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HEXAPLES

Ο΄.’Α, Θ. Σ. — Nous donnons d’après Field un spécimen des quatre principales dispositions (col. 691). Ce tableau est destiné à donner une idée sensible et non une idée exacte du travail d’Origène ; car, au fond, il ne répond pas à la réalité. Dans les Hexaples d’Origène les versions étaient disposées de telle façon qu’elles se correspondaient mot par mot dans les différentes colonnes. Le fac-simile du Codex Barberini, Ose., xi, 1 (col. 694), et celui du Ps. xlv, 1-4, l’un des fragments découverts par M. l’abbé Mercati à la Bibliothèque ambrosienne de Milan, que nous ajoutons ici, donnent une idée exacte de la disposition véritable.

[Image à insérer] T. HEBRÆUS litieris græcis F expressus, AQUILA. SYMMACHUS. ff.68/, 75. Aapavagentrôr νικοποιῶε ἐπινέκιοσ

III. Spécimen des Hexaples du Ps. XLV, 1-4, | d’après E. KLOSTERMANN : Die mailänder Fragmente der Hexapla, dans la Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft, 1896, p. 336-337.

Quelles sont les raisons qui portèrent Origène à adopter cette disposition ? On ne sait rien de certain sur ce point. Évidemment ce ne sont pas des raisons chronologiques, car les Septante sont la plus ancienne des versions grecques, et cependant ils sont placés après Aquila et Symmaque ; d’autre part il n’est pas certain que Symmaque soit antérieur à Théodotion, quoiqu’il soit placé avant lui. Saint Épiphane affirme qu’Origène plaça dans la colonne du milieu, la place d’honneur, les Septante, comme étant la version la plus soignée, ἔκδοσιν ἀκριθῆ, afin de convaincre plus facilement d’inexactitude les autres versions grecques placées de chaque côté. De mens. et pond., 19, t. xliii, col. 269. — Cette raison est purement arbitraire et contraire au but d’Origène, comme nous le verrous plus loin. — D’autres auteurs ont donné d’autres raisons. On a dit par exemple qu’Aquila, entre les trois traducteurs, obtint la première place, soit à cause de son âge, soit parce que sa version se rapproche davantage du texte hébreu. Rien d’impossible en cela. De même il est assez raisonnable que Théodotion ait été placé immédiatement après les Septante, car il se proposait de les imiter. — Mais pourquoi Origène plaça-t-il les Septante et Théodotion après Aquila et Symmaque ? On ne le saura probablenent jamais.

VI. But d’Origène dans la composition des Hexaples.

En entreprenant cet immense travail, Origène se proposa surtout un double but :

1o  Donner un texte correct des Septante, dont les exemplaires avaient été altérés et présentaient de nombreuses variantes, soit par la faute des interprètes qui, selon leurs idées et leurs conceptions, s’étaient permis de faire des additions ou des suppressions, et même quelquefois d’obscurcir le sens par de fausses interprétations, soit, ce qui est inévitable dans la transcription des manuscrits, par la faute des copistes. Origène lui-même a reconnu : ces causes de corruption du texte, au moins pour ce qui regarde les quatre Évangiles. Voir Comment. in Matth., tomus xv, t. x, col. 1293. Il se propose par conséquent de corriger le texte. Il le dit ouvertement, ibid., pour l’Ancien Testament. —

2o  Corriger le texte authentique des Septante eux-mêmes et le rendre plus conforme au texte hébreu ; il voulut donc montrer en quoi les Septante s’accordent, en quoi ils différent de l’hébreu, Saint Jérôme, Præf. in heb. quæst. in Gen., t. xxiii, col. 937, fait ici une supposition ; il affirme que les Septante eux-mêmes ne traduisirent pas correctement, de propos délibéré, certains textes messianiques, notamment ceux qui annonçaient la venue du Fils de Dieu, pour ne pas choquer Ptolémée, platonicien convaincu, et par conséquent adorateur d’un seul et unique Dieu. Il semble surtout faire allusion à la prophétie d’Isaïe, ix, 5, au sujet de laquelle il existe une grande différence entre l’hébreu et les Septante. Dans ce cas Origène aurait voulu rectifier. Mais cette supposition de saint Jérôme n’est pas fondée ; car les différences entre l’hébreu et les Septante sont trop nombreuses et dépassent de beaucoup les passages messianiques. Il faut donc attribuer à Origène des vues plus hautes, et n’être pas exclusif. En corrigeant les Septante il fut d’abord mû par son grand amour pour les Saintes Écritures ; il dut donc songer à restituer la parole de Dieu dans sa pureté primitive ; ensuite il voulut couper court aux fins de non-recevoir alléguées par les Juifs et fournir en même temps des armes aux défenseurs du christianisme. Lorsque les chrétiens dans leurs discussions contre les Juifs alléguaient un texte des Septante : qui les condamnait, les Juifs répondaient que la traduction n’était pas exacte. Origène entreprit donc ce travail de parallélisme afin de permettre aux chrétiens de se rendre compte, par une vue d’ensemble, des endroits où le texte des Septante s’accorde avec l’hébreu et des endroits où il en diffère. Ce but était à la fois pratique et polémique. Aussi ne s’épargna-t-il aucune peine pour donner à son œuvre toute la perfection possible. Il commença par apprendre la langue hébraïque. S. Jérôme, De wir, illustr., c. liv, t. xxiii, col. 665. Ce fut donc pour perfectionner son œuvre qu’il employa les autres versions grecques. Il alla même plus loin, et, toujours dans le même but, il ajouta des notes marginales destinées à expliquer les noms propres hébreux