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HÉBREUX (ÉPITRE AUX)

I. Histoire de l'épître aux Hébreux. — Nous allons suivre les traces que l’Épître aux Hébreux a laissées dans les premiers écrits chrétiens, fixer ce qu’on pensait de l’auteur et de la valeur de cette Épître comme Écriture, par conséquent, tout en étudiant son histoire, établir, à un certain degré, la canonicité. Comme l’histoire de l’Épître aux Hébreux s’est poursuivie, au commencement, indépendante en Orient et en Occident, sans qu’une tradition influe tout d’abord visiblement l’une sur l’autre, nous étudierons séparément les deux traditions, jusqu’au jour où elles se confondent.

Tradition orientale.

Les allusions et les rapprochements qu’on a signalés avec les passages de l’Épître aux Hébreux dans les Pères orientaux des deux premiers siècles sont, en général, peu concluants. On pourra remarquer dans l’Épître de Barnabé, v, 1, t. ii, col. 734, 8 èfftiv èv tô) pavut’op-aii « Otoû toû aîjiaToi ; = Heb., xii, 24, xa aî’jiaTt pavrtffjioO. — Comme l’Épître aux Hébreux, Poiycarpe, xil, 1, t. v, col. 101, appelle le Christ : grand-prêtre, sempiternus Pontifex ; Justin, Apol. I, 12, t. vi, col. 345, parle aussi du Christ comme apôtre. Or, c’est dans l’Épître aux Hébreux seulement que le Christ est appelé grand-prêtre, iv, 14, et apôtre, iii, 1. Saint Justin, disant, Dial., 113, t. VI, col. 737 : Oû-nS ; icrriv h xatà tt|v xiiÇiv MeX^ioeSèx PaaiXsù ; EaMiix xa aiwvtoç îepeùç GiI/iotou ûitâp/wv se rapproche de Heb., v, 9, 10 ; vi, 20 ; vu, 12. — Le premier témoignage certain que nous rencontrons est celui de Pantène, chef de l’école catéchétique d’Alexandrie, à la fin du IIe siècle, et c’est de lui que Clément d’Alexandrie tenait ses renseignements sur cette Épître. Voici ce que rapporte Eusèbe, H. E., VI, 14, t. xx, col. 549 et552 : « Clément dit dans ses Hypotyposes, t. ix, col. 748, que l’Épître aux Hébreux est l’œuvre de Paul et qu’elle a été écrite aux Hébreux en langue hébraïque. Luc l’a traduite avec soin et publiée pour les Grecs, ce qui explique la ressemblance de style dans cette lettre et dans les Actes. » Mais il explique que ces mots : Paul l’apôtre, n’ont pas été mis en tête, parce que l’Apôtre, écrivant aux Hébreux, qui le tenaient en suspicion, n’a pas voulu dès l’abord les choquer en voyant son nom. Et il ajoute : « Mais maintenant, ainsi que le dit le bienheureux prêtre, Pantène, puisque le Seigneur, étant l’apôtre du Tout-Puissant, a été envoyé aux Hébreux, Paul, envoyé aux Gentils, n’a pas voulu par respect pour le Seigneur s’inscrire comme apôtre des Hébreux, parce qu’étant apôtre des Gentils il a écrit aux Hébreux de sa surabondance. » Dans les Stromates, VI, 8, t. IX, col. 284, Clément d’Alexandrie cite un passage de l’Épître aux Hébreux, v, 12, comme ayant été écrit par Paul aux Hébreux. — Le témoignage d’Origène est encore plus caractéristique ; il est donné par Eusèbe, H. E-, vi, 25, t. xx, col. 584, comme un extrait des homélies d’Origène, t. xiv, col. 1309 : « Comme caractéristique le style de l’Épître aux Hébreux n’a pas la vulgarité de parole de celui de l’Apôtre, qui reconnaît lui-même qu’il est vulgaire dans son langage, c’est-à-dire dans sa phrase ; la diction de l’Épître est d’un grec plus pur, et quiconque a le pouvoir de discerner la phraséologie d’un auteur le reconnaîtra. En outre, que les pensées en soient admirables et qu’elles ne soient inférieures en rien aux écrits reconnus comme apostoliques, c’est ce que croira tout homme qui examine soigneusement les écrits apostoliques. Si je donnais mon opinion, je dirais que les pensées, voiîp.aTa, sont de l’Apôtre, mais que la langue et la disposition des pensées sont de quelqu’un qui s’est souvenu des enseignements apostoliques. Par conséquent, si quelque Église regarde cette Épître comme de Paul, qu’elle soit approuvée même pour cela. Car ce s’est pas sans raison que les anciens nous l’ont transmise comme étant de Paul. Mais quel est celui qui a - écrit l’Épître, tî ; Si i Ypàifiac-crv sitkjtoXtiv, Dieu sait la vérité. La tradition est venue jusqu’à nous qui rapporte que Clément, l’évêque des Romains, a écrit l’Épître ;

d’autres disent que c’est Luc, celui qui a écrit l’Évangile et les Actes. » Ce jugement paraît être celui qui résume le mieux la pensée d’Origène sur la question, sa pensée plus mûrie ; c’est une sorte de jugement critique, car dans ses autres ouvrages nous trouvons des affirmations plus catégoriques sur l’origine paulinienne de cet écrit. Dans son Épître à Africanus, 9, t. xi, col. 65, il se déclare prêt à démontrer contre ceux qui le nient que l’Épître est de Paul ; In Num. Honi., iii, 3, t. xii, col. 596, il la cite, comme étant de Paul, ainsi que dans plusieurs autres passages, où il dit cependant que ce n’est pas l’opinion de tous. La question est de préciser ce qu’a voulu dire Origène. L’écrivain était-il pour lui un simple scribe ? C’est peu probable. Il affirme d’abord que l’Épître diffère des autres pour la langue et la disposition du sujet, ensuite que les pensées sont de Paul ; c’est donc qu’un disciple de l’Apôtre a composé l’Épître, en utilisant les pensées de son maître ; mais tout le reste, langue et raisonnement, est de lui. On remarquera que la critique catholique en est encore aujourd’hui au même point sur l’authenticité paulinienne de l’Épître. — Les écrivains de l’Église d’Alexandrie, saint Denys, Ep. ad Fab., 2, t. x, col. 1297, saint Pierre d’Alexandrie, Ep. can., 9, t. xviii, col. 485, saint Alexandre, De Ariana hmr. ep., 1-2, t. xviii, col. 557, 565, 575, saint Athanase, Serm. cont. Arian., ii, 1, 6, t. xxv, col. 148, 153, Didyme, De Trin., i, 15, t. xxxix, col. 317, 320, saint Cyrille, Thés, de Trin. Ass., 4-7, t. lxxv, col. 37, 40, regardèrent tous cette Épître comme étant de saint Paul. Euthalius, Ep. Paul. Arg., t. lxxxv, col. 776, rappelle les anciens doutes, mais y répond par les raisons déjà alléguées par Clément d’Alexandrie et Origène. On la trouve au dixième rang dans la Synopse du Pseudo-Athanase, t. xxviii, col. 484. Saint Cyrille de Jérusalem, Cat., t. xxxiii, col. 684, 912, 992, l’attribue aussi à saint Paul. Saint Épiphane, Hser. xlii, 12, t. xli, col. 812, ne connaît aucun manuscrit qui ne la possède tantôt au dixième, tantôt au quatorzième rang. En 264, les Pères du concile d’Antioche se servent contre Paul de Samosate de cette Épître comme étant de saint Paul. Mansi, Coll. Conc, t, i, p. 1038. Saint Jean Chrysostome, In Heb., t. lxiii, col. 10, Théodore de Mopsueste, In Heb., t. lxyl, col. 952, et Théodoret, In Heb. Arg., t. lxxxii, col. 673, l’acceptent aussi comme de saint Paul. Théodoret même In Heb. Arg., t. lxxxii, col. 673, affirme que ceux qui la repoussent comme supposée sont travaillés du morbus arianicus. La version syriaque, les Pères syriens et cappadociens reçoivent de même cette Épître comme paulinienne. — Eusèbe de Césarée résume bien ces diverses traditions. On sait qu’il s’est occupé à diverses reprises, dans son Histoire ecclésiastique, de rapporter les témoignages des Églises sur les livres du Nouveau Testament, de les caractériser et de les partager en diverses catégories. Or, H. E., ii, 17, t. xx, col. 180, il affirme que l’Épître aux Hébreux est de Paul ; iii, 3, t. xx, col. 217, il dit qu’il y a quatorze Épîtres de Paul reconnues et non disputées. Dans sa Démonstration évangélique, t. xxii, col. 300, 317, etc., il est tout aussi catégorique. Cependant il faut mentionner que quelques-uns, dit-il, ont rejeté l’Épître aux Hébreux sous prétexte qu’elle était discutée par l’Église de Rome, parce qu’elle n’avait pas été écrite par Paul. Il dit, iii, 3, t. xx, col. 217, que Paul a écrit aux Hébreux dans leur propre langue, mais que Clément plutôt que Luc a traduit la lettre ; vi, 14, t. xx, col. 350, il range l’Épître aux Hébreux parmi les livres discutés, àvTiXsyrfjjLsvat ypaçat’. En résumé Eusèbe tient l’Épître aux Hébreux pour canonique et par conséquent comme étant d’origine apostolique et de saint Paul. — En fait donc, l’Église d’Orient, vers la fin du iie siècle, regardait l’Épître aux Hébreux comme un livre d’origine apostolique, par conséquent comme canonique. Probablement on la possédait dans la collection d’écrits canoniques à la suite des Épîtres de Paul,