Ravianus, qui est à Berlin, est seulement de la fin du xvi » siècle ou du commencement du xvii » ; il paraît n’être qu’une copie de l’édition de la Polj glotte d’Alcala. Le Montfortianus, cursif 61 des Évangiles, au Collège de la Trinité, à Dublin, est du commencement du XVIe siècle. On pense qu’il est le manuscrit anglais, duquel Érasme a pris le verset des trois témoins célestes pour sa troisième édition du Nouveau Testament grec. L’Oltobonianus 296 du Vatican, cursif 162 des Actes, est un manuscrit grec-latin du XVe siècle. Les onciaux connus et la masse des cursifs n’ont pas le verset discuté. Il manque aussi dans les manuscrits des Épistolaires grecs et il ne se trouve pas même dans toutes les éditions imprimées de 1’'Atc( ! o-toXo « . En y ajoutant les quelques manuscrits grecs qui sont censés l’avoir contenu, on n’arriverait jamais qu’à un nombre infime de documents de cette sorte.

Versions.

On ne connaît aucun manuscrit de la

Peschito qui ait ce verset et les éditions imprimées qui y le reproduisent ne l’ont qu’au moyen d’une traduction faite sur le texte latin de la Vulgate. La version de Philoxéne ne l’a pas davantage. On ne l’a encore retrouvé dans aucun manuscrit des versions coptes et éthiopienne. Les anciens manuscrits arméniens ne le contiennent pas, et les plus récents qui le possèdent ont subi l’influence latine à partir du XIIe siècle. Quant aux manuscrits latins, deux seulement des anciennes ver sions le reproduisent, le Monacensis, q, du VIe siècle, qui paraît être le texte dont se servait Fulgence de Ruspe, et le Spéculum, iii, qui a été faussement attribué à saint Augustin, et qui est du viii « ou du ix » siècle. Le plus grand nomb.-e des anciens manuscrits de la Vulgate hiéronymienne ne l’ont pas. On le trouve dans la Bible de Théodulfe, 9380, à la Bibliothèque nationale de Paris, du viii s siècle, dans le Cavensis, du rxe siècle, le Toletanus, du Xe, et le Demidovianus, du xii", etc., mais avec des transpositions et des variantes notables. A partir du XIIe siècle, la plupart des manuscrits latins le contiennent. Son absence dans les anciens manuscrits latins est constatée par le célèbre Prologue aux Épîtres catholiques, faussement attribué à saint Jérôme. Cette pièce est déjà reproduite dans. le Fuldensis et, par suite, remonte à la fin du v siècle ou au commencement du VIe. Or, son auteur se plaint des traducteurs latins qui, au grand détriment de la foi, ont omis dans leurs versions un témoignage si importanten faveur de la sainte Trinité. Pair, lat., t. xxix, col. 828-831.

Pères et écrivains ecclésiastiques.

1. Antérieurement

au XIIe siècle, il n’y a pas un seul écrivain grec qui ait cité expressément le verset des trois témoins célestes, soit dans un commentaire des Épîtres catholiques, soit dans un traité théologique sur le mystère de la Trinité. On a bien signalé dans les œuvres des Pères grecs, de prétendues allusions au ꝟ. 7 du chapitre v de la I™ Épître de saint Jean ; mais quand on examine de près ces témoignages, il faut convenir qu’ils se rapportent plutôt à d’autres passages du Nouveau Testament, dans lesquels l’unité divine est explicitement affirmée. Le ꝟ. 7 non seulement n’est pas cité, isolément et à part, mais il manque dans les écrits des Pères qui citent un groupe de versets contenant le huitième et le neuvième. Ainsi en saint Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, t. lxxv, col. 616, et dans les commentaires d’CEcuménius, t. exix, col. 676-677, et de Théophylacte, t. cxxvi, col. 61. Mais au IVe concile de Latran, en 1215, le verset des trois témoins fut cité en grec et en latin dans la condamnation de Joachim de Flore. Mansi, Concilia, t. xxii, p. 984. Cette citation prouve que les Grecs le recevaient alors aussi bien que les Latins. Des écrivains postérieurs, Calécas, De principiis fidei catholiese, 3, t. ciii, col. 516, et Joseph Bryenne, cité par Griesbach, Novum Testamentum, 1806, t. ii, appendix, l’ont connu. Aucun écrivain sj rien ne l’a reproduit. Au rapport de Galanus, Concihatio Ecclesise armense cum romana, t. i, p. 436, 461, 478, des évêques et des conciles arméniens du XIIIe et du xive siècle citaient ce verset, mais on ne l’a encore trouvé dans aucun écrit arménien antérieur. — 2. Toutefois, si l’Église orientale ne connaît ce verset que très tardivement, les écrivains de l’Église latine s’en sont servis plus tôt. Plusieurs critiques estiment que Tertullien, Adv. Praxeam, 25, t. ii, col. 188, en parlant de l’unité divine dans la trinité des personnes, fait allusion au verset contesté. L’allusion, il faut l’avouer, n’est guère transparente, et si l’Africain vise un texte sacré, c’est plutôt Joa., x, 30, qui est immédiatement cité explicitement. Le témoignage de saint Cyprien, De unit. Ecclesise, 6, t. iv, col. 519, est à première vue plus formel. Au passage, Joa., x, 30, l’évêque de Cartilage joint une autre citation biblique : Et iterum de Pâtre et Filio et Spiritu Sancto scriptum est : Et hi très unum sunt. Ce second texte scripturaire relatif aux trois personnes divines, paraît bien être le verset des trois témoins célestes. Saint Fulgence, Responsio contra Arianos, t. lxv, col. 224, cite le verset tout entier de la première Épître de saint Jean et rapporte dans ce sens le témoignage de saint Cyprien. Une allusion au même verset se retrouve encore dans saint Cyprien, Epist. ad Jubaian., 12, t. iii, col. 1117. On