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ISAIE (LE LIVRE D’)

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3. Objections historiques.

On prétend les tirer de | l’évidence interne. — Première objection. — Le temps de l’exil est décrit comme présent, et la ruine de Juda et de Jérusalem comme passée, Is., xlii, 22-25 ; xliii, 28 ; xljv, 26 b ; xlvii, 6 ; xlix, 8 ; iii, 5 ; lviii, 12 ; lxi, 4 ; lxiii, -18 ; lxiv, 10-12. L’auteur a donc vécu dans la période exilienne et même après. — Réponse. — a) Il y a des indices certains que ces prédictions ont été faites avant l’événement, Is., xli, 21-29 ; xliii, 9 ; xlv, 21 ; xlvi, 9 ; xxviii, 5, 16. — 6) Cette manière de parler s’explique par ce qu’on appelle le présent prophétique ; les prophètes décrivent parfois les événements futurs comme présents ou passés, car, dans leur esprit ils voient ces événements comme s’accomplissant présentement ou comme déjà accomplis. — Isaïe, dans la seconde partie, n’annonce pas toujours d’ailleurs ces événements comme présents ; parfois il annonce la délivrance comme future, XL, 9 ; xli, 27 ; xliii, 19 ; — xlvi, 13, est un simple contexte. Quant à xlii, 9 ; xlviii, 3, 6, 7, 16, ils rappellent des prophéties faites autrefois et déjà accomplies comme un argument pour prouver que les nouvelles prophéties s’accompliront également.

Deuxième objection. — L’auteur décrit l’état de choses tel qu’il était au temps de l’exil et après : discordes entre les Babyloniens, xlix, 26 ; victoires remportées par Cyrus, xli, 2, 3, 25 ; l’Egypte, l’Ethiopie et Saba sont sa proie, xliii, 3 ; xlv, 14 ; conspiration des nations contre Cyrus sous Crésus, XL, 15 ; xli, 1, 5 ; li, 6 ; lix, 18 ; victoires de Cyrus, lxiii, 1. — Réponse. — Tous ces passages sont mal interprétés, et dès lors l’objection manque de fondement ; xlix, 26 ne fait nullement allusion aux discordes entre Babyloniens, puisque dans ce passage il n’est nullement question du temps de Cyrus, mais du temps qui suivit la restauration ; — xli, 2, 3, 25, ne rappellent pas des victoires déjà remportées, mais annoncent des victoires en général ; on voit, par le contexte et par xli, 1, 22, 23, 24, 26, que cette prophétie est donnée comme un argument de la vraie divinité ; — ce qui est dit, xliii, 3 ; xlv, 14, ne se rapporte nullement à Cyrus, parce que ce conquérant ne fit jamais d’expéditions en Egypte, en Ethiopie et à Saba ; — dans les autres passages allégués, il n’est pas non plus question des nations conspirant contre Cyrus sous Crésus ; XL, 15 déclare l’impuissance des nations contre la majesté divine ; xli, 1, elles sont appelées » à juger si c’est Dieu ou les idoles qui ont fait des fausses prophéties ; xli, 5, affirme d’une façon générale que les contrées même les plus éloignées trembleront, lorsque s’élèvera le héros d’Orient ; li, 6, est un passage trop obscur ; très probablement il s’agit là du salut apporté à la terre par le Christ ; — enfin dans lix, 18, et lxiii, 1, il n’est nullement question de Cyrus, mais de Dieu et de Jésus-Christ ; ce dernier passage annonce le salut messianique, déjà annoncé dans il, 2-4 ; XI, 4-7 ; XII, 1-6 ; xxx, 23-28 ; xxxii, 1-8 ; passages regardés comme authentiques par les rationalistes eux-mêmes.

Troisième objection. — L’auteur décrit avec tant de soin et d’exactitude les divers partis qui existaient parmi les exilés, les factions, les mœurs et la condition des exilés, qu’il se trouvait nécessairement au milieu d’eux, XL, .27 ; xlv> 9 ; xlvi, 6-7 ; xlix, 24 ; li, ; fô ; lvii, 5-8 ; lviii, 13 ; Lix. 3 ; lxvi, 5. — Réponse. — ? Ce groupe de passages est aussi mal interprété ; reprenons point par point en groupant les idées analogues : xlvi, 6-7, et lvii, 5-8, reprennent les idolâtres et montrent la folie de l’idolâtrie ; cela n’a aucune relation avec la période exilienne, mais vise l’idolâtrie pratiquée en Palestine même ; nous ne sommes donc pas à Babylone, mais en Palestine ; — ce que les impies disent, lxvi, 5, avait déjà été dit dans v, 19 ; il n’y a là aucun indice de la fin de l’exil ; — les reproches de lix, 3, se trouvent déjà dans i-v ; ii, 15-21 ; xxviii, 7 ; — lviii, 13, recommande l’observance du sabbat ; Jérémie le fit aussi avant l’exil,

Jer., xvii, 21-22 ; — si le prophète dans xl, 27 ; xlv, 9 ; xlix, 24 ; li, 12, console et réconforte les pusillanimes et les découragés, nous trouvons les mêmes sentiments dans la première partie ; là aussi, l’auteur soutient les pieux et les affligés et les exhorte à mettre leur confiance en Dieu ; de même dans i, 15 ; 23 ; iii, 15 ; v, 8-25 ; x, 12, il avait déjà parlé des iniquités commises.

Quatrième objection. — Tous les prophètes antérieurs à l’exil, et Isaïe lui-même, attendent l’amendement du peuple des souffrances et des peines de l’exil ; dans les chapitres xl-lxvi, au contraire, le peuple est représenté comme contumace, endurci, incrédule, apostat, chargé d’iniquités et n’offrant aucun espoir d’amendement, xlviii, 4, 8 ; lviii, 1 ; lix, 2, 12 ; lxiii, 17 ; lxiv, 7. Donc ces chapitres ne sont pas d’Isaïe. — Réponse. — Nous sommes encore ici en face d’une fausse interprétation ; il nous suffit de remettre les choses à point pour écarter cette objection ; xlviii, 4, 8, l’auteur décrit les mœurs du peuple à peu près dans les mêmes termes que les livres mosaïques ; cf. Exod., xxxii, 9 ; xxxiii, 3, 5 ; xxxiv, 9 ; Deut., ix, 6, 13 ; xxxi, 27 ; devrons-nous conclure que l’Exode et le Deutéronome ont été écrits durant ou après l’exil babylonien ? — lxiii, 17, et lxiv, 7, on pleure les péchés passés, et on en implore le par- : don ; — lviii, 1, et lix, 2, 12, reprennent les péchés déjà repris dans les chapitres I et v, ainsi que la feinte piété des contemporains comme dans I, 10-16 ; — il n’est pas vrai de dire que l’auteur de la seconde partie n’attend des souffrances de l’exil aucun amendement du peuple ; xlviii, 10, prouve le contraire. Le peuple sortit de l’exil de Babylone purifié et plus digne des bienfaits de Dieu.

Cinquième objection. — Tous les discours de cette partie s’adressent à des exilés tantôt pieux, tantôt impies ; l’auteur se demande quels sont ceux qu’il doit consoler et reprendre ; quels sont ceux qu’il doit exhorter à l’amendement, et auxquels il ordonne de s’éloigner de Babylone ; ces discours n’ont pu être prononcés par Isaïe qui a vécu et écrit 150 ans avant l’exil ; pour se convaincre de cela il suffit de se référer à xl, 18, 21, 25 ; xli, 10, 14 ; xlii, 18 ; xliii, 1 ; xliv, 2, 8, 22 ; xlvi, 8, 9, 12 ; xlviii, 1 ; L, 5 ; lvi, 6-12 ; lviii, 4 ; lxi, 1. — Réponse.

— a) On peut dire — et c’est là un principe général — que le prophète, en énonçant des règles de morale éternelles et immuables, les propose comme des vérités présentes, des axiomes actuels, parce que ces règles de leur nature sont valables pour tous les temps et pour tous les lieux ; donc, tout en les appliquant aux "exilés d’une manière éloignée et médiate, il a immédiatement et principalement en vue les nécessités et les besoins de son temps. — b) L’examen des passages allégués prouve en particulier que l’objection n’a aucune valeur ; examinons ces passages en les groupant : —. xl, 12, 21, 25, démontre la folie de l’idolâtrie ; on n’a qu’à lire ii, 8, 20, et xxxi, 7, pour y trouver les mêmes idées ; — xli, 10, 14 ; xliii, 1 ; xliv, -2, ’8, « ne crains pas, » ne s’appliquent pas seulement aux Juifs exilés, mais aussi aux Israélites contemporains d’Isaïe, qu’il s’agit d’encourager et de soutenir ; cf. viii, 17-18 ; x, 24 ; xii, 2 ; xxviii, 16 ; — même chose de xlii, 18 ; xlviii, 1 ; — xliv, 22 ; xlvi, 8, 9, 12, contiennent des exhortations à s’amender et à revenir à Dieu ; de pareilles exhortations se font dans tous les temps et se trouvent presque chez tous les prophètes ; — si lvi, 6-12, n’a pu être dit que pendant l’exil il faut conclure de même pour ii, 4-10 qui exprime les mêmes idées ; il rentre dans le rôle du prophète de décrire le futur comme accompli, et d’en tirer les conclusions morales qui en découlent naturellement ; c’est ainsi que le chapitre xii exhorte ceux qui verront les temps messianiques, à chanter un cantique de louange à Dieu ; que xiv, 4-21, décrit les sentiments de ceux qui ont vu la ruine de Babylone ; — dans l, ’5 ; lxi, 1, le prophète ne dit pas qu’il a été envoyé aux exilés : dans le premier de ces passages il s’agit de l’obéissance de