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ISAAC


rappeler à tous que l’enfant, qui le portait, était le dépositaire de la promesse de possession du pays de Chanaan, le chef du peuple choisi et l’héritier des bénédictions messianiques. Gen., xvii, 19, 21. Il devait rappeler aussi les circonstances surprenantes et joyeuses de la naissance d’Isaac. Le Seigneur apparut de nouveau à Abraham et promit encore un fils né de Sara. Celleci, qui écoutait derrière la porte de la tente, ne put s’empêcher de rire : à son âge et dans son état, la maternité lui paraissait impossible. Rom., iv, 19. Dieu, qui voulait que la naissance d’Isaac fût l’œuvre de sa toute-puissance, et non de la nature, reprocha à Sara son rire d’incrédulité et répéta que, dans un an, à pareille époque, Sara serait mère, car rien n’est difficile à Dieu. Gen., xviii, 9-15. Le Seigneur visita donc Sara comme il l’avait promis, et il accomplit sa parole. Abraham donna à son fils le nom d’Isaac, lorsqu’il le circoncit le huitième jour après sa naissance. Sara, convertie par l’événement et devenue croyante, Heb., xi, 11, rappela l’heureuse signification du nom d’Isaac : « Dieu m’a donné un sujet de rire joyeux ; quiconque l’apprendra en rira de joie avec moi. » Et elle ajouta : « Qui croirait qu’on aurait pu dire à Abraham que Sara nourrirait de son lait un fils, qu’elle lui aurait enfanté lorsqu’il serait déjà vieux ? » Gen., xxi, 1-7. L’enfant de la promesse fut donc aussi l’enfant du miracle. Il grandit et fut sevré, et Abraham donna à cette occasion un grand festin. Voir t. ii, col. 1787. Un peu plus tard, Sara, ayant vu Ismaël, qui se jouait d’Isaac et en faisait l’objet de ses moqueries et de ses persécutions, Gal., iv, 29, exigea d’Abraham le renvoi d’Agar et de son fils. Voir t. i, col. 262. Elle invoquait les droits d’Isaac, le véritable et unique héritier des promesses divines. Dieu lui-même approuva le projet de Sara, parce qu’Isaac était le chef de la race bénie, Rom., ix, 7 ; Heb., xi, 18, et consola le cœur du père, en annonçant les grandes destinées J’Ismaël. Gen., xxi, 8-13. Voir Ismæl.

II. Sacrifice.

Toutes les espérances d’Abraham re-posaient sur Isaac, lorsqu’une nuit, pour éprouver sa

foi, Heb., xi, 17, le Seigneur demanda à l’heureux père de lui sacrifier son fils unique et chéri. Fidèle jusqu’à l’héroïsme, le vieux patriarche emmena le jeune homme au lieu désigné. Après trois jours de marche, il laissa les deux serviteurs et l’âne qui l’avaient accompagné jusque-là, et s’avança seul avec Isaac vers la montagne du sacrifice. Il avait mis sur les épaules de son fils le bois de l’holocauste, et il portait lui-même le feu et le glaive. Chemin faisant, Isaac, qui ignorait encore les ordres de Dieu, demanda naïvement : « Père, voici le feu et le glaive ; où est la victime ? » Abraham répondit d’une façon évasive, qui devait être prophétique : « Dieu y pourvoira. » Quand ils furent parvenus à l’endroit indiqué par Dieu, l’autel étant dressé et le bois disposé, Isaac, comprenant enfin qu’il était lui-même la victime, s’associa généreusement au sacrifice intérieur de son père et, sans proférer ni récrimination ni crainte, il se laissa lier sur le bûcher et offrir volontairement au Seigneur. Mais Dieu, satisfait du sacrifice intérieur du père et du fils, interdit à Abraham l’immolation extérieure d’Isaac et Abraham offrit en holocauste un bélier, substitué au fils de la promesse. Gen., xxii, 1-13. Voir t. i, col. 80.

III. Mariage.

Après la mort de Sara, Abraham, qui était avancé en âge, pensa à assurer la perpétuité de sa race dans la lignée choisie, en mariant Isaac. Il envoya le premier de ses serviteurs, Éliézer, suppose-t-on généralement, voir t. ii, col. 1678, en Mésopotamie chercher dans sa propre famille une femme pour son fils. Il fit jurer à cet intendant de sa maison par un serment solennel de ne jamais permettre à Isaac d’épouser une fille des Chananéens et de ne le reconduire jamais au pays, d’où lui-même était sorti. Il promettait, du reste, à Eliézer l’assistance de l’ange du Seigneur pour le succès de

sa mission. Il importait grandement aux desseins de Dieu que le chef de la race élue ne s’alliât pas avec une fille de ces tribus chananéennes, vouées à l’idolâtrie et à la dépravation des mœurs. Gen., xxiv, 1-9. Éliézer réussit dans sa mission et ramena Rébecca, fille de Bathuel et nièce d’Abraham, pour devenir l’épouse d’Isaac. Tandis que la caravane revenait au lieu du séjour habituel du patriarche, Isaac se promenait dans les champs, au déclin du jour, sur le chemin qui conduit à Be’êrlabaï-rô’i. Voir t. i, col. 1549-1550. Le mobile de sa promenade solitaire a été diversement interprété. Les anciennes versions ont traduit le verbe hébreu dans le sens de « prier, méditer », et c’est pourquoi les rabbins ont attribué à Isaac l’institution de la prière du soir, correspondant à l’heure du sacrifice vespéral. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, iv, 1, trad. Schwab, Paris, 1881, p. 73, et Talmud de Babylone, ibid., p. 328. Le P. de Hummelauer, Comment, in Gen., Paris, 1895, p. 449, donne à ce verbe la signification de « pleurer, se lamenter ». Isaac, qui n’avait pas encore cessé de porter le deuil de sa mère, était sorti de sa tente pour pleurer seul, le soir, à la campagne. Lorsqu’il leva ses yeux qu’il tenait baissés vers la terre, il vit venir les chameaux. Rébecca, informée qu’il était son futur époux, descendit aussitôt de sa monture et se voila de son manteau par respect. Le serviteur raconta à Isaac ce qu’il avait fait. Acquiesçant aux négociations d’Éliézer, Isaac conduisit Rébecca dans la tente qu’avait occupée Sara, et il la prit pour femme. L’affection qu’il eut pour elle fut si grande qu’elle commença à tempérer la douleur de la mort de sa mère. Gen., xxiv, 62-67. Isaac avait alors quarante ans. Gen., xxv, 20. IV. Faits survenus avant la naissance de ses fils. — Isaac, étant l’unique héritier des promesses divines, reçut tout l’héritage. Gen., xxiv, 36 ; xxv, 5.Il ensevelit Abraham dans le tombeau de Sara. Gen., xxv, 9, 10. Après la mort de son père, Dieu lui fit sentir l’effet spécial de ses bénédictions. Isaac habitait alors auprès de Be’êr-lafraï-rô’i. Gen., xxv, 11. LeP. de Hummelauer, Comment, in Gen., p. 457-458, pense qu’on peut légitimement placer, avant la naissance d’Ésaû et de Jacob, Gen., xxv, 21-26, les événements arrivés à Gérare et racontés dans Gen., xxvi, 1-33. Ces derniers se seraient accomplis dans l’intervalle de vingt années, entre le mariage d’Isaac et la naissance de ses fils. Gen., xxv, 20, 26. Une famine, pareille à celle qui survint au temps d’Abraham, s’étant produite au pays qu’habitait Isaac, celui-ci, imitant la conduite de son père, s’en alla à Gérare auprès d’Abimélech, roi des Philistins. La ressemblance des événements avec ceux qui se sont passés au temps d’Abraham ne prouve pas leur identité, et la diversité des circonstances montre la diversité des faits et des récits. Voir 1. 1, col. 54. Cf. Lamy, Comment, in lib. Gen., Malines, 1884, t. ii, p. 164-165. Au moment où l’héritier des promesses, contraint par la disette, allait entreprendre un voyage dangereux, Dieu, dans une première apparition, lui rappela les glorieuses destinées de sa famille. Il lui défendit de se réfugier en Egypte, comme autrefois Abraham, et lui renouvela les p « n messes, antérieurement faites à son père. Comme Abraham, Isaac sera étranger au pays des Philistins, mais Dieu donnera plus tard toute la contrée à sa postérité, qui sera nombreuse et la bénédiction messianique en sortira pour se répandre sur l’univers entier. Gen., xxvi, 1-5. Durant son séjour à Gérare, Isaac eut recours au même subterfuge que son père et, craignant pour sa propre vie, s’il disait que Rébecca, encore belle, était sa femme, il la fit passer pour sa sœur ou sa parente, car elle était, en effet, sa cousine. Mais au bout d’un long temps, Abimélech reconnut qu’elle était sa femme et il lui reprocha sa feinte, qui aurait pu faire tomber un de ses sujets dans un grand péché. Il ordonna à tous de respecter, sous peine de mort, la femme de cet homme. Gen., xxvi, 6-11.