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JEAN (APÔTRE)


l’un des quatre Apôtres qui interrogèrent Jésus sur les signes de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde. Marc, xii, 3. La veille de la dernière Pâque du Sauveur il fut chargé avec Pierre des préparatifs de la fête. Luc, xxii, 8. On admet généralement que lui-même s’est désigné sous le nom du « disciple que Jésus aimait » et qui, à la dernière cène, reposant sa tête sur le sein de Jésus, demanda au Maître le nom du traître. Joa., xiii, 23-26. Jean, qui était d’une nature aimante, répondait à la prédilection de Jésus par un attachement sans limite et par un zèle ardent jusqu’à l’indiscrétion. Les Samaritains ayant refusé de laisser passer le Sauveur, les deux fils de Zébédée demandèrent de faire tomber sur eux le feu du ciel ; mais Jésus le leur reprocha, et leur apprit que l’esprit de sa doctrine était différent. Luc, IX, 51-56. On pense que c’est par allusion à l’impétuosité de leur caractère, manifestée en cette circonstance, que Jésus leur donna le surnom de Boanergès, « fils du tonnerre. » Marc, iii, 17. Voir t. i, col. 1821. Jean avait déjà interdit à un homme de chasser les démons au nom de Jésus, parce qu’il ne faisait pas partie du collège apostolique. Luc, ix, 49. Si l’ambition pousse les deux lrères à se joindre à leur mère pour demander les premières places auprès du Christ triomphant, la générosité de leur âme se montre dans leur empressement à accepter de boire le calice de douleur que Jésus leur présente. Matth., xx, 20-23 ; Marc, x, 35-41. Cependant, à l’heure de l’arrestation du Sauveur, Jean prend la fuite comme les autres Apôtres. Bientôt, avec Pierre, il suit la cohorte qui emmenait Jésus, et, comme il était connu (on ne sait à quel titre) de Caiphe, il put pénétrer à l’intérieur de la maison du pontife et assister a l’interrogatoire. Joa., xviii, 13. Il se trouva aussi debout au pied de la Croix, et Jésus, apercevant son disciple bien-aimé, lui confia sa mère que Jean reçut dès lors dans sa propre maison. Joa., xix, 26, 27. Quand Marie-Madeleine vint apprendre, au matin de la résurrection, que le tombeau de Jésus était vide, Jean courut plus vite que Pierre et arriva le premier au sépulcre ; à la vue de la disposition des linges, il crut que Jésus était ressuscité. Joa., xx, 2-8. Lorsque Jésus se manifesta aux Apôtres, qui étaient retournés pêcher dans le lac de Tibériade, Jean fut le premier à le reconnaître et à le signaler à Pierre. Joa., xxi, 7. C’est en cette circonstance qu’après avoir annoncé à Pierre le genre de mort qui lui était réservé, sur la demande du chef des Apôtres, Jésus refusa de faire connaître le sort qui attendait le disciple bien-aimé. Plus tard, les chrétiens interprétèrent ses paroles comme la prédiction que Jean ne mourrait pas, et en terminant son évangile, l’apôtre eut le soin d’affirmer que telle n’avait pas été la pensée de son Maître. Joa., xxi, 20-23. Après l’ascension de Jésus au ciel, Jean demeura quelque temps à Jérusalem avec les autres Apôtres. Act., i, 13. Il monta avec Pierre au temple et fut témoin de la guérison du boiteux à la Belle-Porte. La foule les suivit au portique de Salomon, Act., iii, 1-11, et après le discours de Pierre au peuple, les deux Apôtres furent saisis par les prêtres et mis en prison. Le lendemain, ils comparurent devant le Sanhédrin et rendirent témoignage à Jésus ressuscité. Les sanhédrites, admirant la constance de ces hommes sans lettres et sans instruction, les laissèrent en liberté, après leur avoir inutilement ordonné de ne plus prêcher Jésus de Nazareth. Act., iv, 1-21. Jean subite encore de la part des prêtres juifs la persécution, commune à tous les apôtres, Act., v, 17-33, et il fut battu de verges à cause de Jésus. Joyeux d’avoir souffert, il continua à prêcher Jésus-Christ. Act., v, 40-42. Il prit part à l’élection des diacres, Act., vi, 2, et il demeura à Jérusalem même après la persécution qui suivit la mort de saint Etienne. Act., viii, 1. Il fut envoyé avec Pierre en Samarie pour donner le Saint-Esprit aux nouveaux -convertis. Act., viii, 14-17. Quand, trois ans plus tard,

saint Paul vint à Jérusalem, Gal., i, 18, 19, il n’y vit pas saint Jean, qui était sans doute parti pour une course apostolique. La persécution d’Hérode Agrippa, qui fit périr Jacques, frère de Jean, et emprisonner Pierre, n’atteignit pas Jean, alors absent de Jérusalem. Act., xii, 1-3. Il était revenu à la ville sainte, lorsque s’y tint, en 51 ou 52, l’assemblée connue sous le nom de concile de Jérusalem. Voir t. ii, col. 890. Saint Paul, Gal., ii, 9, le nomme avec Pierre et Jacques le Mineur comme ceux qui paraissaient être les « colonnes » de l’Église et qui lui donnèrent la main d’association. À son dernier voyage à la ville sainte, l’apôtre des gentils ne fut plus reçu que par Jacques le Mineur. Act., xxi, 18. L’Apocalypse, qui est l’œuvre de l’évangéliste saint Jean, nous apprend que son auteur fut relégué dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage rendu à Jésus-Christ. C’est là qu’un dimanche l’apôtre reçut la « révélation de Jésus-Christ », qui débute par les letires aux sept Églises d’Asie Mineure, Apoc, i, 9-11, que saint Jean connaissait et sur lesquelles il avait une autorité évidente. Les trois lettres qui lui sont attribuées ne contiennent aucun renseignement personnel. La suite de la vie de saint Jean ne nous est connue, et encore bien incomplètement, que par la tradition ecclésiastique.

D’après la tradition.

Tous les anciens écrivains

ecclésiastiques ont unanimement affirmé que l’apôtre saint Jean vint s’établir, à une époque qu’il est difficile de fixer d’une manière absolue et qu’on croit généralement postérieure à la mort de saint Pierre et de saint Paul et antérieure à la ruine de Jérusalem par les Bomains, à Éphèse et qu’il y vécut jusqu’à la plus extrême vieillesse, exerçant une autorité incontestée sur les églises de l’Asie proconsulaire. C’est là qu’il aurait composé l’Apocalypse, le quatrième Évangile et les trois Épitres qui portent son nom. Cette tradition est indépendante du témoignage de l’Apocalypse elle-même et des attestations de l’origine apostolique de ce livre prophétique. Voir t. i, col. 742-746, et Dictionnaire de théologie catholique, de M. Vacant, t. i, Paris, 1901, col. 1467-1470. Il suffit de rappeler quelques affirmations très explicites. Saint Irénée, Cont. hær., ii, 22, n. 5, t. vii, col. 785, en appelle aux anciens qui ont vécu en Asie avec Jean, le disciple du Seigneur, qui est demeuré avec eux jusqu’au temps de Trajan. Il cite, ibid., III, 3, n. 4, ibid., col. 853-855, la rencontre de l’apôtre avec Cérinthe aux bains d’r-phèse et il dit que l’église d’Éphèse, qui a été fondée par Paul et a été habitée par Jean jusqu’aux temps de Trajan, est un témoin véridique de la tradition des Apôtres. Dans sa lettre à Florin, son ami d’enfance, qui s’était laissé séduire par les gnostiques, il remémore la doctrine des anciens qui avaient été les disciples des apôtres et l’enseignement de Polycarpe qui leur racontait ses relations avec Jean et avec les autres qui ont vu le Seigneur, et qui répétait ce qu’il avait entendu d’eux sur le Seigneur, sur ses miracles et sur sa doctrine. Eusèbe, ’.fl. E., v, 20, t. xx, col. 485. Les témoignages de saint Irénée que M. Harnack, Die Chronologie des altchristlichen Literatur bis Eusebius, t. i, Leipzig, 1897, p. 320-381, et M. Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 9-18, ont cherché à infirmer, gardent toute leur valeur en faveur du séjour de saint Jean à Éphèse. Labourt, De la valeur du témoignage de S. Irénée dans la question johannine, dans la Revue biblique, t. vii, 1898, p. 59-73 ; A. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore disserlatio, Louvain, 1899, p. 128-138. L’évêque de Lyon écrit au pape Victor que son prédécesseur Anicet n’a pu persuader Polycarpe, qui avait vécu familièrement avec Jean le disciple de Notre-Seigneur et avec les autres Apôtres, d’adopter les observances romaines relatives à la célébration de la fête de Pâques. Eusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 508. Quelques pages auparavant, ibtd., col. 493-496, Eusèbe avait cité une lettre de Polycrate, évêque d’Éphèse, au