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HÉBREUX (ÉPTTRE AUX)


d’abord ceux qui ont pour eux la tradition ancienne. — i. Saint Paul a pour lui Pantène, Clément d’Alexandrie, Origène, avec les réserves que l’on sait, les docteurs de l’Orient au ive et au ve siècle, ceux d’Occident depuis le ve siècle, les conciles, qui ont suivi ceux de Laodicée et de Cartnage, où l’on compte quatorze Épîtres de Paul, actuellement la majorité des critiques catholiques et un certain nombre de critiques protestants, Meyer, Paulus, Olshausen, Biesenthal, Wordsworth, Stuart, la plupart avec la réserve que Paul a fourni les pensées, mais que le style et la facture de l’Épitre sont d’un disciple de Paul. Ce que nous avons dit précédemment prouve que si l’auteur n’est pas saint Paul lui-même, c’est du moins un de ses disciples, qui connaissait bien ses doctrines et qui les a reproduites, tout en les présentant sous une forme à lui spéciale. — 2. Saint Barnabe a pour lui l’affirmation formelle de Tertullien et probablement la tradition occidentale primitive, tout au moins en Afrique ; le témoignage probable du Codex Claromonlanus et de la Xe homélie d’Origène, quelques critiques catholiques (Maïer), des critiques protestants de valeur (Ritschl, Weiss, Keil, Zahn, Harnack, Salmon). Il a surtout en sa laveur presque toutes les caractéristiques, qui doivent distinguer l’auteur de l’épître aux Hébreux. Il était de la seconde génération apostolique ; il a été longtemps le compagnon de saint Paul, il connaissait les doctrines de l’Apôtre, et les partageait, tout en conservant cependant une certaine tendance à favoriser les Juifs. Il connaissait certainement les premiers écrits chrétiens et possédait la tradition orale, qui formait le fond de la première prédication chrétienne. Il avait des rapports tout à la fois de familiarité et de supériorité avec Timothée. Il était lévite et, par conséquent, connaissait bien le culte mosaïque pour l’avoir pratiqué. Il était natif de Chypre, île dont le grec était la langue nationale. Il a pu cependant connaître les écoles d’Alexandrie, peut-être même y être élevé, étant donné les fréquents rapports entre Chypre et l’Egypte. Enfin, il était très connu à Jérusalem et très populaire à cause dé sa générosité. Saint Luc dit de lui, xi, 24, qu’il fut un homme bon, plein du Saint-Esprit et de foi. On fait observer qu’il existe une autre lettre qui porte le nom de Barnabe et qui, malgré des ressemblances superficielles, est écrite dans un esprit tellement différent que le même auteur n’a pas pu écrire les deux lettres. Cette objection n’a aucune valeur, car Hefele, Patres apostolici, p. xi-xiv, a démontré que Barnabe n’a pas pu écrire l’Épitre qui porte son nom, et l’on s’accorde aujourd’hui à l’attribuer à un chrétien d’Alexandrie, vivant vers l’an 130-140 après Jésus-Christ. Barnabe, ajoutet-on, n’a pu se dire instruit par ceux qui ont entendu le Seigneur, puisque, d’après la tradition, il était un des 72 disciples. Cette objection est forte mais n’est pas insoluble. Il a pu dans le passage cité s’identifier avec ses lecteurs, par simple manière de parler. — 3. Saint Luc. Clément d’Alexandrie et d’autres, d’après une parole d’Origène, rapportée par Eusèbe, disent que l’Épitre aux Hébreux a été en réalité l’œuvre de Luc, qui l’avait traduite et publiée en grec ; des critiques catholiques, Hug, Dôllinger, Zill ; des protestants, Stier, Ébrard, Delitzsch, croient que saint Luc l’a écrite, sous la direction de saint Paul. Déjà Clément d’Alexandrie avait reconnu les ressemblances de langue qui existent entre l’épître aux Hébreux et les écrits de Luc ; elles sont indéniables, Westcott a relevé un certain nombre de mots, 19, très particuliers, qui sont communs à ces deux écrits et ne se retrouvent pas ailleurs. Seulement, c’est là le seul point qui peut suggérer le nom de Luc ; il a contre lui la plupart des caractéristiques signalées plus haut. Saint Luc, en particulier, n’a rien de juif ou d’alexandrin. — 4. Saint Clément Romain. Au dire d’Origène, dans Eusèbe, H. E., VI, 25, t. XX, col. 584, quelques-uns attribuaient l’Épitre aux Hébreux à Clément, évêque de Rome.

D1CT. DE LA BIBLE.

Eusèbe, H. E., iii, 38, t. xx, col. 293, dit que le style de l’Épitre aux Hébreux et celui de Clément sont semblables et que les pensées ne sont pas très différentes ; Théodoret, In Hébr. arguni., t. lxxxii, col. 677 ; Euthalius, In Bébr. arg., t. lxxxv, col. 776 ; saint Jérôme, De vir. M., 5 et 15, t. xxxiii, col. 650, 663, professent la même opinion. Les critiques catholiques, Reithmayr, de Valroger, Bisping, Kaulen, Cornely, croient que Clément Romain a écrit cette lettre sous la direction de saint Paul. Il y a certainement des analogies nombreuses entre l’Épitre de Clément aux Corinthiens et l’Épitre aux Hébreux, par suite d’emprunts de la première à la deuxième, mais si l’on retranche ces passages empruntés, on constatera que la langue de la première a loin d’avoir la pureté de la seconde et qu’elle ne porte pas non plus la marque de l’originalité et de l’habileté de l’Épitre aux Hébreux. On ne voit pas d’ailleurs pourquoi Clément aurait écrit aux Juifs de Jérusalem. Il faudrait admettre que la lettre était destinée aux Juifs de Rome. — Quant aux autres auteurs qu’on a suggérés : Silas, Apollos, un Juif alexandrin inconnu, nous jugeons inutile de discuter leurs titres, vu qu’ils sont tout hypothétiques. Signalons seulement les tenants de chacun. Pour Silas, Godet ; pour Apollos, Luther, Bleek, Lunemann, de Pressensé, Hilgenfeld, Scholten, Reuss, Pfleiderer et le catholique Feilmoser ; pour un Juif alexandrin, Seyffarth, Ewald, Hausrath, Lipsius, von Soden, Holtzmann, Ménégoz, Jûlicher, Rendall, Westcott, Davidson. — Harnack a émis tout récemment l’hypothèse que peut-être l’auteur de l’Épitre aux Hébreux serait Priscille et Aquila, mais surtout Priscille aurait tenu la plume. Zeitschrift fur neutest. Wiss., 1900, p. 32-41. Les preuves de cette hypothèse étant plutôt des indices, il est difficile de les exposer et de les discuter.

yi. Canonicité. — Quel que soit l’auteur de l’Épitre aux Hébreux, il est certain que cet écrit a. été tenu pour sacré dès les premiers temps du christianisme. Pour l’Église de Rome nous en avons la preuve par l’usage qu’en a fait saint Clément Romain, et pour l’Église d’Alexandrie le témoignage que lui ont rendu Clément d’Alexandrie, Origène et les autres tPères orientaux déjà cités plus haut. En 363, nous trouvons mentionnée l’Épitre aux Hébreux dans le catalogue du concile de Laodicée. En Occident, si nous en exceptons le témoignage de Tertullien, il n’en est plus question avant le milieu du ive siècle, et c’est au m concile de Carthage, en 379, que nous la voyons pour la première fois rangée parmi les écrits canoniques. De ce fait, nous ne conclurons pas que cette Épitre était rejetée du canon, mais seulement qu’elle n’était pas lue publiquement dans les Églises d’Occident. Philastre de Brescia, Rxr., 89, t. xii, col. 1201, nous avertit qu’on ne la lisait pas, parce que les Novatiens auraient pu y trouver quelques passages favorables à leur hérésie, par exemple, Heb., ꝟ. 4-8. En tout cas la lettre d’Innocent I er à Exupère de Toulouse, en 405, prouve qu’au commencement du Ve siècle on n’hésitait pas à Rome sur la canonicité de l’Épître aux Hébreux. Depuis lors on a pu émettre des doutes sur son authenticité paulinienne, mais aucun sur sa canonicité.

Vil. Texte de l’Épitre. — Six manuscrits onciaux, &AD 2 K 2 L 2 *, contiennent l’Épitre dans son entier, six : B C H s Me Ne en partie seulement. On la trouve dans trois cents cursifs en tout ou en partie, ainsi que dans les lectionnaires. Pour le détail, voir Tischendorf, Novum Testamentum græce, Prolegomena, t. iii, auctore C. Gregory, p. 418-435, 653-675, 778-791. Elle était dans la vieille version latine, dans la Yulgate, dans les versions syriaques, Peschito et Harkléenne, dans les versions égyptiennes, sahidique et bohaïrique. Les manuscrits présentent un certain nombre de variantes. Parmi les plus remarquables nous citerons : I, 2, 8 ; II, 9 ; iv, 2 ; vi, 2, 3 ; ix, 11 ; x, 1, 34 ; xi, 4, 13, 35 ; mi, 7,

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