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HERMÉNEUTIQUE


44. Les lexiques et les dictionnaires donnent, mais pas toujours exactement, le sens des mots. Il faudra tenir compte en particulier des idiotismes des textes originaux. Voir Tirin, Explicatio idiotismorum seu proprietatum linguæ hebraicse et grsecss, dans.Comment, in sac. Script., in-f°, Lyon, J736, t. i, p. 59-64 ; Vorstius, De hebraismis N. T. comment., in-8°, Leipzig, 1778 ; Schilling, Commentarius exegetico-philologicus in hebraismos N. T., in-8°, Malines, 1886. La lecture fréquente de l’Écriture accoutume l’esprit à ces particularités du style biblique. Pour saisir le véritable sens des mots, il est nécessaire de connaître le génie de la langue. Il faut se rappeler constamment que la Bible est un produit littéraire de l’Orient et que les langues orientales, surtout les langues sémitiques auxquelles appartient l’hébreu, ont une richesse d’images originales, pittoresques, très frappantes de vivacité et d’expression, d’une hardiesse étonnante et d’une énergie parfois étrange. L’exégète saura reconnaître des métaphores, partout où il les rencontrera, surtout dans les écrits poétiques, et il n’expliquera pas tous les textes au sens littéral propre. Il n’imitera pas les manichéens qui, prenant à la lettre la parole : Ego $um lux mundi, Joa., viii, 12, soutenaient que Jésus-Christ était le soleil, S. Augustin, Tract, xxxiv in Joa., 2, t. xxxv, col. 1652, ni ces moines égyptiens qui, pour pratiquer le précepte de Notre-Seigneur : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il porte sa croix, » Matth., xvi, 24, portaient sur leurs épaules de petites croix de bois. Cassien, Collât, viii, 3, t. xlix, col. 726727. Par un excès opposé, il ne verra pas des métaphores là où il n’y en a pas. Les paroles de l’Écriture doivent se prendre ordinairement dans le sens propre. L’exégète obéira donc à la règle sagement posée par saint Augustin, De Genesi ad litter., viii, 7, n. 13, t. xxxiv, col. 378, de ne s’écarter nullement du sens littéral et obvie, si quelque raison ne défend de s’y arrêter ou si quelque nécessité n’oblige à l’abandonner, « règle d’autant plus utile à garder fermement, ajoute Léon XIII, Encyclique Providentissimus Deus, t. i, p. xxiii, qu’à notre époque où l’on est si désireux de nouveauté, où la licence des opinions est si grande, le péril est plus imminent de s’égarer. » Il n’adoptera le sens métaphorique que lorsque la nature du sujet l’exigera et que la métaphore sera justifiée par les usages de la langue originale. Ainsi, l’interprétation figurée que les protestants ont donnée aux paroles de la consécration du pain et du vin à la dernière cène, est contraire au génie de la langue hébraïque. Wiseman, Dissertations sur la présence réelle, dans Migne, Démonstrations évangéliques, t. XV, col. 1185, 1189. Les, règles pratiques, tracées par saint Augustin, De doctrina Christiana, iii, 15-16, t. xxxiv, col. 74, pour discerner les locutions propres des passages métaphoriques, s’appliquent à un certain nombre de cas. Tant que le sens littéral propre n’est pas contraire au règne de la charité, dit ce saint docteur, il n’y a pas lieu de recourir à la métaphore. Un précepte qui ordonne une action bonne ou utile, ou qui défend un acte criminel ou dommageable, doit être pris à la lettre ; à l’inverse, s’il commandait le mal ou interdisait le bien, il devrait être interprété métaphoriquement.

S’règle, : Dans l’interprétation du texte sacré, l’exégète doit considérer le contexte grammatical et logique, c’est-à-dire l’enchaînement des idées et des propositions. — Les phrases bibliques, sauf dans les livres sapientiaux, ne sont pas des sentences isolées ; elles forment un tout, une sorte de trame dans laquelle elles se lient, se rattachent l’une à l’autre, dépendent l’une de l’autre et se complètent pour la période et pour le sens. Afin de saisir la pensée des écrivains sacrés, dans toute sa teneur, l’interprète doit suivre" le lien grammatical qui relie les propositions et le lien logique qui unit les idées. Les Pères avaient déjà recommandé cette règle. S. Hilaire, De Trinitate, ix, 2, t. x, col. 282 ;

S. Jérôme, In Matth., xxv, 13, t. xxvi, col. 186 ; S. Augustin, Sermo ii, 13, t. xxxviii, col. 332 ; S. Chrysostome, Hom. in Jerem., x, 23, t. lvi, col. 156. Le contexte grammatical concerne les propositions ; leur construction se détermine d’après les règles ordinaires de la syntaxe et leur dépendance, au moyen des particules qui les relient. Mais il ne faut pas oublier que la construction de toutes les phrases n’est pas parfaite et qu’on rencontre dans la Bible des irrégularités, des anacoluthes, des ellipses, qui rompent la trame grammaticale. Toutefois, les phrases sont généralement simples, juxtaposées plutôt que coordonnées ; on ne trouve guère, sinon dans les Épitres, de constructions rares, de périodes compliquées. La simplicité des règles de la syntaxe hébraïque et la rareté des particules facilitent l’intelligence des Livres Saints. Dans les écrits poétiques, le parallélisme servira à saisir la signification de beaucoup de passages obscurs et difficiles. Le contexte logique est l’enchaînement des pensées. Il est prochain ou éloigné. Le contexte prochain rattache les idées qui se suivent immédiatement. Aucun écrivain, s’il est sain d’esprit, n’exprime ses pensées d’une façon incohérente, sans lien et sans rapport. Il groupe ses idées, les coordonne et les énonce dans l’ordre suivant lequel son intelligence les conçoit et les relie. Les écrivains sacrés ont écrit d’après les règles de la logique naturelle et du bon sens ; ils savaient ce qu’ils disaient, l’inspiration ne leur ravissant pas le libre exercice de leurs facultés rationnelles. A la lumière du contexte prochain, l’exégète expliquera facilement les ambiguïtés apparentes d’une phrase, d’un passage, d’un discours. Il ne devra pas toutefois exagérer le degré d’enchaînement qui existe entre plusieurs propositions pour donner au contexte plus d’importance qu’il n’en a réellement. Le contexte éloigné relie une série de propositions et les diverses parties d’un morceau ou d’un livre. Un écrivain sérieux ne se contredit pas d’une page à l’autre, dans les divers chapitres d’un même livre. L’accord des idées fera disparaître certaines contradictions apparentes d’un même écrit. Parfois cependant, les écrivains sacrés, aussi bien que les profanes, rapprochent et assemblent des idées au premier abord disparates, parce que leur esprit découvre entre elles quelque analogie, ou parce qu’elles reviennent simultanément à leur mémoire. Il faut tenir compte de ce rapprochement pour expliquer certaines liaisons ou de brusques transitions, si fréquentes chez les prophètes. Ceux-ci ont vu parfois, en effet, plusieurs événements, distants les uns des autres, sur le même plan et pour ainsi dire sous le même rayon visuel. Ils les ont annoncés en les mélangeant plus ou moins intimement ou’en les juxtaposant comme si aucun intervalle de temps ne les séparait. On doit se souvenir de ce fait pour comprendre et expliquer ces tableaux sans perspective, la prédiction réunissant des faits distincts vus dans la même vision.

3e règle : L’exégète doit considérer les circonstances de la composition du livre qu’il a à expliquer.

— Les Pères en faisaient déjà la recommandation expresse. S. Augustin, De doct. Christ., iii, 4, n. 8, t. xxxiv, col. 68 ; S. Chrysostome, In Jerem., x, 23, t. lvi, col. 156 ; In Joan. hom. XL, 1, t. lix, col. 229 ; S. Jérôme, In epist. ad Ephes., præf., t. xxvi, col. 470472. Les circonstances influent, en effet, sur la rédaction du livre et, bien connues, elles peuvent servir à pénétrer dans la pensée de l’écrivain. On les a ramenées à sept qui sont indiquées dans ce distique latin :

Quis, scopus, impellens, sedes, tempusque locusque . Et modus : hscc scptem Scripturæ attendito, lector.

L’auteur.

n est important de connaître sa biographie,

ses qualités, son instruction, son caractère, son génie, son âge, son langage, son style, ses pensées habituelles, ses préjugés même, son état d’âme et ses dis-