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hébraïque (langue)


des syllabes, on attache au contraire une très grande importance à l’accent. La sjllabe accentuée a un rôle considérable dans la cadence et le rythme du vers hébreu ; on sait qu’il en est de même dans les poésies’liturgiques de l’Église. D’après la place occupée par l’accent, on peut même avoir des groupes de syllabes auquel on donnera, par analogie, le nom de pieds : ce seront des ïambes ou des trochées, selon que la syllabe accentuée sera, ou non, la première. — 3. La numération des syllabes est chose difficile. En plus d’un cas en effet il faut négliger la vocalisation actuelle du texte hébreu ; les Massorètes ignoraient le vers hébreu et ils ne se sont préoccupés que de fixer la lecture du texte d’après la prononciation qui prévalait à leur époque et qui s’écartait assez souvent de la prononciation ancienne. C’est ainsi qu’en beaucoup de cas il faut négliger, outre les schevas et les demi-voyelles, les voyelles auxiliaires et certaines voyelles initiales ; ailleurs il faut remonter à des formes primitives remplacées, dans le texte, par des formes plus récentes. Considérées en elles-mêmes ces corrections sont admissibles ; les textes bibliques ont beaucoup souffert dans tous ces petits détails. Toutefois on conçoit une certaine défiance lorsqu’on voit tant de modifications réclamées au nom d’un système qui est loin d’être arrêté dans ses détails. Les objections deviennent plus nombreuses encore en présence de toutes les restitutions ou suppressions de mots et de membres de phrase auxquelles donne lieu l’application des principes de M. Bickell ; sans doute, il n’est aucune de ces corrections que l’on ne puisse appuyer sur des exemples dûment constatés ; mais nul autre moyen de critique ne révèle autant d’altérations dans les textes sacrés. — 4. Les « espèces » du vers hébreu sont avant tout caractérisées par le nombre des syllabes. On en trouve de quatre, cinq, six, sept, huit, neuf et dix -syllabes. M. Bickell avait jadis admis des vers dodécasyllabiques ; mais une étude plus approfondie de la question l’a amené à voir dans ces vers deux membres de parallélisme, l’un de sept, l’autre de cinq syllabes. Le vers le plus souvent employé paraît être le vers heptasyllabique, c’est le vers usité dans le livre de Job, dans beaucoup de maximes et de portraits du livre des Proverbes, dans nombre de Psaumes. D’ailleurs des vers de diverses espèces peuvent se trouver groupés dans le même morceau. C’est ainsi que tout un genre poétique, le genre « Lamentation » ou Qinah, paraît caractérisé par l’alternance du vers heptasyllabique et du vers pentasyllabiquejon retrouve aussi cette alternance dans des poèmes didactiques tels que le grand Ps. cxviii : Beali immaculati in via.

Cf. G. Bickell, Metrices bibl. reg. exempl. illustrât., Inspruck, 1882 ; Supplem. ad metr. bibl., dans Zeitschr. derdeutsch. Morgent ànd.Gesellsch., t. sxxiii, xxxiv, xxxv ; Carmina Vet. Test, metrice, Inspruck, 1882 ; Dichtungen der Hebrâer, Inspruck, 1882-1883 ; Kritische bearbeitung der Proverbien mit einem Anhange ûber die Strophik des Ecclesiasticus, dans Zeitschr. ꝟ. d. Kunde des Morgent andes ; V. Grimme, Abriss des hebr. Metrik, dans Zeitschr. d. deutsch. Morgent ànd. Gesellsch. ; Gietmann, De re metrica Hebrseorum, 1880 ; A. Rohling, Dos Salomonische Spruchbuch, ûbersetzt und erklàrt, Mayence, 1879.

La strophe.

C’est le groupement d’un certain

nombre de vers dans un ordre déterminé. Son existence a été à peine soupçonnée jusque vers 1831, date à laquelle M. F.-B. Kœster la signala dans un article intitulé Die Strophen oder der Parallelismus der Verse der Hebrâischen Poésie, dans les Studien und Kritiken, 1831, p. 40-114. On admettait volontiers la distribution des Psaumes en parties distinguées par le sens, par le refrain ou de toute autre manière, et parfois on donnait à ces divisions et subdivisions le nom de strophes. Mais en réalité on ne reconnaissait pas l’existence de strophes

se rattachant pour chaque morceau poétique à un type déterminé. D’ailleurs ce type n’est pas encore rigoureusement précisé ; il a pu exister en hébreu, comme dans toutes les langues, des strophes de longueurs variables, et indécises. Cf. D. H. Mûller, Die Propheten in ihrer ursprunglichen Form. Die Grundgesetze der ursemitischen Poésie erschlossen und nachgewiesen in Bibel, Keilinschriflen und Koran, und in ihren Wirkungen erkarmt in den Choren der Griechischen Tragédie, Vienne, 1896 ; I. K. Zenner, Die Chorgesânge in Bûche der Psalmen. Ihre Existenz und ihre Form nachgewiesen, Fribourg en Brisgau, 1896.

4° Sur VAlphabétisme, voir Alphabétiques (Poèmes).

VI. Vocabulaire.

Nombre des mots.

On ne peut

juger du nombre des mots hébreux que par la Bible. Sans doute les Livres Saints ne représentent qu’une partie restreinte des sujets traités par les Hébreux, soit dans leurs conversations, soit dans les autres compositions littéraires qui ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Mais on est porté à croire que la langue hébraïque ne disposait pas d’un vocabulaire très riche. — On ne compte guère plus de 2050 racines parmi lesquelles beaucoup sont peu usitées ou tiennent une place très restreinte dans la formation des mots ; on estime qu’avec 500 racines l’on est capable de lire couramment la plupart des textes bibliques. Le nombre des mots est proportionné à celui des racines : si l’on fait abstraction des noms propres, l’hébreu biblique compte environ 5000 mots (d’après Renan).

Structure des racines et des mots.

À cet égard

l’hébreu se rapproche de très près des autres langues sémitiques (voir Sémitiques [Langues]), et ne présente pas de particularités notables.

Caractère du vocabulaire hébreu.

1. L’hébreu

a une grande abondance de termes pour désigner : des objets usuels, animaux domestiques, ustensiles divers servant à la vie quotidienne ; — les phénomènes qui tombent sous l’observation journalière, v. g. phénomènes. météorologiques, pluie, tempête, etc. ; — les relations sociales ordinaires ; — en particulier les actes de la vie religieuse ou du culte et les diverses conceptions se rapportant aux idées religieuses juives : ainsi il y a un grand nombre de mots pour désigner la sagesse, la loi de Dieu, etc. r~ 2. Mais le vocabulaire hébreu est pauvre pour l’expression des idées abstraites et des sentiments de l’âme. Ainsi, dans une langue dont le seul monument est un livre éminemment religieux, il n’y a pas de terme qui corresponde exactement à l’idée abstraite de « religion » ; l’idée de la religion ne peut s’exprimer que par le terme de « crainte de Dieu ». L’hébreu a des mots ^)our l’amour et la haine, mais non pour la préférence ; de là ces phrases évangéliques tout empreintes du génie hébraïque : « Si quelqu’un ne hait son père ou sa mère, … il ne peut être mon disciple. » Luc., xiv, 26. Elle ne peut nommer qu’imparfaitement les facultés de l’âme : les termes qui désignent le siège de ses diverses opérations sont vagues : le « cœur » désigne l’intelligence ; les « reins » ou le « foie », les affections. — 3. La plupart des racines qui expriment des opérations spirituelles, intellectuelles et morales ont gardé un sens primitif se rapportant à la vie physique et extérieure. Dans nos langues, ces racines se ramènent bien étymologiquement à des termes exprimant des opérations physiques : intelligere veut dire « lire entre » ; mais à peu près toujours ce sens primitif a disparu de l’usage et le mot aujourd’hui usité ne signifie plus rien autre chose que l’acte spirituel ou moral. En hébreu, au contraire, la coexistence des deux sens est très fréquente. C’est ainsi que le mot bâràk veut dire primitivement fléchir le genou. De là à l’idée de € saluer » selon les pratiques orientales, il n’y a pas loin ; en réservant ce nom à l’hommage rendu à Dieu, on aura la signification de « vénérer, d’adorer », avec les sens connexes de « prier, d’invoquer ». Le salut évoquera aussi l’idée de « louer », de « bénir », de faire des