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INCESTE


pour Ruben la perte de son droit d’aînesse ; Jacob mourant n’assigne pas d’antre cause à sa déchéance. Gen., xux, 3. — 3° Thamar, belle-fille de Juda, s’arrête à un carrefour, la tête voilée. Juda la prend pour une courtisane et a commerce avec elle ; c’est là ce qu’elle cherchait. Gen., xxxviii, 14-19. Thamar a une excuse qui atténue la grandeur de sa faute : épouse de l’aîné de Juda, Her, qui était mort sans lui laisser de postérité, unie ensuite, en vertu de la loi du lévirat, à un autre (ils de Juda, Onan, qui la frustra odieusement, elle n’obtint point le troisième fils, Séla, qui lui avait été promis, et elle résolut d’avoir du père ce qui lui avait été refusé du côté des fils. Quant à Juda, il fut formellement coupable de fornication, mais non d’inceste, puisqu’il ne reconnut point la personne rencontrée sur le chemin. Le blâme infligé à sa faute résulte de la place même qu’occupe ce récit dans la Genèse. L’auteur sacré a raconté les crimes de Ruben, Gen., xxxv, 22, de Siméon et de Lévi, Gen., xxxiv, 25-30, et il va commencer la glorieuse histoire de Joseph en Egypte. Gen., xxxix, 1. La sanction apparaîtra dans l’adoption des fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, par le patriarche Jacob, au même rang que ses propres aines, Ruben et Siméon, Gen., xl viii, 5, et dans la bénédiction temporelle assurée à Joseph ainsi préféré à ses aînés. Gen., l, 22-36. Juda garde cependant sa bénédiction particulière d’ancêtre du Messie, Gen., l, 8-12, et c’est précisément par Thamar qne passera cette bénédiction. Matth., i, 3.

II. Législation mosaïque.

1° Avant de formuler la législation qui condamne les principales formes de l’inceste, Moïse rappelle que le Seigneur défend aux Israélites d’imiter les mœurs de l’Egypte et du pays de Chanaan. Lev., xviii, 3. En Egypte, le mariage entre frère et sœur était en honneur. Les souverains s’unissaient à leur propre sœur, parfois même à l’épouse de leur père défunt, sous prétexte de conserver dans toute sa pureté la race royale. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 270 ; t.n, 1897, p. 77, 79. Dans le pays de Chanaan régnait la plus complète dissolution, et les mœurs de certains personnages de l’époque patriarcale en avait subi l’influence..Ainsi Juda, fils de Jacob, avait pour femme une Chananéenne, Sué, pour ami un Chananéen d’Odollam, Hiram. Gen., xxxviii, 1, 2, 20. Par là s’expliquent plusieurs de ses écarts. — 2° Les unions incestueuses que prohibe Moïse sont les suivantes : entre l’homme et sa parente en général, Se’êr beèârô, oîxsï* aap*<Sc, proxima sanguinis sut, c’est-à-dire sa parente par consanguinité, Lev., xviii, 6 ; entre le fils et la mère, ꝟ. 7 ; entre l’homme et la femme de son père, c’est-à-dire une autre épouse que celle dont il est né lui-même, ꝟ. 8, cf. Deut., xxii, 30 ; entre l’homme et sa sœur de père ou de mère, c’est-à-dire une fille quelconque qui soit sa sœur proprement dite, ou qui ait seulement le même père ou la même mère que lui, ꝟ. 9 ; entre l’homme et sa petite-fille, t- 10j entre l’homme et la fille d’une épouse de son père, y. Il ; entre le neveu et la sœur de son père, sa tante paternelle, ꝟ. 12 ; entre le neveu et la sœur de sa mère, sa tante maternelle, J. 13 ; entre le neveu et la femme de son oncle, ꝟ. 14 ; entre l’homme et sa belle-fille, ꝟ. 15 ; entre l’homme et sa belle-sœur ; ꝟ. 16 ; entre l’homme et une fille ou une petite-fille de sa femme, ꝟ. ; enfin entre un homme et la sœur de sa femme, du vivant de cette dernière, ꝟ. 18. —3° Dans toutes ces prohibitions, c’est l’homme qui est nommément visé par le législateur, parce que c’est l’homme qui prend la femme et non la femme qui prend l’homme. Mais ce qui est défendu à l’homme est également défendu à la femme, comme l’indiquent suffisamment les pénalités communes aux deux coupables. Lev., xx, 11, 12, 14, 17. — 4° Certaines unions entre parents ne sont pas mentionnées par le législateur : entre le neveu et la veuve de son oncle maternel, entre un homme et la veuve de son

DICT. DE LA BIBLE.’beau-trère, entre un oncle et sa nièce, etc. La parenté par les femmes était moins étroite que par les hommes. Cf. Num., xxvii, 8-11. D’ailleurs ces unions étaient plus conformes à l’ordre de la nature que celles que vise la loi mosaïque ; un oncle ne se mettait pas au-dessous de sa nièce en l’épousant, tandis qu’une tante fût devenue l’inférieure ou tout au plus l’égale de son neveu en s’unissant à lui. Cependant, parmi les unions non mentionnées, il en est qui sont équivalemment comprises dans celles que prohibe la loi. Ainsi la défense de l’union entre le fils et la mère s’étend nécessairement à l’union entre le père et la fille. — 5° Ces unions incestueuses sont nettement réprouvées par le droit naturel, à tous les degrés en ligne directe et au moins au premier en ligne collatérale. Si la législation mosaïque étend au delà plusieurs de ses prohibitions, elle obéit en cela aux plus hautes convenances. — 6° Parmi les unions incestueuses, il en est une qui est spécialement qualifiée de crime, celle d’un homme avec la fille ou les petits-enfants de sa femme, épousée après un veuvage. Lev., xviii, 17. Le cas pouvait se présenter quand la loi du lévirat était appliquée ; et, dans les autres circonstances, l’homme avait besoin d’être défendu par une prohibition sévère contre une tentation plus directe. — 7° La peine de mort était portée contre les deux coupables d’inceste : entre un homme et la femme de son père, entre un homme et sa belle-fille, entre un homme et la mère et la fille prises en même temps. Lev., XX, 11, 12, 14. La peine du « retranchement », voir Excommunication, i, 3, t. ii, col. 2133, frappait l’inceste entre un homme et la fille de son père ou de sa mère. Lev., xx, 17. Une pénalité qui n’est pas désignée, mais qui est sans doute la même que la précédente, visait les incestes du neveu avec sa tante paternelle’ou maternelle, ou avec la femme de son oncle. Lev., xx, 19, 20. Dans les malédictions solennelles du mont Hébal, les lévites devaient rappeler les cas les plus graves de l’inceste : entre l’homme et la femme de son père, entre l’homme et la fille de son père ou de sa mère, entre le gendre et sa belle-mêre. Deut., xxvii, 20, 22, 23. Si plusieurs des cas les plus directement contraires au droit naturel ne sont pas compris dans la liste des pénalités, c’est qu’ils étaient passibles de châtiments décernés contre les incestes de moindre gravité, frappés eux-mêmes de la peine de mort. Le Seigneur fait redire encore une fois qu’il interdit à son peuple des abominations qui doivent mériter l’extermination aux Chananéens. Lev., xx, 23. Cf. J. Meyer, Dissert, theolog. ad Lev. xviii et Xx, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. i, p. 379385 ; de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 480-483, 498, 499. — 8° La loi mosaïque sur l’inceste donna lieu à un certain nombre de transgressions. Ainsi Ammon, fils de David par Achinoam, s’unit par violence à Thamar, fille de David par Maacha et sœur d’Absalom, et cet inceste entraîna le meurtre d’Ammon. H Reg., XIII, 11-14, 28-29. Absalom à son tour s’unit publiquement aux concubines de son père encore vivant. II Reg., xvi, 21, 22. Cf. Absalom, t. i, col. 96. Outre les crimes d’adultère et de grave outrage envers David, il y avait encore celui d’inceste, parce que l’union avec la concubine pouvait être légitime, voir Concubine, t. ii, col. 906, et que la loi interdisait au fils l’union avec la femme de son père. Lev., xviii, 8. Le cas est différent pour Adonias, fils de David, qui demanda à Salomon la concubine de son père, Abisag la Sunamite ; car tout d’abord il ne l’obtint pas et ensuite David n’avait pas eu commerce avec Abisag. III Reg., ii, 13-23. Voir Abisag, t. i, col. 58. En fait, il n’y eut donc pas d’inceste, et en droit l’union projetée n’eût pas paru incestueuse, car Salomon l’interdit pour un motif tout politique. — Plus tard, Ézéchiel, xxii, 10, 11, reproche aux habitants de Jérusalem les incestes commis entre le fils et la femme de son père, entre le beau-père et la belle-fille, entre le père et la

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