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GLOSE


Le besoin naturel d’expliquer les mots vieillis dont on ne comprenait plus le sens, les noms propres de lieux qai avaient changé avec le temps, etc., était cause que les possesseurs ou les copistes d’un manuscrit écrivaient en marge ou entre les lignes, et quelquefois dans le texte lui-même, des notes qui en éclaircissaient les obscurités. La plupart des anciens manuscrits encore existants en sont la preuve. Cf. S. Jérôme, Epist., en, 46, ad Sunniam et Frelelam, t. xxii, col. 853.

Dans le texte hébreu.

Les gloses reVnontent peut-être

à une époque très reculée dans le texte hébreu. Il est très difficile, impossible même, excepté peut-être pour quelques passages en vers, de discuter aujourd’hui avec certitude ce qui est véritablement glose dans l’original, mais plusieurs explications en ont au moins l’apparence. Elles ont passé plus tard dans le texte courant lui-même, où elles rendaient service au lecteur, sans nuire par leur intrusion à l’intégrité substantielle de l’écrit inspiré. On peut citer comme exemple : « (Les Hébreux) campèrent en désert de Sin : c’est Codés » hî’Qddês. L’existence de ces gloses est admise par Tostat, Comment, in Deut., in-f », Venise, 1596, Deut., iii, quæst. 3, p. 15-16 (il attribue à Esdras les mots « jusqu’à ce jour », ꝟ. 14, et les mots : « On montre son lit de fer [d’Og], qui est à Rabbath, etc. », ꝟ. 11) ; par Cornélius à Lapide, InPentat. Argum., édit. Vives, t. i, 1866, p. 27 (il donne comme exemple, Gen., xiv, 14, où Dan est pour Lais ; les citations de Num., xxi, 14-15, 27, etc.) ; par Cornely, Introductio in lïbros sacros, t. ii, part, i, p. 83, etc. Sur ces gloses, cf. B. Welte, Nachmosaisches im Pentateuch, in-8°, Karlsruhe, 1841, p. 161-230.

Dans les Septante.

L’existence des gloses dans les

Septante est un fait certain, constaté par la comparaison de cette version avec le texte original. Ainsi, Jud., i, 27, en nommant Bethsan, les Septante ou leur glossateur ajoutent : r ! <rrt ExuOûv toSXiç, « c’est Scythopolis, » d’après le nom qu’on donnait à cette ville de leur temps. Cf. Frankel, Vorstudien zu der Septuaginta, in-8°, Leipzig, 4841, p. 70-77.

Dans la Vulgate.

Saint Jérôme ou ses glossateurs

ont aussi intercalé dans la version latine quelques gloses explicatives, dont la présence est facile à remarquer. Ainsi, Gen., xxxi, 47, lorsque Laban et Jacob ont nommé la pierre élevée en témoignage de leur alliance Yegar Sahaduthah et Gil’ad (Vulgate : Tumulum testis ; Acervum testimonii), saint Jérôme, qui a traduit en latin les mots sémitiques d’après leur signification, ajoute : uterque juxta proprietatem linguse suse, « chacun selon la propriété de sa langue. » — Gen., xxxrx, 19, lorsque la femme de Putiphar calomnie Joseph auprès de son mari, le traducteur ajoute que le maître de Joseph fut nimium credulus. — Jos., iii, 16, lorsque le texte hébreu nomme « la mer de sel », saint Jérôme explique : mare solitudinis, quod nunc vocatur Mortuum, « la mer du désert qu’on appelle maintenant mer Morte. » — Jud., x, 4, après avoir rapporté le nom hébreu des trente villes de Galaad appelées Havolh Jair, le traducteur glose : « c’est-à-dire villes de Jaïr. » — Au verset suivant, où l’original porte : « Jaïr… fut enseveli à Kamon, » la Vulgate nous dit : « Jaïr fut enseveli dans le lieu qui a pour nom Chamon, » etc. Voir aussi Jos., xviii, 17 ; Jud., Xvi, 17, etc.

III. Glossaires.

Les gloses furent tantôt écrites à la marge même des codices, vis-à-vis du mot qu’elles expliquaient, tantôt entre les lignes. Lorsqu’elles furent devenues nombreuses, on les réunit dans des livres séparés qu’on appela <t glossaires » ; l’auteur ou le compilateur des gloses reçut le nom de « glossateur ». Ce fut là l’origine de la lexicographie. Les gloses n’étaient pas d’abord rangées par ordre alphabétique, mais selon l’ordre où se rencontraient les mots dans l’auteur qu’on expliquait ; elles n’embrassaient pas non plus tous les mots d’une langue, comme nos lexiques et nos diction naires, mais seulement ceux que les glossateurs jugeaient obscurs ou peu connus. Leur but étant d’apprendre au lecteur ce qu’il ignorait, ils furent amenés peu à peu à élargir leur cadre et à ajouter à l’explication lexicolegique des notices historiques, biographiques, géographiques, etc. Enfin, pour rendre plus tard les gloses plus faciles à trouver, on les disposa par ordre alphabétique, comme dans nos dictionnaires. Ces anciens « glossaires f> rendent encore aujourd’hui de précieux services pour l’étude. Nous ferons connaître les plus importants en énumérant les principaux glossateurs.

IV. Glossateurs.

i. gloses rabbiniqves- — 1° Une partie de la Massore peut être considérée comme un glossaire du texte hébreu de l’Ancien Testament. Voir Massore. — 2° La plupart des commentaires des rabbins ne sont guère que des glossaires, parce qu’ils s’occupent surtout de l’explication des mots hébreux. — Voir par exemple : Opuscules et traités d’Abou ( l-Walid Merwan Ibn Djanah de Cordoue. Texte arabe publié avec une traduction française, par J. et H. Derenbourg, in-8°, Paris, 1880. Cf., du même, Le livre des Parterres fleuris, trad. Moïse Metzger, in-8°, Paris, J1889. — 3° Les rabbins du moyen âge ont souvent intercalé dans leurs commentaires hébreux des mots de la langue du pays où ils vivaient, lesquels sont de véritables gloses de l’expression sémitique. Voir A. Darmesteter, Gloses et Glossaires hébreux-français du moyen âge, dans ses Reliques scientifiques, 2 in-8°, Paris, 1890, t. i, p. 165195 (paru d’abord dans la Romania, t. i, 1872, p. 146176).

il. glossateurs grecs. — 1° Résychius. — Le plus ancien des glossateurs grecs que nous connaissions comme ayant formé un glossaire est un grammairien d’Alexandrie, nommé Hésychius. Il compila, vers 380, les gloses des commentateurs d’Homère et, à cette occasion, celles de quelques autres classiques. Le seul manuscrit connu de son œuvre est du xv c siècle ; il fut publié, mais avec des additions de son cru, par Masurus, in-f », à Venise, 1514. L’édition la plus récente est celle de Maurer Schmidt, ’Hiux^ou Ae£ix<Sv, 5 in-4°, Iéna, 1858-1868 (editio minor, 2 ïn-4°, Iéna, 1863, 1864, 1867). Hésychius devait être païen, mais dans le manuscrit qui est parvenu jusqu’à nous, des mains chrétiennes, depuis le Ve siècle, y ont intercalé des g loses bibliques, d’une véritable valeur. Les unes sont tirées de vocabulaires bibliques déjà existants à cette époque ; d’autres expliquent les mots difficiles par l’interprétation qu’en ont donnée Aquila et Symmaque dans leurs versions grecques de l’Ancien Testament ; d’autres enfin sont empruntées aux anciens commentateurs de l’Église grecque, tels que saint Basile, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Épiphane, Procope, etc. — Toutes les gloses du manuscrit hésychien relatives aux Saintes Écritures ont été réunies et publiées à part par J. Chr. Gl. Ernesti, Hesychii Alexandrini Glossse sacrée, grsece. Ex universo illius opère in usum interpretationis Lïbrorum sacrorum. Accesserunt, prseter dissertationem de Glossis sacris Resychii (parue auparavant, in-4°, Leipzig, 1782), Glossx greeese in Psalmos ex catalogo manuscriptorum Ribliotheese Taurinensis denuo édites, in-8°, Leipzig, 1785. Voici, comme spécimen, quelques-unes des premières gloses recueillies par Ernesti : "AëeX. itévOoç. — Ô6pa. So-jXt). itaXXox^. — âSpat. véat, SoOXat… — àfiiacm. xTlpôÇotTG. — àffâiret. ScaçuXeUetxtX. Voir aussi Glossse sacrée ex Hesychio, dans L. C. Valckenær, Opuscula philologica, 2 in-8°, Leipzig, 1808-1809, t. i, p. 175-202 ; cf. t. ii, p. 152-164. — Sur Hésychius et son œuvre, voir J. Aug. Ernesti, De vero usu et indole Glossariorum grsecorum, Leipzig, 1742, 1847 ; R. Bentley, Epistola lxix, viro J. Chr. Biel (sur Hésychius), dans ses Epistolm, in-8°, Leipzig, 1825, p. 192-199 ; J. A. Fabricius, Bibliotheca grseca, édit. Harles, t. vi, p. 201-227 ; C. Frd. Ranke, De Lexici Hesychiapi vera origine et