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JEAN (ÉVANGILE DE SAINT)


des deux Jean s’est produite à Éphèse même avant l’an 130, durant le court Intervalle qui s’est écoulé entre la mort de saint Jean et la conversion de saint Justin. Une pareille conclusion, qui ne repose sur aucun document et qui n’est qu’une pure supposition, nous paraît tout à fait invraisemblable. Avec saint Irénée, Cont. hær., III, m, 4, t. vii, col. 854, 855, nous tenons l’église d’Éphèse comme un dépositaire fidèle des traditions apostoliques, et avec elle, nous regardons l’apôtre saint Jean comme l’auteur du quatrième Évangile.

II. Intégrité.

L’authenticité apostolique du quatrième Évangile démontrée, il reste à prouver que tout le contenu actuel de cet écrit a appartenu à l’œuvre primitive. Beaucoup de critiques, même du nombre de ceux qui admettent l’origine johannique de l’ensemble, en excluent trois passages, Joa., v, 3 b et4 ; vii, 53-vin, 11 ; xxi, qu’ils tiennent comme non authentiques ou, au moins, comme fort douteux.

I. l’anob he la piscine de bethsaÏde. Joa., v, 3 b et 4.

— Les derniers mots du ꝟ. 3 : 6xês/°H l - v( « >v ty)v toû CSaTo ; xiv » ](7tv, qui accompagnent l’énumération des malades, rassemblés autour de la piscine Probatique, « attendant le mouvement de l’eau, » et le ꝟ. 4 tout entier : "A^eXo ; Y « p Kvpiov xotTà xatpôv xaiéëavsv êv Trj xoX>x.6rfipa xal iiâpaidev tô 08<op- ô o5v TCpwTo ; è|iëà{ ; j.£Tà tï|v tapoexV toO C ?atoç ûyir| ; ÈfsvsTO, <S S^tojts xaTSix^TO von^n-t, manquent dans les éditions critiques de Tischendorf (7 « et 8 « ), de Trégelles, de Hort etWestcott, et de Nestlé.

— Hort et Westcott, The New Testament in the’original greek, Introduction, Appendix, Cambridge et Londres. 1882, p. 77, les tiennent pour une interpolation « occidentale et syrienne ». Indiquons les documents qui sont favorables ou défavorables à l’authenticité de ces deux versets.

Manuscrits.

Tandis que la grande majorité des

manuscrits grecs, soit onciaux, soit cursifs, contiennent, avec quelques variantes sans doute, ces deux versets, cinq onciaux, N, A, B, C, L, omettent la fin du ꝟ. 3, et quatre, N, B, C, D, le ꝟ. 4. Des cursifs qui sont cités par les critiques en faveur de l’omission, trois seulement doivent être mentionnés : le cursif 157 omet les deux versets, le 18 la fin du ꝟ. 3, et le 33 le ꝟ. 4. Les onciaux S, A, II et dix-sept cursifs pour le moins, 8, 14, 21, 24, 32, 36, 145, 161, 166, 230, 299, 348, 408, 507, 512, 575, 606, accompagnent ces versets d’astérisques ou d’obèles, que les critiques interprètent comme des signes de doute sur leur authenticité. On ne peut nier qu’en plusieurs de ces manuscrits ces signes, de formes différentes, ne soient défavorables ; mais cela n’est pas certain pour tous et il est légitime de penser qu’ils avaient, à l’origine, une signification liturgique. Tous les Évangéliaires grecs contiennent les versets contestés, avec quelques divergences toutefois ; ils l’ont même en deux leçons, dont l’une comprend les versets 1-4, et l’autre les versets 1-15. La leçon du quatrième dimanche après Pâques, du dimanche du Paralytique, est confirmée par les vers qu’on chante à l’office et qui sont un commentaire de toute la section. Les euchologes ont tous, au moins, une des deux leçons. Saint Chrysostome, In Paralyt., t. xlvhi, col. 803, mentionne la lecture de cette leçon liturgique.

Versions.

Les manuscrits des anciennes versions

latines ont ces versets, excepté d f l q ; ceux de la recension de saint Jérôme les ont aussi, sauf O Z * (+ Z 2) durmach. corp. canl. 197. sangall. 1395, Wirceburg. mp. th. ꝟ. 67. Les Capitula iii, Evangelium secundum Joftannem, publiés par Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, fasc. iv, Oxford, 1895, p. 494-497, et fasc. v, 1898, p. 703, ne font pas allusion à l’ange de la piscine. Les manuscrits latins présentent dans le texte d’assez nombreuses variantes, et MM. Wordsworth et White, op. cit., fasc. iv, p. 533, 534, ont distingué trois recensions différentes. La péricope tout entière est lue dans l’Église latine au deuxième

vendredi de carême. Cette leçon est ancienne, puisque saint Ambroise, De sacramentis, ii, 2, t. xvi, col. 425, et saint Augustin, Sermo, cxxiv, t. xxxviii, col. 686, affirment qu’elle était lue à l’office liturgique, sans toutefois indiquer le jour. Le Liber comitis, faussement attribué à saint Jérôme, la contient, t. xxx, col. 499, aussi bien que le Liber comicus, publié par dom Morin, Anecdota Maredsolana, 1. 1, Maredsous, 1893, p. 228. On la trouve encore dans la liturgie mozarabique, t. lxxxv, col. 576, 577. Les versions syriaques la possèdent, sauf celle de Cureton et celle du manuscrit sinaitique, fortement apparentée à la précédente. A. Bonus, Collatio codicis Lewisiani rescripti Ev. sac. syriacorum cum codice Curetoniano, Oxford, 1896, p. 82. On a remarqué cependant des obèles placés en face de ce passage dans quelques manuscrits de la philoxéno-héracléenne. Naturellement, les lectionnaires et évangéliaires syriaques de toutes les sectes contiennent les versets discutés. Les versions coptes ne les ont pas, sinon dans les manuscrits de date récente. Ils ne sont pas non plus employés dans la liturgie de l’Église copte La version arménienne n’a que la fin du ꝟ. 3, qui est lue à la messe du septième jour de la troisième semaine après Pâques.

Pères.

Si les Pères grecs les pius anciens ne

mentionnent pas l’intervention de l’ange à la piscine de Bethsaide, on n’en peut rien conclure contre l’authenticité des versets contestés, car ces Pères n’ont pas eu l’occasion de citer un épisode si restreint, et d’ailleurs, toutes leurs œuvres ne nous sont pas parvenues. Mais on trouve ces versets signalés ou reproduits textuellement dans Didyme, De Trinitate, ii, t. xxxix, col. 708 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa. Ev., t. lxxiii, col. 336, 340 ; Ammonius d’Alexandrie, Fragmenta in Joa., t. lxxxv, col. 1429 ; S. Chrysostome, In Parahjlic, t. xlvhi, col. 803 ; Hom. in S. Pascha, t. lii, col. 771 ; In Joa. hom. xxxvi, t. Lix, col. 204 ; Théophylacte, Enarrat. in Joa. Ev., t. cxxiii, col. 1257 ; Euthymius, Com. in Joa., t. cxxix, col. 1208. Les témoignages des Pères latins sont plus favorables encore. Tertullien, De bapt., 5, t.i, col. 1205, fait allusion à l’intervention de l’ange. Saint Ambroise, De myster., 4, n. 22, t. xvi, col. 395 ; De sacrament., ii, 2, t. xvi, col. 425, cite et commente ce passage. Saint Jérôme, Dialog. contra Lucifer., 6, t. xxiii, col. 169, fait allusion à l’action de l’ange dans la piscine de Bethsaide. Saint Augustin, In Joa. tract, xvii, n. 3, t. xxxv, col. 1528 ; Sermo cxxv, n. 3, t. xxxviii, col. 690, en parle très explicitement. On voit une allusion en saint Grégoire le Grand, In septem Ps. pœnit. exposit., Ps. v, 31, t. lxxix, col. 623. Bède, In S. Joa. Ev. exposit., t. xcii, col. 691, résume les explications de saint Augustin. — Les témoignages des auteurs syriens ne laissent pas le moindre doute sur la présence des ꝟ. 3 et 4 dans le chapitre v de saint Jean. Saint Éphrem faif une allusion manifeste à l’ange de la piscine dans son explication du Aià Tcffaâpwv de Tatien. Mosinger, Evangehi concordantis expositio, Venise, 1876, p. 146. Jacques de Sarug a une homélie sur la section du paralytique. Rabban Lazare de Beith Kandaça, du vin » siècle, commente ce passage presque dans les mêmes termes que Jacques de Sarug, ainsi qu’un autre commentateur anonyme de la même époque. Les nestoriens lisent le même texte que les jacobites. Aboulfaradjben-Attaib explique les versets controversés, ainsi que Ichouad, évêque de Hadeth ; DenysBar Tsalibi, évêque d’Amid au xiie siècle, les interprète, sans parler des controverses sur leur authenticité ; Bar fWbræus est le premier écrivain ecclésiastique qui, au xme siècle, atteste que « quelques personnes prétendent que ce verset (le ꝟ. 4) n’appartient pas à l’Évangile ». Il n’attache pas beaucoup d’importance à ce bruit qu’il rapporte le premier, puisqu’il explique néanmoins le passage contesté. P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, Partie pratique, !, iv, .