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GOMOR — GOMORRHE


    1. GOMOR##

GOMOR (hébreu : ’ômér ; Septante : Y<>|i<5p ; Vulgate : ’gomor), mesure hébraïque de capacité mentionnée seulement dans le chapitre xvi de l’Exode, à l’occasion de la manne. On devait recueillir chaque jour un gomor de manne, ꝟ. 16, 18, excepté la veille du sabbat, où l’on faisait double provision, ꝟ. 22, afin d’en avoir pour le jour même du sabbat. Sur l’ordre de Dieu, Aaron plaça un gomor de manne dans l’arche, t 32-33, comme mémorial du miracle opéré par le Seigneur pour nourrir son peuple dans le désert. — Le texte sacré nous apprend que « le gomor est la dixième partie de l’éphi », ꝟ. 36, c’est-à-dire que sa contenance était de 3 litres 88. Voir Éphi,

t.n, col.l864. — Le mot « - » £, en arabe, identique à l’hébreu iDr, ’ômér, signifie une espèce de vase ou de

coupe. Le mot gomor n’élant employé que dans le seul endroit de la Bible où il est question de la quantité de manne attribuée à chaque Israélite, il est possible que ce terme signifie moins une mesure de capacité proprement dite qu’une sorte de vase particulier, bien connu des Hébreux, dont là capacité était généralement uniforme, et qui servait à mesurer la ration quotidienne de manne dans le désert. C’est peut-être pour cette raison qu’à la fin du récit concernant la manne, l’auteur sacré donne l’explication : « Le gomor est la dixième partie de l’éphi. » Exod., xvi, 3. Voir F. Vigoureux, Manuel biblique, n° 257, 10e édit., t. i, p. 436-437.

Partout ailleurs, dans tout le reste du Pentateuque (mais dans aucun autre passage de l’Ancien Testament), la dixième partie de l’éphi est appelée p-roy, ’issdrôn,

mot qui signifie « dixième », d’où la traduction ordinaire des Septante : 8lxaTov (plus, complètement, Num., xv, 4, ôsxarov toO otçé), et de la Vulgate, décima pars, décima. L’addition « éphi » ne se lit jamais dans le texte original avec le mot’iésârôn, mais elle se lit avec l’équivalent nnHiry, ’àèirif hâ-’éfâh, Lev., v, 11 ; VI, 13 (Vulgate 20) ;

Num., v, 15 (Vulgate : satùm, au lieu A’ephi) ; xxviii, 5. Cf. Exod., xvi, 36. — Le’issârôn sert toujours à mesurer les solides et spécialement la farine, dont un dixième d’éphi, pétri avec un quart de hin d’huile et un quart de hin de viii, devait être offert avec le sacrifice quotidien de l’agneau, Exod., xxix, 40, et de même, avec des proportions plus ou moins différentes et certaines variations, dans d’autres espèces de sacrifices. Lev., xiv, 10, 21 ; xxiii, 13, 17 ; xxiv, 5 ; Num., xv, 4, 6, 9 ; xxviii, 9, 12, 13, 20, 21, 28, 29 ; xxix, 3, 4, 9, 10, 14, 15. — Il ne faut pas confondre le gomor avec le borner (voir Cor, t. ii, col. 954) qui est une mesure complètement différente, quoique plusieurs écrivains grecs aient transcrit le hômér hébreu par yijjiop, par exemple, saint Épiphane, De mens, et pond., 21 (voir la note 61, ibid.), t. xliii, col. 273.

    1. GOMORRHE##

GOMORRHE (hébreu : ’Amôrâh ; Septante : Tolitf ^a), une des villes de la Pentapole, détruite avec Sodome par un épouvantable cataclysme. Gen., xiv, 2 ; Xix, 24. Le nom hébreu, mby, ’Amôrâh, signifie « submersion » suivant les uns, Gesenius, Thésaurus, p. 1046, « fente, crevasse, » selon les autres, J. Fûrst, Hebrâisches Handwôrterbuch, 1863, t. ii, p. 162, etc. En réalité, l’étymologie de ce nom est inconnue. On l’a rapproché de l’arabe Ghamr. Le ghaïn (r grasseyé) rend, en effet, l’aï », comme nous le voyons dans Gaza, hébreu : ’Azzdh ; arabe : Ghazzéh. L’écriture hébraïque ne distingue pas entre ces deux articulations cependant différentes. Les Grecs, ne pouvant exprimer ni l’une ni l’autre, ont mis le T, rojjiôpfa, TiÇa.

Où se trouvait Gomorrhe ? Aucun renseignement précis de l’Écriture ne saurait nous guider dans cette difficile question. L’opinion qu’on peut se faire dépend donc nécessairement de celle qu’on adopte pour l’emplacement de la Pentapole et de la vallée de Siddim. Deux

hypothèses ont cours actuellement. Le première cherche les villes maudites au nord de la mer Morte. En ce qui concerne Gomorrhe, en particulier, M. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 165-167, croyait l’avoir retrouvée dans les ruines de Gumrdn, vers l’extrémité nord-ouest du lac. C’est une de ces assimilations basées sur une pure apparence onomastique, qui ont souvent séduit l’esprit primesautier du savant voyageur. M. Clermont-Ganneau a, par des arguments surtout philologiques, combattu cette identification dans la Revue archéologique, mars 1877, p. 193-198. Les explorateurs anglais, tout en adhérant à cette première hypothèse, se contentent d’indiquer, comme pouvant rappeler Gomorrhe, Vouadi’Amr, situé à l’extrémité nord-est de la mer Morte. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 74. — La seconde opinion place la Pentapole au sud du lac Asphaltite, en prenant comme point de repère les deux villes de Sodome et de Ségor, dont la situation lui paraît suffisamment établie. C’est d’après cela que M. Clermont-Ganneau, Recueil’d’archéologie orientale, Paris, 1888, t. i, p. 163, suggère cette conjecture sur l’emplacement possible de l’antique cité : « Les rives méridionales de la mer Morte, dit-il, ne nous fournissent aucun nom topique approchant de celui-là [Gomorrhe]. En revanche, les anciens géographes arabes nous parlent d’une localité qui, au point de vue purement onomastique, ferait admirablement l’affaire : c’est -^i, Ghamr. Moqaddesy la mentionne sur la route qui mène de Ramléh de Palestine au désert d’Arabie : « De Soukkariyéh à Touleil, « deux journées de marche ; de Touléil à Ghamr, deux « journées ; puis à Waila (Élath, sur le golfe d’Akabah), « deux journées. » « À Ghamr, dit-il ailleurs, il y a de « l’eau mauvaise qu’on obtient en creusant dans le sable. » Je n’hésite pas à reconnaître ce Ghamr dans VAïn Ghamr de nos jours, situé dans l’Arabah, au débouché de l’ouadi Ghamr, à environ une vingtaine de lieues au sud de l’extrémité méridionale de la mer Morte. Que si l’on éprouve quelque répugnance à mettre Gomorrhe à pareille distance de la mer Morte, il ne faut pas oublier que, d’après la façon même dont la Genèse, x, 19, procède à son énumération, Gomorrhe semble, ainsi que Séboïm et Adama, avoir été au sud de Sodome. Dans ce cas, la Pentapole se trouverait donc occuper la partie méridionale du bassin primitif de la mer Morte, Sodome et Sigor étant, à droite et à gauche, les deux villes les plus septentrionales du groupe. Ce serait bien conforme à la tradition arabe, qui n’est pas à dédaigner, tradition qui place justement dans cette région ce qu’elle appelle les « villes du peuple de Lot ». C’est ce qui résulte avec évidence de l’énumération de Moqaddesy qui décrit ainsi, en remontant successivement du sud au nord, la limite du désert d’Arabie : Waila, Élath ; les villes du peuple de Lot ; Moab, Amman ; Edra’al ; Damas et Palmyre. » Si nous admettons volontiers l’emplacement de Gomorrhe au sud de la mer Morte, il nous semble difficile de la reconnaître si loin, malgré la ressemblance, ou, si l’on veut même, l’identité des deux noms. L’énumération de la Genèse, x, 19, semble précisément la rapprocher beaucoup plus de Sodome, à laquelle, du reste, elle est généralement unie dans les différents passages de l’Écriture où elle est citée. Ensuite, peut-on dire que Aïn Ghamr appartenait au kikkâr ou « cercle » du Jourdain, dans lequel la Bible nous montre ces deux villes ? Gen., xiii, 10. Enfin, et surtout, comment Abraham, des hauteurs qui avoisinent Hébron, aurait-il pu, « en regardant du côté de Sodome et de Gomorrhe et de toute la région du kikkâr, voir la fumée qui montait de la terre comme d’un four ? » Il est impossible que de la le regard se porte jusqu’à vingt lieues au sud du lac. — On peut voir sur l’origine de la mer Morte et la destruction des villes maudites, M. Blanken-