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HEXAPLES

ou le sens ; il joignit aussi quelques leçons particulières, empruntées au P « ntateuque samaritain et à la version syriaque. Par là il frayait la voie aux Bibles polyglottes. De tout ce que nous venons de dire il est facile de voir qu’Origène avait plusieurs fins en vue.

VII. Le temps et le lieu.

On ne sait presque rien sur ce sujet. Eusèbe, H. £., vi, 16, t. xx, col. 553, 556, 557, ne nous donne aucune indication sur le temps et le lieu où furent composés les Hexaples. Les renseignements de saint Épiphane ne peuvent être admis. Ce Père, nous apprend que, durant la persécution de Dèce, après avoir beaucoup souflert. Origène alla à Césarée, de là à Jérusalem, et enfin à Tyr, qu’il demeura dans cette dernière ville 28 ans pendant lesquels il composa les Hexaples. De mens, et pond., 18, t. xliii, col. 268. Dèce devint empereur en 249 ; or Origène mourut vers 254 ; par conséquent il a pu vivre tout au plus trois ans après la persécution de Dèce. On conviendra que ce n’est pas suffisant pour exécuter les Hexaples. — L’hypothèse de Huet, Origeniana, iii, 4, t. xvii, col. 1263, n’est pas non plus admissible. Cette hypothèse repose sur le témoignage d’Eusèbe, H. E., vi, 17, t. xx, col. 560, comparé avec un récit de Palladius. Pour échapper aux vexations des païens, Origène se serait caché pendant deux ans à Césarée chez une vierge du nom de Julienne. Cette vierge, qui était très riche et qui de plus avait reçu en héritage une grande bibliothèque de Symmaque, aurait donné l’hospitalité à Origène entre 235 et 238. Origène aurait profité de ce temps et des ressources mises à sa disposition par la généreuse vierge, pour commencer les Hexaples. — Ce qu’il y a d’historiquement certain dans cette question, c’est qu’Origène avait élaboré les Hexaples au moment ou il écrivait la lettre à Africanus et composait ses commentaires sur saint Matthieu. En effet dans ces deux écrits il fait mention de son édition de l’Ancien Testament, ce qui ne peut s’entendre que des Hexaples ou des Tétraples. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas préciser davantage.

VIII. Signes critiques.

Les Hexaples sont en grande partie un travail de critique textuelle très minutieuse. Pour procéder avec ordre et en même temps pour mettre le lecteur en état de profiter de ces recherches critiques, Origène se servit de plusieurs sigles, qu’il emprunta pour la plupart aux grammairiens d’Alexandrie. Ceux-ci employaient ces sigles pour la critique des auteurs grecs profanes et notamment des écrits d’Homère. Les deux principales sigles employées par Origène sont l’astérisque et Vobèle. L’astérisque indiquait l’omission par les Septante d’unpassage qui se trouve dans le texte hébreu. La forme de l’astérisque était celle d’une étoile rayonnante, selon l’expression de saint Jérôme,

signa radiantia, -XLe passage omis par les Septante

était intercalé par Origène dans ses Hexaples entre un astérisque et deux points verticaux dans cette disposition :

X 1 :. Ainsi, par exemple, l’hébreu conclut le

ꝟ. 7 du chapitre r" de la Genèse par ces mots : p-wi. Les

Septante ont omis cette finale. Origène l’ajouta ainsi :

Xr * « 1 Ifivfzo oûtwç :. L’obèle, au contraire, servait à

désigner les passages ajoutés par les Septante, et qui ne se trouvaient pas dans l’hébreu. La forme de l’obèle était, paraît-il, diverse : —, -7-, -7-, r-,-r-, ~. Cependant la forme la plus usuelle était-r-. Le passage ajouté par les Septante était intercalé entre une obèle et deux

points, dans la disposition que voici : -7- T Par

exemple, Genèse, 1, 8, après O’ntf et avant a-w-mn, les

Septante ont ajouté la formule : xat eTScv ô Ôeoç Su xaXtfv, qui manque dans l’hébreu. Origène dans ses Hexaples

transcrit ainsi cette addition : — xa eTBsv 4 6eô ; 8 « 

x « X6v :. Comme sigles secondaires, certains auteurs

avaient parlé de Umnisques et d’hypolemnisques. Les critiques et les paléographes modernes ont rejeté ces sigles. En effet, Origène et saint Jérôme n’en font aucune mention ; de plus, dans les Hexaplaires grecs, en dehors de l’astérisque et de l’obèle, on ne trouve aucun autre signe ; enfin, on n’a jamais pu fixer la signification de ces signes. On doit donc conclure que ces noms de lemnisques et d’hypolemnisques ne désignaient

que deux formes spéciales de l’obèle, — et —, qui sont

employées indifféremment dans la version syro-hexa plaire.

IX. Valeur des Hexaples.

Les Hexaples, a dit avec raison M » r Freppel, sont « la plus grande œuvre de patience qui ait jamais été accomplie par un homme ». Origène, 2 vol. in-8°, Paris, 1868, t. 11, leçon xxiv, p. 25. Les Hexaples étaient, en effet, une œuvre colossale, sans pareille dans l’antiquité profane ou ecclésiastique. Notre admiration redouble en face de cette œuvre, lorsque nous apprenons par des témoignages historiques toutes les peines que dut s’imposer Origène pour la mener à bonne fin.

X. Destinée des Hexaples.

En 232, Origène, chassé d’Alexandrie, se retira à Césarée en Palestine où il demeura jusqu’à sa mort. Nous ignorons l’endroit où furent déposés pendant ce temps les exemplaires autographes des Hexaples. Quoi qu’il en soit, après cinquante ans, on les trouva dans la bibliothèque de Césarée formée par le martyr Pamphile. S. Jérôme, De vir. illustr., c. iii, t. xxiii, col. 613. Restèrent-ils cachés dans la bibliothèque de Césarée depuis la mort d’Origène, ou bien y furent-ils transportés de Tyr, où Origène finit ses jours, nous n’en savons rien. C’est là que saint Jérôme consulta les Hexaples, comme il nous l’apprend lui-même. Voir suprà V. La bibliothèque de Césarée subsista jusqu’au vie siècle ; nous le savons par la souscription du Codex Coislin, 202, des Ëpîtres de saint Paul, qui n’est pas certainement postérieur au via siècle. Montfaucôn, Præliminaria, t. i, p. 76 ; Tischendorf, Novum Testàmentum, 1859, p. clxxxix. Après l’an 600, sans que nous puissions déterminer ni l’année ni la cause de ce malheur, disparaît la bibliothèque de Césarée et avec elle les Hexaples d’Origène. Il n’est pas facile de faire concorder avec l’histoire l’opinion de Montfaucôn, suivant laquelle la bibliothèque de Césarée aurait été détruite lorsque la ville fut prise par les Perses sous Chbsroès II, ou quelque temps plus tard, lorsque les Arabes ravagèrent la Palestine. Quelques écrivains ecclésiastiques avaient consulté et transcrit les Hexaples. C’est grâce à eux que quelques débris de ce précieux trésor échappèrent au ravage et sont parvenus jusqu’à nous. — Quant à la multiplication et à la diffusion des Hexaples, il n’est nullement téméraire de dire qu’on n’en transcrivit aucun exemplaire en entier, ou du moins très peu. Cf. Montfaucôn, Prselim., t. 1, p. 73. Tout pourtant ne fut pas perdu. Les deux maîtres de Césarée nous ont laissé une faible compensation. Pamphile et Eusèbe eurent l’heureuse idée de propager séparément la colonne hexaplaire des Septante, notée d’astérisques et d’obèles. Cette édition fut accueillie avec la plus grande faveur et devint d’un usage commun, du moins en Palestine. C’est saint Jérôme qui nous l’assure. Adv. Ruf., 27, t. xxiii, f col. 451. L’exemplaire d’Eusèbe est mentionné çà et là I dans les scolies. Une seule fois, chez Procope, Cat.’Niceph., Leipfcig, 1772-1773, 1. 1, p. 406, il est mentionné 1 sous la dénomination d’« exemplaire palestinien ». Pour pourvoir aux nécessités de tant d’Églises, Césarée devint un foyer de lumière, ou plutôt comme un vaste atelier de calligraphes où, sous la direction de Pamphile

et d’Eusèbe, on transcrivait continuellement, pour les ré-