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hébraïque (langue)


Xe siècle en effet, Aaron ben Ascher († 930), qui hérita peut-être de l’opinion de son grand-père Moïse ben Ascher, attribuait l’invention des points voyelles à la grande synagogue ; le gaon Mar Natronai II, chef d’école à Sura en 859-869, l’attribuait aux « sages ».’On était donc convaincu, dès le ixe siècle, de la très haute antiquité du système massorétique : sa constitution définitive est à placer avant le vii.i » siècle ou au moins avant 750 ; il fut complété dans la suite par des discussions sur les divergences des manuscrits, sur l’emploi de certains signes supplémentaires, par des remarques et des explications auxquelles les deux Ben Ascher ont donné une forme définitive : mais cette dernière période de l’histoire de la massore relève de l’histoire du texte hébreu, non de l’histoire de la langue.

On a généralement admis que notre système de vocalisation et d’accentuation du texte biblique avait été élaboré en Palestine, dans l’école de Tibériade. Des doutes toutefois ont été soulevés assez récemment contre cette opinion. Le nom de la voyelle â semblerait supposer qu’on le prononçait ô ; le signe commun pour â long et pour o bref confirmerait cette hypothèse. D’autre part, aucun signe ne permet de distinguer la double prononciation du i qui était en usage à Tibériade. Autant de raisons qui inviteraient à aller chercher ailleurs, peut-être en Babylonie, le lieu d’origine de ce système.

C’est dans une histoire du texte hébreu qu’il convient d’apprécier la valeur exégétique de la massore. Nous n’avons à rechercher ici que sa valeur pour l’indication des voyelles. Or on peut dire que le système massorétique représente bien la prononciation des voyelles hébraïques. Sans doute, il y a eu de la systématisation, on s’est préoccupé de fixer des règles de lecture, autant que de consacrer la prononciation reçue ; et il est probable que les signes massorétiques ne rendent pas exactement toutes les nuances dont les voyelles étaient susceptibles au temps même où ce système a été élaboré : à plus forte raison le système des points-voyelles est-il loin de correspondre partout à la prononciation en usage à l’époque où furent rédigés les plus anciens ocuments de l’Ancien Testament. Ce système, toutefois, n’est pas un système artificiel. Les massorètes ont fait des règles, mais après s’être appliqués à analyser avec soin la prononciation de leurs contemporains les plus autorisés. Aussi, non seulement la vocalisation massorétique est en parfaite harmonie avec la phonétique générale des langues sémitiques, mais elle représente une prononciation traditionnelle de l’hébreu qui remonte très haut dans l’histoire. C’est ce que l’on remarque en comparant la vocalisation massorétique, avec les transcriptions de l’hébreu renfermées dans les œuvres de saint Jérôme, dans les Hexaples, dans la traduction des Septante, avec les renseignements que les.anciens, nous ont légués sur la prononciation du phénicien. Sans doute, il y a des différences et elles vont s’accentuant à mesure que l’on fait appel à de plus vieux documents : mais la vocalisation demeure toujours substantiellement identique. On a récemment découvert un manuscrit hébreu des Prophètes copié en 916 (CodexBabylonicus, édité en 1876 et conservé à Saint-Pétersbourg), qui présente un système de vocalisation tout autre que celui dont nous venons de parler. Voir Babylonicus (CoDEX), t. i, col. 1359. Les signes sont d’ordinaire placés au-dessus des lettres : â long est indiqué par un « légèrement altéré, î long par un point provenant de la lettre > ; ë long par deux points placés horizontalement ; ô long par un trait vertical venant de la lettre î ; û par un point au milieu du î ; a bref et é bref accentués par un y raccourci et couché ; a bref et é bref non accentués par deux points disposés obliquement ; un trait place au-dessous des signes employés pour â, ê, i, û représente o, é, i, u ; placé au-dessus de ces signes et au-dessus de a tonique, ce trait indique la prononciation de ces voyelles devant une consonne

doublée ; placé seul au-dessus de la lettre, ce même trait marque l’e muet on l’absence de voyelles. — Comme on le voit, à côté de quelques éléments communs au système de nos Bibles hébraïques ce procédé renferme des signes tout à fait particuliers. On l’appelle « système babylonien », non qu’il ait été employé par l’ensemble des Juifs babyloniens à l’exclusion de l’autre, mais plutôt parce qu’il aurait été imaginé dans une école particulière de Babylone ; il est curieux d’y constater l’emploi d’un même signe pour a et ê, pour ô et o.

La période grammaticale.

La Bible ne nous

offre pas de vestiges d’études grammaticales contemporaines de la composition des Livres Saints. Il faut arriver jusqu’à l’âge talmudique pour trouver trace de semblables préoccupations ; beaucoup de particularités relevées par les rabbins dans le Talmud se rapportent à la grammaire. D’autre part les auteurs ecclésiastiques, saint Jérôme entre autres, ont consigné dans leurs œuvres un bon nombre de remarques philologiques et grammaticales ayant trait à la langue hébraïque. Toutefois c’est beaucoup plus tard que la grammaire hébraïque prit son essor. Il y eut d’abord quelques essais dans le monde juif oriental, surtout en Babylonie ; mais ces essais furent assez infructueux ; les auteurs qui se rattachent à ce premier mouvement, Menahem Ben Sarouk de Tortose (f950), auteur d’un lexique des racines hébraïques (publié par Filipowski en 1854) et son adversaire, Dounasch ibn Labrat (en hébreu Adonim ha-Levi), Rabbi Salomon ben Isaac (fll05) originaire de Troyes, appelé par abbrévation Raschi et parfois cité sous le nom de Jarchi, Rabbi Samuel ben Méir (Rashbam, fll50), Rabbi Jacob ben Méir (Rabbi Tam, f 1171), furent de grands interprètes de la Bible et d’excellents talmudistes, mais l’esprit de synthèse grammaticale leur fait grandement défaut. — C’est sous l’influence de la culture arabe que la science de la grammaire hébraïque entra dans une phase de progrès rapide. Le milieu de ce développement se trouva naturellement dans les communautés juives de l’Espagne et du nord de l’Afrique. Les premiers de ces grammairiens furent le juif africain Jehuda ibn Koreisch (vers 880 ; il reste de lui une lettre arabe aux Juifs de Fez où il est’question des rapports du chaldéen et de l’arabe avec l’hébreu) et surtout Saadyah (Saïd ibn Jakoub al-Fayoumi, -ꝟ. 942), gaon de l’école babylonienne de Sora et auteur de traductions et de commentaires fort estimés, qui, le premier, s’occupa de traités sur divers points de la grammaire et du lexique hébraïques. Toutefois, c’est environ un demi-siècle plus tard qu’on s’occupa de synthétiser les résultats des études grammaticales en des ouvrages d’ensemble sur la langue hébraïque. Juda Hayoug (chez les Arabes Abou Zacharia Jahia ibn Daud), médecin de Fez, établi à Cordoue († 1M0), pablia divers traités sur la nature des racines défectives, la permutation des lettres faibles, les principes de la ponctuation. Mais le premier auteur d’une grammaire hébraïque et d’un dictionnaire hébreu est Rabbi Jonah ben Gannah ou Rabbi Mérinos (chez les Arabes Aboù’l Walid Merwan ibn Djannah), surnommé « le plus fort des grammairiens » ; né vers 990, il était médecin à Cordoue. Cette grammaire et ce dictionnaire, composés en arabe, marquent l’apogée de la science grammaticale hébraïque au moyen âge. — Jusqu’au xvr siècle, l’étude grammaticale et lexicographique de la langue hébraïque fut le patrimoine des juifs. U faut citer : au xiie siècle, le juif aragonais Salomon ben Abraham ben Parhon, auteur d’une grammaire et d’un dictionnaire ; Abraham ben Méir Aben Ezra, le Sage († 1167), disciple de Hayoug et de Rabbi Jonah comme le précédent, auteur d’une grammaire en hébreu et de plusieurs traitée spéciaux sur le même’sujet ; Joseph Kimchi (f vers 1160), auteur d’ouvrages critiques sur les écrits de Ben Sarouk, d’Ibn Labrat et Rabbi Tam ; Moïse Kimchi (Ramack, 1190), auteur d’une grammaire qui se