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IDOLATRIE — IDOLE


caractère nomade, analogue à la vieille religion arabe. Bien entendu, le culte de Jéhovah n’excluait pas celui des autres dieux. Peu à peu Jéhovah supplanta Baal comme possesseur de la terre de Chanaan, qu’il fut censé avoir promise aux Hébreux. Vers le huitième siècle, le Code de l’alliance proscrivit les dieux étrangers. Jusque-là Jéhovah s'était montré plein de tolérance, surtout pour les dieux de la tribu, du clan et de la famille. Mais l'élan une fois donné s’accentua de plus en plus, et le prophétisme, on ne sait trop comment, fit le reste.

Critique des systèmes rationalistes.

Abstraction

faite des différences individuelles, le système rationaliste comprend : un axiome, une méthode et une théorie. — 1. L’axiome est que « la religion d’Israël est une religion comme les autres, ni plus ni moins ». Euenen, De Godsdienst, t. i, p. 5-13. Par suite, pas de révélation, pas de surnaturel ; il faut pouvoir tout expliquer par les lois de l'évolution historique. Anciennement la religion d’Israël est au même niveau que celle des peuples voisins ; et si l’opinion qui identifiait Jéhovah à Moloch est aujourd’hui démodée (Kaiser, Dié bibl. Théologie, Erlangen, 1813, t. i, p. 61 ; Daumer, Dos Feuerund Molochdienst deialten Hebrâer, Brunswick, 1842, p. 3 ; Ghillany, Die Menschenopfer der alten Hebrâer, 1842, p. 79), on soutient toujours que la religion des Hébreux ne différait guère de celle des Arabes de la même époque. TieYe, Manuel de l’histoire des religions, Paris, 1880, p. 84 ; Wellhausen, Reste àrab. Heidentums, 2e édit., Berlin, 1897, p. 141 ; Robertson Smith, Lectures on the Religion of the Sémites, 2e édit., Londres, 1894, p. 3. C'était par conséquent l’idolâtrie pure et simple, ou, pour mieux dire, un fétichisme grossier. Les rationalistes ne songent pas à prouver leur axiome. Or cet axiome est faux : la religion juive a quelque chose de plus que toutes les autres, puisque seule elle a donné naissance aux deux religions vraiment monothéistes. D’où lui vient cela ? Du dehors ? Il faudrait le montrer. D’elle-même ? Mais alors elle diffère essentiellement des autres.

2. La méthode rationaliste est également défectueuse. Elle consiste à tirer des conclusions générales de quelques faits particuliers et d’un petit nombre de textes mal expliqués et torturés. Les mêmes exemples reviennent à satiété : l’autel de Joas, Jud., vi, 25 ; l'éphod de Gédéon, qu’on affecte de prendre pour une statue habillée, Jud., viii, 27 ; le vœu de Jephté, Jud., xi, 3440 ; l’holocauste de Manué, Jud., xiii ; surtout l’histoire de Michaset de son idole, Jud., xvii-xviii ; les sacrifices de Samuel, I Reg., vii, 17, de David à Bethléhem, I Reg., xx, 29, d’Absalom â Hébron, II Reg., xv, 7-9, de Salomon lui-même au haut-lieu de Gabaon. III Reg., m, 3-4. On ne veut pas faire attention que, ces faits sont trop isolés pour permettre de conclure à l’idolâtrie générale des Hébreux ; que tous, sauf ceux qui concernent Joas et Michas, sont susceptibles d’une explication toute différente (voir HautsLieux, col. 449), que ces faits doivent à leur caractère exceptionnel de trouver place dans l’histoire, où les événements usuels, précisément parce qu’ils sont usuels, sont rarement signalés. Il en est ainsi en particulier de Michas et de son idole. Cette singulière aventure a pour but de montrer les bienfaits de la royauté et les inconvénients de l’anarchie politique ; mais elle reste aussi exceptionnelle que le crime épouvantable commis sur la femme d’un Lévite et que la cruelle vengeance des onze tribus. Jud., xrxXX. — L’idolâtrie des Hébreux était moins une apostasie que l’adoption de pratiques ou de cérémonies étrangères. On n’abjurait pas Jéhovah qui restait le seul Dieu légitime d’Israël ; mais, par entraînement ou par intérêt, on associait à son culte un culte qu’il réprouvait. Chose extraordinaire ! Il n’y a pas dans les noms théophores juifs, qui sont très nombreux, un seul cas certain dune divinité étrangère. L’impie Achab lui-même

avait donné à ses fils des noms dans la composition desquels entre le nom de Jéhovah. Enfin, nous voyons par l’histoire que l’idolâtrie, loin d'être endémique, est toujours rapportée à une source étrangère ; et si pour éluder cet argument, on prétend que tous les Livres Saints ont été falsifiés systématiquement en faveur d’une théorie préconçue, on tombe dans l’arbitraire et dans l’absurde. Cf. Konig, Die Hauptprobleme der altisræl. Religionsgeschichte, Leipzig, 1884, p. 13-22 ; Bsethgen, Beitrâge zur semit. Religionsgeschichte, Berlin, 1888j p. 140-146 ; Robertson, Early Religion of Israël, 5e édit., 1896, p. 27-49.

3° La théorie des critiques évolutionnistes qui attribuent aux prophètes la première idée du monothéisme n’est pas mieux fondée. Car enfin d’où les prophètes, si différents d'éducation, de nationalité, de génie propre, ont-ils tiré leur monothéisme, s’ils vivaient au milieu d’un peuple idolâtre ? La question est déplacée mais non résolue. Autant valait la solution de Renan, plus inconséquent mais plus perspicace, recourant au monothéisme instinctif des Sémites favorisé par la vie nomade. Et puis les prophètes ne se donnent jamais pour des initiateurs ; ils se contentent du rôle de réformateurs ; ils cherchent leur idéal dans le passé ; ils veulent ramener Israël au Dieu de ses Pères ; ils font appel à la conscience nationale. Prendre les prophètes en bloc pour des mystificateurs, les écrivains sacrés pour des faussaires, peut paraître ingénieux, mais n’est pas scientifique. C’est violer toutes les lois de la vraisemblance historique, et le problème de la révélation qu’on voulait écarter subsiste toujours. Cf. de Broglie, Questions bibliques, Paris, 1897, livre iv : Les prophètes, p. 243-320 ; P. Martin, Inirod. à la critique générale de l’Ancien Testament (lithographie), Paris, 18881889, t. iii, p. 10-147.

Voir P. Scholz, Gôtzendienst und Zauberwesen bel den alten Hebrâern, Ratisbonne, 1877, la monographie la plus complète sur la matière ; J. Selden, De diis Syris, 1628 ; G. J. Vossius, De origine ac progressa idoU>latriæ r Francfort, 1668 ; Fr. Bæthgen, Beitrâge zur semit. Religionsgeschichte, Berlin, 1888, surtout cliap. Il : Isræls VerhâUniss zum Polytheismus, p. 131-252 ; F. E. Kônig, Die Hauptprobleme der altisrælit. Religionsgeschichte, Leipzig, 1884 ; J. Robertson, Early religion of Israël, 5e édit., 1896. Ces trois ouvrages, d’un protestantisme relativement conservateur, traitent la question sans parti pris. Les ouvrages suivants sont rationalistes, et défendent des systèmes préconçus : R. Smend, Lehrbuch der alttestam. Religionsgeschichte, 2e édit., Fribourg-enBrisgau, 1899 ; G. Wildeboer, Jahvedienst und Volksreligion in Israël, Fribourg-en-Brisgau, 1899 ; Baudissin, Jahve und Moloch, 1874, et Studien zur semit. Religionsgeschite, 1. 1, 1876 ; Kuenen, Godsdienst van Israël, Haarlem, 1869-1870 ; Goldziher, Der Mythus bei denHebrâern, 1876. F. Prat.

IDOLE. — 1. Définitionetstatistique. — Le mot idole signifie proprement l’image, la statue (fig. 170) ou le symbole d’une fausse divinité. Mais, dans l'Écriture, il n’est pas toujours pris au sens strict et se dit aussi des êtres réels ou imaginaires qui reçoivent les honneurs divins, même sans aucune représentation matérielle. C’est ainsi que nous l’entendrons également. — Les noms hébreux traduits par s idole », ecBwXov, idolum, simulacrum, soit dans les Septante, soit dans la Vulgate, ou qui ont cette signification, tout eu étant traduits autrement, sont au nombre de trente. Dans les parties protocanoniques de l’Ancien Testament, idolum, employé cent douze fois, , et simulacrum, employé trente-deux fois, répondent aux quinze mots suivants ; 'âvén, 'élîl, 'êlîm, gillûlîm, iihaq, kezabîm, lô'-yô'îlû, sémél, 'âsabbîm, pésél, . pesîlîm, sélém, Siqqûs, fô'ëbdh, terâfïm ; eftiwXov, employé soixante-dix fois, répond aux seize mots : 'êl,