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ÉPHÈSE


représente un sphinx à corps de lionne et aux ailes déployées, qui s’est abattu sur un jeune homme nu, renversé sur une roche, et le déchire de ses griffes ; peut-être un symbole de la volupté tuant la vigueur et l’avenir de la jeunesse, comme sur le tombeau de la courtisane Laïs, à Corinthe. Paul, Timothée, Jean et tous les hommes de l’époque apostolique ont certainement vu ces œuvres remarquables. Des fragments de marbre épars autorisent à croire qu’il y eut aussi dans cette enceinte la statue colossale de quelque empereur. Un peu au sud-est, et plus près du port romain, a été mise à jour une double colonnade, que M. Benndorf appelle une bourse, et enfin, vers Pâques, à l’ouest de la belle salle romaine décrite tout à l’heure, on a exhumé les restes d’une basilique chrétienne à trois nefs, formées par deux rangées de colonnes à chapiteaux corinthiens. Quels souvenirs faut-il rattacher à ce sanctuaire ? on l’ignore. En tout cas, le quai du port, avec nombreuses salles pour conserver le blé et mesures sur stylobates, a vu débarquer les Apôtres, Priscille, Aquila, Jean, et peut-être Marie Madeleine ou même, d’après quelques-uns, la mère de Jésus (voir Jean, Marie) ; il a vu partir Paul, Apollo et les autres prédicateurs de l’Évangile se dirigeant vers l’Europe..

A peu de distance, vers le nord-est, signalons les ruines d’un édifice peut-être très important dans l’histoire de nos origines chrétiennes, et qu’on désigne sous le nom de la Double-Église. Il se compose, en effet, de deux églises faisant suite l’une à l’autre et circonscrites par un même mur extérieur. De forme rectangulaire, le monument mesurait dans son ensemble quatre-vingt-huit mètres de long sur trente-trois de large. Dans la première de ces deux églises, celle qui est vers le couchant, on voit les restes des quatre pilastres qui supportèrent une coupole centrale. L’abside, formée par un arc de cercle inscrit dans l’espacement de ces colonnes, laissait libres deux passages latéraux par lesquels on pénétrait dans la seconde église. Celle-ci fut une petite basilique partagée en trois nefs par une double rangée de colonnes. Elle avait, comme l’autre, une abside avec ses dépendances. Il est assez probable que la Double-Église fut la cathédrale où se réunit, le 22 juin 431, le Concile œcuménique d’Éphèse. Le principal des deux sanctuaires aurait été consacré à Marie, mère de Dieu, et l’autre à saint Jean, et ainsi s’expliquerait le passage assez embarrassant puisque le verbe y est supprimé, où, dans leur lettre au clergé et au peuple de Constantinople, les Pères du Concile disent : « ’EvOa ô 6eoX6yo ; ’Iwâvvii ; xal-fi ©eofôxoç napOévo ; tj àyîa Mapt’a. » Ils se trouvent réunis dans l’église où Jean et Marie sont honorés. Voir Les sept églises de l’Apocalypse, p. 132.

Si nous continuons notre marche vers le levant, nous trouvons le stade appuyé au midi sur le Prion et au nord sur des constructions solidement voûtées. Un portique de l’époque romaine, qu’il est aisé de reconstituer dans son ensemble, puisque les bases des colonnes sont encore en place, donne l’idée des constructions monumentales servant régulièrement d’avant-corps à de tels édifices. On retrouve dans les soubassements quelques-unes des fosses où étaient tenues en réserve les bêtes pour les jeux publics. On sait que les Romains se plaisaient à établir dans les centres importants des provinces conquises, ce qui faisait le charme principal, la grande attraction des fêtes publiques à Rome, les combats de bêtes et de gladiateurs. Il y en eut à Éphèse, et peut-être Paul, qui avait entrevu ces sanguinaires amusements, pensait-il aux malheureuses victimes qu’on y vouait régulièrement à la mort pour clore le spectacle, ëff^a™’àroîavBTioi, quand, du voisinage même de ce stade, il écrivait aux Corinthiens : « Je crois que Dieu nous traite, nous Apôtres, comme les infortunés qui sont destinés à mourir les derniers dans l’amphithéâtre, nous donnant en spectacle au mande, aux anges et aux" hommes ? » I Cor., iv, 9. En tout cas, ces luttes hor ribles avaient fortement frappé son imagination, et, voulant caractériser ses propres efforts contre les adversaires de l’Évangile, il disait qu’il avait combattu contre les bêtes, s6r l pio[i.oi-/T]<ra. I Cor., xv, 32. Évidemment c’est au sens figuré qu’il faut prendre ces paroles. Cf. Appien, B. C, où Pompée s’écrie : oîoiç 67)pt’oic [ia%(5[ie8a ; S. Ignace ad Rom., v : (ft)pio|j.a-/ù> Sià y^s * t.).., t. v, col. 809, et la légende consignée dans les Acta Pauli (voir Nicéphore, H. E., ii, 25, t. cxlv, col. 821), d’après laquelle l’Apôtre aurait élé exposé à un lion et à d’autres bêtes féroces, est absolument apocryphe.

Aussi peu fondée nous semble la tradition qui montre sur un monticule, vers l’occident, au delà du port romain, la prison de saint Paul, dans une tour carrée qui se rattache aux fortifications élevées par Lysimaque. Deux murs, se croisant au dedans, y forment quatre petits appartements. On l’aborde par une porte tournée au levant, vers l’intérieur de la ville. Une inscription que les explorateurs autrichiens viennent d’y découvrir donne le nom de cette tour et de la colline sur laquelle elle était bâtie : irûpYOS toO kam&iov ni-(t>>, ainsi que de la montagne à laquelle elle se rattache, et qui s’appelait l’Hermaion et non le Coressus. — Près du mur méridional du stade, mais sans en faire partie, une porte cintrée (fig. 587), construite avec des débris où figurent des sculptures et des inscriptions aussi incomplètes que disparates, s’est mieux conservée que le reste des monuments avoisinants. On n’en connaît pas la destination. Peut-être marquait-elle l’entrée d’une voie conduisant au Prion ?

Sur cette montagne courent encore en zigzag et descendent en forme de scie, — de là son nom de Ilpiiiv, — pour remonter et redescendre encore, les arasements des vieux remparls. Sur la pointe méridionale, à cent cinquante mètres de hauteur, cinq blocs de pierre marquent la place d’un temple probablement consacré à Jupiter Pluvius et que l’on trouve figuré sur une très intéressante médaille d’Éphèse, conservée au British Muséum. À la jonction des deux collines, les Arméniens vénèrent annuellement le souvenir de saint Jean. Est-ce le lieu où il aurait habité ? En tout cas, il ne faut pas chercher là son tombeau, qui se trouvait, comme nous le dirons tout à l’heure, sur la colline d’Ayassoulouk. On sait que la tradition de l’Église orientale, remontant au moins à saint Modeste, patriarche de Jérusalem, en 632 (voir dans Photius la première des homélies de ce saint, Cod. cclxxv, t. civ, col. 243), tradition confirmée par Grégoire de Tours, De gloria martyr., 30, t. lxxi, col. 731 ; par le moine Cédrénus, édit. de Bonn, t. ii, p. 200, et par les Menées, suppose que Marie Madeleine mourut et fut ensevelie à Éphèse. L’itinéraire de Willibald, dans Itinera Hieros., Genève, 1880, fasc. ii, p. 288, dit que le pieux pèlerin, passant à Éphèse, alla admirer, en l’arrosant de ses larmes, la poussière en forme de manne qui sortait du tombeau de saint Jean, et se recommanda à Marie Madeleine, ensevelie en cette ville. Sa sépulture se trouvait dans une église portant son nom et située sur une montagne nommée Quiléon. Le sarcophage était tout ouvert. C’est là que l’empereur Léon le Philosophe fit prendre ses restes pour les transporter à Constantinople. Voir Bollandistes, Acta sanct., 22 julii. On montre encore aujourd’hui sur les hauteurs septentrionales du Prion, à l’aquilon de la ville byzantine, près de la grotte des SeptDormants, un tombeau qui aurait été celui de Madeleine ; mais on n’y voit pas trace d’église. Plus près du théâtre et sur l’autre colline aurait été, diton encore, celui de Timothée. En réalité, tout cela semble surtout très fantaisiste, et le fait que saint Jean fut enseveli sur le mont d’Ayassoulouk rend peu probable l’authenticité des sépultures de la même époque sur le Prion.

Au nord du stade, d’importantes ruines dont les substructions voûtées subsistent encore et servent d’abri aux troupeaux, furent, d’aprèsjes uns, un gymnase ; d’après les autres, le Prétoire de l’époque romaine. D’un coté il