Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/571

Cette page n’a pas encore été corrigée
1095
1096
JACQUES (EPITRE DE SAINT)


VI. Canonicitè.

L'Épître de saint Jacques fut rejetée par Luther et les centuriateurs de Magdebourg. Le cardinal Cajetan et Érasme eurent des doutes à son sujet. Généralement on la place parmi les deutérocanoniques. Le canon de Muratori ne la mentionne pas. Eusèbe la met au rang des <xvrtXeYÔ|i£va (écrits contestés), H. E. m, 25, t. xx, col. 269 ; voir son texte, Canon, t. ii, col. 173 ; ailleurs, pourtant, il déclare, comme nous l’avons vii, que la première des Épîtres catholiques est regardée comme étant de Jacques ; quoiqu’il ajoute, exprimant probablement son propre sentiment, qu’elle est apocryphe : ioréov M &ç voŒiiewct jiiv x. t. "I. H. E., n, 23, t. xx, col. 205. Il atteste néammoins dans ce même passage qu’elle est reçue, ainsi que l'Épitre de Jude, dans plusieurs Églises. Malgré ces hésitations et ces doutes, qu’on peut s’expliquer aux premiers siècles de l'Église, la canonicitè de l'Épitre de Jacques est certaine. — 1° Le concile de Carthage, 397, et le concile de Trente l’ont reçue comme canonique. — 2° Les plus anciens manuscrits et les plus anciennes versions, telles que la Peschito, la contiennent. — 3° La tradition patristique est aussi en sa faveur : — a) Pères apostoliques. Certains des Pères apostoliques paraissent citer l'Épître de Jacques ; saint Clément de Rome, I Cor., x, 1, dit : « Abraham, appelé l’ami [de Dieu], fut trouvé fidèle en ce qu’il fut obéissant aux paroles de Dieu ; » et n° 7 : « À cause de sa foi et de son hospitalité, il eut un fils dans sa vieillesse, et, à cause de son obéissance, il l’offrit en sacrifice à Dieu sur une des montagnes qui lui furent montrées. » Pat. Apost. opéra, édit. Oscar de Gebhardt et Ad. Harnack, in-8°, Leipzig, 1900, p. 5-6. Cf. Jac, ii, 53. Ce qui donne à penser que saint Clément cite dans ces passages l'Épître de saint Jacques, et non Gen., xv, 6, ou Rom., iv, 3, ou Gal., iii, 6, ce sont les mots : 6 çfXo ? izpoaayopzv^iii ;, et, xai çcXo ? ©eoO èxXt|911, qui ne se trouvent que dans Jac, ii, 23 b. Cf. aussi, de la même Épître de saint Clément, xvii, 2, p. 10 ; XII, 1, p 6, où se trouve cité l’exemple de Rahab, Heb., xi, 31 ; Jac, II, 25. Ci. A. Charteris, Canonicity, a collection of early testimonies to the canonical books of theNew Testament, in-8°, Edimbourg, 1880, p. 292 ; Von Soden, dans les Jahrbùcher fur protestantische Théologie, 1884, p. 171-172. — Hermas, Matid., xii, 5, s’exprime ainsi : « Si vous résistez [au démon], vaincu" il s'éloignera de vous avec contusion. » Pat. Apost. opéra, p. 166. CL Jac, IV, 7 : ressemblances verbales : âv-tiff-nivat çeûÇeToi, àç' ù|ifflv. Cf. aussi Sim., VIII, 6, édit. cit., p. 186, où on lit : è7tat<rxuv91vTeç tî> ô'vo(ia Kupt’ou tô siuxXviOèv iic' ayToûç, et Jac. ii, 7 : 6Xaffçr)n.o0<rtv…Tb È7uxXîr)ftèv tç' viiôé ;. — 6) Autres Pères. Saint Irénée cite mot à mot Jac, ii, 23, Cont. hær., IV, xvi, 2, t. vii, col. 1016, et. aussi xhi, 4, col.1009. Tertullien dit : « Abraham amicus Dei deputatus. » Adv. Jud., 11, t. 11, col. 600 ; cf. Jac, 11, 23 ; cf. Clément d’Alexandrie, Psedag., III, 11, t. viii, col. 573 ; viii, col. 613 ; Strom., vi, 18, t. ix, col. 397. Origène, In Joa., tom. xix, t. xiv, col. 569 ; In Epist ad Rom., iv, t. xiv, col. 989, 990 ; Rom. iv in Ps. zxxvi, t. xii, col. 1351 ; Hom. a in Lev., 4, t. xii, col. 418, cite Jac, v, 20, sous la dénomination d' « Écriture divine » ; Eusèbe, Comment. inPs. c, t. xxiii, col. 1244. Saint Athanase, Epist. fest., xxxix, t. xxvi, col. 1177, place l'Épître de Jacques dans son canon. S. Épiphane, Hser., xxxi, 34, t) xli, col. 540. Cf. S. Kirchhofer, Quellensammlung zur Geschichte des Aleutestamentlischen Canons bis auf Hieronymus, in-8°, Zurich, 1844 ; voir Canon, t. ii, col 179-182.

VIL Forme de l'Épître. — Comme on l’a déjà remarqué, elle ressemble bien plutôt à une instruction morale, à une exhortation, qu'à une lettre proprement dite. Le début, qui est une salutation aux tribus d’Israël, convient très bien à l'évêque de Jérusalem ; mais la fin n’est pas la conclusion d’une lettre, c’est une simple maxime qui clôture une instruction. Le genre est tout à fait sé mitique ; il porte l’empreinte de son auteur. Saint Jacques ne ressemble nullement à saint Paul ; pas de longs raisonnements, de considérations sur les mystères de la foi ; on dirait plutôt les Logia du Sauveur ; ce sont des sentences courtes et énergiques, des espèces d’aphorismes destinés à inculquer profondément les vérités que l’auteur annonce. Sous ce rapport, on pourrait l’appeler une Épître synoptique. Cf. Jac, 1, 14, et Matth., xv, 19 ; — Jac, iv, 12, et Matth., x, 28 ; — Jac, v, 1-6, et Luc, VI, 24. Les analogies avec le Discours sur la montagne sont très nombreuses et très frappantes. Cf. Jac,

1, 2, 12, et Matth., v, 10-12 ; — Jac, I, 4, et Matth., v, 48 ; ^- Jac, 1, 5, 6 ; v, 15, 18, et Matth., vii, 7-11 ; — Jac, 1, 20, et Matth., v, 22 ; — Jac, 11, 13, et Matth., v, 7 ; vi, 14, 15 ; — Jac, ii, 14-17, et Matth., vii, 21-23. ; — Jac, iii, 17, 18, et Matth., v, 9 ; — Jac, iv, 4, et Matth., vi, 24 ; — Jac, iv, 10, et Matth., v, 3, 4 ; — Jac, iv, 11, et Matth., vii, 1 ; — Jac, v, 2, et Matth., vi, 19 ; — Jac, v, 10, et Matth., v, 12 ; — Jac, v, 12, et Matth., v, 33. — L’enchaînement entre les idées est faible ; quelquefois même elles se suivent sans qu’on en voie bien la connexion. Lorsqu’un sujet est traité avec un certain développement, il se termine par une espèce de sentence épigrammatique. Jac, I, 5-8, 13-16, 22-27 ; II, 1-13, 14-26 ; m, 1-5, 6-8, 13-18 ; iv, 1-10, 13-17 ; v, 7-10. - C’est probablement à cause de ce caractère moral et gnomique de l'Épître que l’auteur en appelle à la loi et cite de préférence les livres didactiques de l’Ancien Testament. Jac, 1, 10, 12, 19 ; 11, 1 ; iv, 6.

VIII. Langue et style.

1° La langue est généralement pure ; nous l’avons déjà dit. On voit que l’auteur possède bien le grec ; dans la plupart des cas les mots sont bien choisis et appropriés aux idées et aux choses qu’ils expriment. On remarque pourtant quelques particularités propres à l’auteur ; les principales sont : 1, 11, iropsîoei, « voies ; » 1, 18, le participe (30uXïî8efç, « volontairement ; » I, 2, la phrase, ôtoev ireipa<r|Aot{ 7cepntl17r]Te iroixtXoï ;, « lorsque vous tomberez dans différentes tentations ; » I, 17, Tpoitîi ; àuoxiatriia. « l’ombre de changement ; » 1, 18, àTOxÛY]<Tev, « il engendra. » — Çà et là on rencontre même des expressions poétiques. L'Épitre contient même deux hexamètres : 1, 17 ; iv, 4. — 2° Le style est énergique et varié ; il est caractérisé surtout par des pensées fortes, 1, 11 ; ii, 5, 6 ; iv, 13-16 ; v, 1-3 ; - des images, 1, 6, 10, 11, 14, 15, 17, 23, 24 ; iii, 3-7, 11, 12 ; iv, 15 ; v, 2, 3 ; — des tours vifs et frappants, ii, 2-4, 15, 16 ; iv, 1 4, 13, 15 ; v, 1-6, 13-14 ; — des interrogations, ii, 4-7, 14-16 ; iii, 11-13 ; iv, 1, 4, 5 ; v, 13, 14 ; — des antithèses, 1, 9, 10, 19, 22-26 ; ii, 5, 10-12, 15 ; iv,

2, 4. Le ton est particulièrement autoritaire ; sur 108 versets, l'Épître contient une cinquantaine d’impératifs, 1, 1, 4, 5, 6, 7, 9, 13, 16, 19, 21, 22 ; 11, 1, 3, 5, 12, 16, 18 ; iii, 1, 13, 14 ; iv, 7, 8, 9, 10, 11 ; v, 1, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 16, 20.

IX. Texte.

Certains auteurs ont pensé que le texte grec actuel est la traduction d’un original araméen. Cette opinion est généralement rejetée. On croit que le texte original est le grec Trois manuscrits onciaux, le Sinaiticus, le Vaticanus et VAlexandrinus, contiennent intégralement les Actes et les Épîtres catholiques ; deux manuscrits onciaux, K, L, contiennent intégralement les Épîtres catholiques ; les manuscrits C, P, contiennent des fragments des Épîtres catholiques. Cf. Gregory, Novum Testamentum grseçe, édit. Tischendorf, t. iii, Prolegomena, Pars prior, in-8°, Leipzig, 1884, p. 409417. — Signalons quelques variantes importantes : principales inscriptions : Iay-woou emixToXir) ; — ç, [otxtoSou xaOoXixY] tmazoi.t) ; -ç% taxtoëoy tou omofffoXou zmtrcoXri xaOoXtxï) ; le Sinaiticus n’a pas d’inscription, mais il porte en souscription : etcistoXy] i « xw60u ; — dans le texte : 1, 12 ; omission de é xûpioç ; i, 19, "ors [latin scilis] pour <5<tts ; II, 5, tù xôdjKi) pour xoû xou[jloû ; iii, 1, m5XXv pour itoXXot ; iii, 12 ; oùSenfoc fQY^i « Xuxov xat y^u*" pour