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HELLENISTE


(quelques manuscrits ont EainJ’âxi’)) et le syriaque Samsonos. Ce doit être Samsoun, appelé aussi Amisus, à l’est de Sinope, sur la côte septentrionale de l’Asie Mineure. Ainsi se trouve vérifié le dire de Philon, d’après lequel les Juifs avaient pénétré jusque dans les coins les plus retirés du Pont. Leg. ad Caium, t. ii, p. 587. On voit que dès cette époque relativement ancienne les enfants d’Israël avaient déjà envahi tout le monde civilisé. Cf. Orac. Sibyll., 111, 271. Strabon atteste que, du temps de Sjlla (vers 85 avant J.-C), il n’était pas facile de trouver un endroit du monde où la nation juive ne se fût établie. Dans Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2. Cf. Bell, jud., II, xvi, 4 ; VII, iii, 3.

Les Juifs s’étaient portés de préférence vers la Syrie et les cités helléniques de l’Asie Mineure. À l’exemple d’Alexandre et des Ptolémées, les rois de Syrie aimaient à mêler, pour les mieux fondre ensemble, les peuples soumis à leur domination. C’est ainsi qu’Antiochus le Grand transplanta en Phrygie et en Lydie deux mille familles juives de Mésopotamie. Josèphe, Ant. jud., XII, m, 3. Pour peupler leur grande capitale, Antioche, ils y offraient volontiers asile aux étrangers. Les Juifs furent les premiers à en profiter : c’était, au témoignage de Josèphe, la ville de Syrie où ils résidaient en plus grand nombre, Bell, jud., VII, iii, 3. Cependant Damas en comptait 10000, Bell., II, xx, 2, ou, selon une autre donnée, 18000, Bell., VII, viii, 7, lorsque éclata la guerre de l’indépendance. L’Asie Mineure n’était guère moins bien partagée. Vers 346, Aristote y avait rencontré un Juif helléniste de langue et d’àme, d’après Josèphe, Cont. Apion., i, 22, se référant à Cléarque, disciple d’Aristote. Si les Juifs émigrés adoptaient peu à peu la langue et prenaient l’esprit de la population ambiante, ils n’oubliaient pas pour cela leurs devoirs envers le temple et la mère patrie. Ils devenaient hellénistes au dehors et même à la surface de l’Ame, mais au fond ils restaient Juifs, c’est-à-dire attachés invinciblement au culte de leurs ancêtres et à leur nationalité. Ils payaient toujours la capitation due au temple pour les frais du culte. Cicéron, Pro Flacco, 28, en 62 ou 61 avant J.-C. dans un éloquent plaidoyer, eut à justifier Flaccus qui avait trouvé commode de confisquer ce tribut volontaire : à Apamée cent livres pesant d’or, à Laodicée vingt, à Adramyttion et à Pergame une somme moindre. Pour une date un peu plus récente, Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 1-26, nous fournit de précieux renseignements sur la condition du judaïsme dans un certain nombre de villes de l’Asie Mineure. À Pergame, les pouvoirs publics assurent les Juifs de leur bienveillance, se fondant sur d’anciennes relations amicales entre les deux peuples. A Sardes, sur l’invitation d’Antoine (50 avant J.-C), on leur accorde une sorte d’autonomie et le libre exercice de leur religion. À Ephèse, où ils avaient depuis longtemps droit de cité, Josèphe, Cont. Apion., ii, 4, le consul Lentulus les dispense du service militaire (en 49) ; Dolabellà (en 43) et Junius Brutus (en 42) renouvellent ce privilège et y ajoutent celui d’une entière liberté religieuse. Tralles, Milet et Halicarnasse avaient accordé aux Juifs la même faveur, sur le désir ou l’ordre de Jules César. Voir aussi, pour le temps d’Auguste, Josèphe, Ant., XVI, vi, 2. On a trouvé à Phocée, à Magnésie du Sipyle ; à Smyrne, à Hypoepa au sud de Sardes, à Hiérapolis, en plusieurs endroits de l’ancienne province du Pont, en Bithynie, en Crimée et ailleurs, cf. Corpus inscriptionum hébraicarum, Saint-Pétersbourg, 1882, des inscriptions funéraires ou autres faites par des Juifs ou concernant des Juifs. Mais comme elles sont sans date, il se peut qu’elles soient postérieures à la destruction de Jérusalem. Pour la Grèce nous avons mieux que des inscriptions de date incertaine, nous avons le témoignage formel de Philon, Légat, ad Caium, 36, t. ii, p. 587, qui affirme l’existence des Juifs en Thessalie, en Béotie, en Macédoine, en Étolie, dans PAttique, à Argos, à Corinthe,

enfin dans la plupart des villes du Péloponèse. Saint Paul, dans sa seconde tournée apostolique, rencontre des Juifs en grand nombre à Philippes, à Thessalonique, à Bérée, à Athènes, à Corinthe. Act., xvi, 2-3 ; xvii, 1, 10, 17 ; xviii, 4, " 7. Ils étaient à Sparte et à Sicyone dès le temps des Machabées. I Mach., xv, 23. Quant aux îles, Philon, loc. cit., nomme l’Eubée, Chypre et la Crète. Josèphe mentionne en outre Paros, Ant. jud., XIV, x, 8, et Mélos. Ant., XVII, xii, 1.

Les relations diplomatiques des Juifs avec Rome remontent aux Machabées. I Mach., viii, 17-32 ; xil, 14 ; xiv, 24 ; xv, 15-24. D’après Valère Maxime, I, iii, 2, ils auraient été expulsés par le préteur Hispalus ou Hippalus pour cause de. propagande religieuse. Ce fait arrivé l’an 139 avant J.-C. se rapporterait à l’ambassade envoyée par Simon. Mais les Juifs ne devinrent nombreux à Rome qu’après la prise de Jérusalem par Pompée en 63. Les affranchis, qui pouvaient payer le prix de leur liberté ou que leurs maîtres renvoyaient libres, allaient au delà du Tibre grossir le noyau juif qui s’y trouvait déjà. Philon, Leg. ad Caium, t. ii, p. 568. À la mort de César, ils se signalèrent. par l’expression bruyante de leur deuil. Suétone, Csesar, 84. L’an 4 avant J.-C. plus de 8000 d’entre eux se joignirent à l’ambassade juive envoyée contre Archelaùs. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 1 ; Bell., II, vi, 1. Lorsque, vingt-trois ans plus tard, ils furent chassés de Rome par Tibère, on en dirigea 4000 sur la Sardaigne pour y combattre les brigands. Tacite, Ann., ii, 85 ; Josèphe, Ant. jud., ’XVUI, m, 5 ; cf. Suétone, Tiber., 36. Ils ne restèrent pas longtemps éloignés de Rome. Ils y étaient plus nombreux que jamais sous Caligula et sous Claude qui les bannit de nouveau, Act., xviii, 2 ; cf. Suétone, Claud., 25, ou peut-être les contraignit moralement de quitter la ville en leur interdisant le libre exercice de leur religion. Dion Cassius, lx, 6. Quelle qu’en fût la teneur, redit fut bientôt rapporté ou ne reçut qu’une application restreinte et passagère. Sous Néron, Rome fourmillait de Juifs. — Voir Friedlànder, Dos Judenthum in der vorchristlichen griechischen Welt, Vienne, 1897 ; Id., De Judxorum coloniis, Kônigsberg, 1876 ; Pressel, Die Zerstreuung des Yolkes Israël, 1889 ; de Champagny, Borne et la Judée au temps de la chute de Néron, Paris, 1865, t. i, p. 107-154 ; Cless, De coloniis Judmorum in Mgyptum terrasque cum Mgypto conjunctas post Mosen deductis, Stuttgart, 1832 ; Remond, Versuch einer Geschichte der Ausbreitung des Judenthums von Cyrus bis auf den gànzlichen Untergang des Jûdischen Staats, Leipzig, 1789 ; Herzfeld, Handelsgeschichte der Juden des Alterthums, 1879 ; Huidekoper, Judaism at Borne, New-York, 1876 ; Hudson, History of the Jevis in Borne, 2e édit., Londres, 1884.

II. Les Juifs hellénistes dans le Nouveau Testament.

— Les Grecs appelaient barbares tous les peuples étrangers à leur race, Rom., i, 14 ; les Juifs qualifiaient de Grecs tous ceux qui n’étaient pas du sang d’Israël. De là cette expression très fréquente : les Juifs et les Grecs, pour désigner l’humanité entière au point de vue juif. Mais quand les Juifs palestiniens voulaient se distinguer de leurs coreligionnaires de la Diaspora, qui parlaient grec, ils les nommaient Hellénistes et se réservaient à eux-mêmes le titre d’Hébreux. Act., VI, 1. On comprend que dans la ville sainte ces Hellénistes qui, ayant longtemps vécu à l’étranger en avaient pris les habitudes et en parlaient la langue, fussent l’objet d’un certain mépris de la part des Hébreux de vieille roche. Ceux-ci devaient les considérer comme des frères dégénérés, s’ils les reconnaissaient pour frères, tout au moins les rangeaient-ils dans une catégorie inférieure. Peut-être ailleurs, dans les colonies grecques où ils étaient chez eux, les Hellénistes prenaient-ils leur revanche ; mais à Jérusalem, les Hébreux étaient l’aristocratie. Il est assez vraisemblable que, même dans l, jl 6’ise primitive, on