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IDOLATRIE

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pourquoi le Seigneur irrité les livra aux mains des Philistins et des enfants d’Ammon. Jud., x, 6-7. Cf. Jud., iii, 7 ; viii, 33 ; surtout ii, 11-23, qu’on peut regarder comme le programme du livre des Juges. — Après la conquête de la Terre Promise, les Israélites avaient excepté de l’anathème prononcé contre elles une foule de principautés chananéennes. Juda ne put se rendre maître de la plaine des Philistins et s’il s’empara de Gaza, d’Ascalon et d’A « caron, Jud., i, 18 (ce que la divergence du texte hébreu et des Septante rend douteux), l’occupation n’en fut que temporaire. Benjamin ne réussit pas davantage à débusquer les Jébuséens de la forteresse de Sion. Jud., i, 21. Il y avait d’ailleurs dans son territoire une autre enclave chananéenne, à savoir la confédération des quatre villes de Gabapn, Béroth, Cariathiarim et Caphira, qui s’étaient rendues à Josué à condition d’avoir la vie sauve. los., ix, 3^27. Manassé laissa subsister Bethsan, Thanac, Dor, Jéblaam et Mageddo avec leurs dépendances, c’est-à-dire les villes placées le long de l’importante route commerciale qui reliait l’Egypte et le pays des Philistins à la Mésopotamie et à l’Asie Mineure. Éphraïm épargna Gazer et Zabulon et se contenta de rendre tributaires Cétron et Naalôl. Jud., i, 27-30. Aser fraternisa avec les habitants d’Acre, de Sidon, d’Ahalab, d’Achazib, d’Helba, d’Aphec et de Rohob. Nephthali soumit Bethsamés et Béthanath, mais sans les exterminer. Enfin les Amorrhéens au sud échancraient l’héritage de Dan et se maintenaient sur le mont Harès, ainsi qu’à Aïalon et à Salébim. Cependant la maison de Joseph finit par les obliger à payer tribut. Jud., i, 31-36. Cernés de tous côtés par des populations païennes, les Hébreux avaient de plus au milieu d’eux une vingtaine de centres d’idolâtrie. Peu à peu ils réduisirent à l’obéissance ces dans indépendants, mais si l’unité politique y gagnait c’était aux dépens de l’orthodoxie, le contact journalier avec les infidèles étant plein de dangers. Plus souvent la fusion des races s’opérait par des mariages, et . quoique les Juifs, supérieurs en nombre et en crédit, finissent par absorber les Chananéens, ce ne fut pas sans prendre en grande partie leurs idées, leurs mœurs et leurs pratiques. « Les fils d’Israël habitèrent au milieu du Chananéen, de l’Héthéen, de l’Am6rrhéen, du Phérçzéen, de l’Hévéen et du Jébuséen ; ils épousèrent leurs filles, leur donnèrent leurs fils en mariage et adoptèrent leurs dieux. Ils oublièrent le Seigneur leur Dieu et servirent les Baals et les Astaroth. » Jud., iii, 5-7. — Un autre danger permanent était celui des fêtes, moitié religieuses moitié profanes, qui se célébraient sur les hauts-lieux. Les Juifs avaient leurs hauts-lieux où ils adoraient Jéhovah avant l’établissement du sanctuaire unique prévu par le Deutéronome, Xii, 4-28. Voir Hauts-Lieux, col. 449. Les infidèles ne faisaient aucune difficulté de prendre part à ces fêtes, et les Hébreux malgré la défense expresse de la Loi étaient tentés de les payer de retour. Ils perdaient ainsi peu à peu le sentiment de l’abime qui séparait leur culte de celui des nations voisines.

L’idolâtrie au temps des rois.

L’apostasie de Salomon

fut le fruit de son incondùite. Il aima des femmes étrangères, et non seulement il leur permit le libre exercice de leur culte, mais il bâtit des temples à leurs idoles et s’associa à leurs adorations : « Il rendit des honneurs à Astarthé, déesse des Sidoniens, et à Moloch, dieu des Ammonites. Il éleva un haut-lieu à Chamos, abomination de Moab, sur la montagne qui fait face à Jérusalem, et à Moloch, abomination des Ammonites.

II fit de même pour toutes ses femmes étrangères, aux dieux desquelles il sacrifiait et offrait de l’encens. s

III Reg., xi, 5-8, 33. Par une incurie difficile à comprendre, les édicules érigés par Salomon existaient encore au temps de Josias. IV Reg., xxiii, 13. H ne semble pas néanmoins que l’exemple du vieux roi ait influé beaurap sur la conduite de ses successeurs, et s’ils furent rarement justes et pieux, aucun d’eux, jusqu’à Athalie,

ne paraît avoir été idolâtre. — Dans le royaume du Nord la situation était pire. Par intérêt et par politique, Jéroboam avait établi deux grands centres religieux, placés aux deux extrémités de ses États, à Dan et à Béthel, pour empêcher ses sujets de fréquenter le temple de Jérusalem et de se mettre en contact avec la dynastie de Salomon. III Reg., xii, 26-33. Il y érigea un veau d’or, symbole de Jéhovah, contrairement à la Loi. Voir Veau d’or. Tous les successeurs de Jéroboam maintinrent ce culte idolâtrique ; aussi leur nom, dans l’Écriture, est-il accompagné de cette phrace : a II fit le mal devant le Seigneur et marcha dans la voie de Jéroboam et dans son péché, cause des péchés d’Israël. » III Reg., xv, 26 (Nadab) ; xv, 33 (Baasa) ; xvi, 19 (Zambri) ; xvi, 26 (Amri). Achab alla plus loin. Comme il avait épousé Jézabel, fille d’Ethbaal, roi de Sidon, il en adopta le culte et bâtit à Samarie un temple de Baal avec autel et’âsérâh. III Reg., xvi, 31-33. Son fils Ochozias le suivit dans son idolâtrie. III Reg., xxil, 53-54. Joram, frère puîné d’Ochozjas, proscrivit le culte de Baal, mais ce fut pour retomber dans les errements de Jéroboam et de ses premiers successeurs. IV Reg., iii, 2-3. Jéhu, après avoir détruit le temple de Baal, conserva les sanctuaires de Dan et de Béthel. IV Reg., x. 28-31. Ainsi firent ses Successeurs, Joachaz, IV Reg., xiii, 2 ; Joas, IV Reg., xiii, 12 ; Jéroboam II, IV Reg., xiv, 24 ; Zacharie, IV Reg., XV, 9, et les autres, jusqu’à la ruine de Samarie. En résumé, pas un seul roi d’Israël ne fut fidèle au culte légitime et exclusif de Jéhovah. — À Jérusalem il y eut quelques rois pieux : Joas, Amasias, Azarias, Joatham, surtout Asa, Josaphat, Ézéchias et Josias. Mais, soit impuissance, soit politique, la plupart tolérèrent le culte abusif des hauts-lieux ; Asa, II Par., xiv, 2-4, et Josaphat, II Par., xvii, 6, firent pour les supprimer une tentative qui ne réussit pas entièrement. Cf. III Reg., xv, 11-14 ; xxil, 44. La célèbre réforme d’Ézéchias, IV Reg., xviii, 3-6 ;

II Par., xxix-xxxi, fut neutralisée par la fureur impie de son fils et successeur, Manassès, Celle de Josias, IV Reg., xxii-xxiii ; II Par., xxxiv-xxxv, fut arrêtée par la mort prématurée du roi. D’ailleurs la mesure des iniquités était comble et rien ne pouvait plus sauver Juda de l’exil et de la dispersion.

L’idolâtrie et les prophètes.

Les plus redoutables

adversaires de l’idolâtrie furent les prophètes. À Béthel, lors de l’inauguration solennelle du veau d’or nous trouvons un prophète chargé de dénoncer à Jéroboam le courroux divin près d’éclater. III Reg., xiii, 1-32. La vie entière d’Élie et d’Elisée fut une lutte incessante contre l’idolâtrie. Ils ne s’élèvent point expressément ..contre le veau d’or, parce que, du temps d’Actiab et de Jézabel, c’était le culte de Baal qui était prédominant et qu’il fallait avant tout combattre. Béthel et Dan sont alors supplantés par les autels de Samarie ; le culte de Jéhovah est proscrit, ses prophètes sont voués à l’extermination, et c’est à peine si quelques-uns, comme Abdias, échappent à la mort en se réfugiant dans les cavernes.

III Reg., xviii, 4. C’est dans ces conditions qu’Élie et Elisée entrent en campagne contre les 450 prophètes de Baal et les 400 prophètes d’Astarthé, III Reg., xviii, 22-40. À peine découvrent-ils à leurs côtés sept mille hommes qui n’aient pas’.fléchi-le genou devant Baal. III Reg., xix, 10-18. — Sous les prophètes suivants, l’infiltration chananéenne continue à faire des ravages, et si le culte de Baal n’est plus la religion officielle, il est souvent associé au culte plus pu moins légitime de Jéhovah. Amos reproche à ses compatriotes de Judée d’avoir foulé aux pieds la loi du Seigneur et de s’être laissé séduire par les idoles, ii, 4 ; aux habitants du Nord il reproche sans ménagements leur idolâtrie, ii, 1, Cependant bien qu’il condamne les autels de Béthel, iii, 14, et les hauts-lieux de Galgala et de Bersabée, iv, 5, sa polémique est principalement dirigée contre les désordres publics, les violences, les rapines et l’incon-