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HÉBREUX (ÉPITRE AUX)


Hébreux en langue hébraïque, et que Luc l’avait traduite. C’était une conjecture critique et non une tradition ; la preuve, c’est qu’Origène proposa une autre solution du problème. Eusèbe, H. E., iii, 38, t. xx, col. 293, dit aussi que PÉpitre aux Hébreux a été écrite en hébreu et que la traduction en est attribuée par les uns à Luc, par les autres à Clément. Un certain nombre de Pères et d’écrivains ecclésiastiques ont accepté cette hypothèse : Théodoret, Euthalius, saint Jérôme, Primasius, saint Jean Damascène, Œcuménius, Théophylacte, Cosmas Indicopleustes. Grâce à saint Jérôme, elle fut adoptée par d’autres en Occident : Baban Maur, saint Thomas. Scripserat Paulus, dit saint Jérôme, De Vir. ill., 5, t. xxiii, col. 618, ut Hebrseus Hebrmis hebraice, id est suo eloquio disertissime ut ea qu& eloquenter scripta fuerunt in hebrseo eloquentius verterentur in grsscum et hanc causant esse quod a cxteris Pauli Epistolis discrepare videatur. Ce n’est encore qu’une conjecture. En fait, nous n’avons aucune trace documentaire d’un original hébreu de l’Épltre. Personne ne dit l’avoir vu et toutes les versions anciennes, syriaques, coptes, arméniennes, ont été faites sur le grec. Plus récemment, nous trouvons cette hypothèse, acceptée par Cornélius à Lapide, Noël Alexandre, Goldhagen et, de nos jours, par un certain nombre de critiques protestants et, parmi les catholiques, par Reith" mayr, Valroger, Bacuez. Les arguments sur lesquels on s’appuie ont été donnés par Michaélis : 1. Il y a plusieurs citations de l’Ancien Testament, qui n’ont aucune force probante, si l’on s’en tient aux Septante, et en ont, si l’on adopte le texte hébreu. Heb., xi, 21 ; i, 7 ; ix, 11, 23-24. — 2. Il y a dans l’Épître plusieurs passages difficiles à expliquer, parce que le traducteur a mal traduit, i, 2-11, 1, 9 ; iii, 3, 4, 5, etc. Berthold a répondu à cette argumentation. Pour nous, tenons-nous-en à l’exposition positive qui suffira pour prouver que le texte grec est bien l’original. L’étude de la langue prouve nettement que l’Épître a été écrite en grec. — 1° La pureté et l’élégance de la langue établibsent que nous avons ici une œuvre originale et non une traduction. Il suffit de se reporter à une traduction grecque d’un texte hébreu pour voir la différence : le mouvement de la phrase, la construction, l’agencement des propositions n’a rien de grec ; c’est de l’hébreu sous un vêtement grec. La construction de la phrase grecque en effet est essentiellement basée sur la subordination des propositions, tandis que celle de la phrase hébraïque est basée sur la coordination des propositions. Or, dans l’Épître aux Hébreux, la phrase, quoique teintée d’hébraïsme, est cependant d’un grec qui rappelle assez bien les écrits de ce tempslà. Les périodes abondent et l’on ne voit pas comment elles pourraient être une traduction d’un texte qui n’en avait pas. Qui pourrait croire que la belle période du premier chapitre vient de l’hébreu ? S’il fallait chercher à cette Épître des termes de comparaison, on les trouverait dans le livre de la Sagesse ou dans les écrits de Philon, lesquels sont des œuvres originales, sorties d’un cerveau juif, et non des traductions. — 2° Relativement d’ailleurs aux autres livres du Nouveau Testament, l’Épître aux Hébreux est assez pure d’hébraïsmes. On en trouve cependant assez pour que l’on soit obligé d’admettre que l’auteur était un Juif hellénisé. Voici les principaux hébraïsmes. — 1. Au point de vue grammatical : l’emploi d’un substantif au génitif, apposé à un autre pour tenir lieu de l’adjectif, i, 3, xffi panait " !  ; 8uvet|i£iûç aùxoû, la parole de sa puissance pour sa parole puissante ; IX, 5, x^pou^M- 86Et)c, Ie chérubin de gloire pour le chérubin glorieux ; iv, 2, 6 Xôyoç tïk cfooîjc, la parole de l’ouïe, de l’audition, pour la parole entendue ; v, 13, Xifoç Sdkxkntijvïiç,-la parole de la justice pour la parole juste ; vi, 1, etc. Les noms hébreux restent indéclinables, vii, 11 ; ix, 4, 5 ; xi, 30 ; xii, 22. Nous avons la construction à7to<rojvai àico, III, 12, au lieu du génitif ;

XaXeîv iv, i, 1, au lieu de 8tà ; Sy.wfit xati tJvoî, vi, 13, au lieu de l’accusatif ; xataTtoiveîv, qui est intransitif, construit avec ànâ, iv, 10 ; elvai eî ; ti, viii, 10, pour etvaé ti ; le pléonasme de éauTOÏç ou èv êavxotç avec exeiv, x, 34. Jamais un Grec n’aurait écrit : I, 2, lit’iafànov x<5v 7|{upùv Toiixuv, V, 7 ; Jv xaîç T|yipou ; tTJÇ aapxo’c avroû. — 2. Au point de vue lexicographique : Yeûofiai Savâxov, II, 9 ; arapii.a, ii, 16, dans le sens de postérité ; <ràp5 xecl a ?|ia, II, 14, pour signifier l’homme ; xâptv eûpïoxEiv, ry, 16 ; ôpioXovla, iii, 1, foi professée ; eôXoyîa, VI, 7, bénédiction ; èpY<xÇe<x8at Sixaiodiivrjv, xr, 33 ; pr, [xa, vi, 5, promesse ; è ! jepxo|i.<xc ê* ttjç ô<npôoç, vii, 5, pour signifier naître ; ’eSeîv Oivaxov, xi, 5 ; iteptitocuéto èv, xin, 9 ; èvtiîtiov ôeoû, xra, 21. Cette proportion d’hébraïsmes est insignifiante en comparaison de celle qu’on trouve même dans saint Luc, excepté dans la seconde partie des Actes des Apôtres. Il est certain que, si le texte avait été traduit de l’hébreu, on en aurait relevé un nombre beaucoup plus considérable. Ainsi, rien que dans le chapitre Ie * de saint Luc, qui est pour la longueur le cinquième de l’Épître aux Hébreux, j’en relève 25. — 3. On trouve des expressions grecques, dont on n’a l’équivalent ni en hébreu ni en araméen et qui ne pourraient être exprimées en hébreu que par des circonlocutions, ce qui prouve qu’elles proviennent d’une source grecque. On ne saurait comment traduire littéralement en hébreu : I, 3, àica.ifa(ry.a xr, ç S^Çrjç, « le reflet de sa gloire ; » liexpiorcafleïv, v, 2, « être dans de justes sentiments à l’égard de quelqu’un, compatir ; » SvxTcpinrivsuxoc, v, 11, « difficile à expliquer ; » EÎmepiVxotxo ; , xil, 1, « qui circonvient facilement, s et la phrase, XI, 1, Ttiaxi ; èXmÇojié’vtDv, ûîtôdxauiç îtpaYUa-rtiiv, cXeyxoç où [S).era>|jivwv. — 4. Il y a des assonances, des jeux de mots et des paronomases, qui seraient incompréhensibles et impossibles si l’original n’était pas grec : v, 8, e|ia6sv àf’ûv é’îtaOsv, « il a appris par les choses qu’il a souffertes ; » v, 14, xaXoO xe xai xaxoO, « ce qui est bien et ce qui est mal ; » vii, 19, è^y^ ^^ ! « nous nous rapprochons, » a, vii, 22, son relatif dans Ë-yyuo ?, « garant ; » vin, 7, a|A£|ijrco ;, « sans défaut, » dans viii, 8, (jiejiçô(jievo ;, « blâmant ; » ix, 28, rcpoævexŒU, « s’étant oifert, » danse ! ç xb àveveYxetv, . « pour porter ; » xiii, 14, eu nsvovi<rav, « qui ne demeure pas » est en opposition avec (iéùo’jo-av, « qui est à venir, a Citons encore : i, 1, tioXu-Hep £>ç-îtoXuxp<511(oi ;  ; II, 8, ôiroxâijai-àvvrao’TaxTov ; VII, 3, cHtâxup-àjr/jxtop ; vil, 23, itapaitâveiv-nsveiv ; ix, 10, èiti pp(i[i « o-( xa itô|iairt ; X, 29, ï)Yr]<x<z|AEvoc Èv & ï)Y’6’! r * ? l>e * c’Il est^ impossible de supposer que les deux langues, l’hébreu et le grec, aient permis un emploi aussi répété de la paronomase dans les mêmes phrases. — 5. Enfin, les citations de l’Ancien Testament sont toutes extraites des Septante, même quand Je texte grec n’est pas en accord avec l’hébreu. On pourrait supposer que le traducteur grec aurait fait cette adaptation au texte des Septante ; ce serait déjà étrange pour les cas où les textes ne sont pas concordants, mais la supposition devient fausse quand, par exemple, le raisonnement de l’auteur est basé sur un passage des Septante, qui est en désaccord avec l’original hébreu. Ainsi, x, 5, l’auteur cite le Psaume xxxix, 7, du texte grec : Siô xocl £Ï<TEpx<5|ievo{ eïç tbv x(S<j(j.ov Xéyet : Ousïkv xal Ttpoaipopàv oùx rfié-raa< ;, ffojp/x 8è xaxrjpxîffto (iot. « C’est pourquoi le Christ entrant dans le monde dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande ; mais tu m’as formé un corps. » Le raisonnement est celui-ci. Dieu n’a pas été satisfait des sacrifices mosaïques ; pour les remplacer il a donné un corps à son Fils de sorte que, x, 10, en vertu de cette volonté, nous sommes sanctifiés par l’offrande du corps de Jésus-Christ. Le raisonnement est basé sur cette proposition : aûiLa 5ï xecxTjfxisiû |aoi. Or le texte hébreu porte : « Tu ne désires ni sacrifice ni offrande, ’oznaîm kârita lî, tu m’as ouvert les oreilles. » Il est possible de voir comment du texte hébreu on est arrivé