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CANON DES ÉCRITURES


d Pastorem vero nuperrime temporibus nostris in Urbe Roma Herma conscripsit, sedente cathedra Urbis Eomse ecclesise Pio episcopo fratre ejus. Et ideo legi eum quidem oportet, se publicare vero in Ecclesia populo neque inter Profetas completum numéro, neque inter Apostolos in finem temporum potest. » Arsinoi autem seu Valentini vel Miltiadis nihil in totum recipimus. Quin etiam novum psalmorum librum Marcioni conscripserunt. Una cum Basilide Asianum catafrygum constitutorem… » (La fin manque.)

Ce canon a été l’objet de nombreux travaux. Voir Muratori, qui l’a publié le premier dans ses Antiquitates italicx medii sévi, t. iii, p. 851 ; S. P. Tregelles, Canon Muratorianus (avec un fac-similé de l’original), in-4°, Oxford, 1867 ; F. Hesse, Dos Muratorische Fragment, Giessen, 1873 (avec une bibliographie complète jusqu’en "1873) ; Harnack, Muratorische Fragment, dans la Zeitschrifl fur Kirchengeschichte, t. iii, 1879, p. 258-408, 595-598 ; Frz. Overbeck, Zur Geschichte des Kanons, zwei Abhandlungen, in-8°, Chemnitz, 1880, p. 71 ; Th. Zahn, Geschichte des Neulestamentlichen Kanons, Erlangen, t. ii, 1890, p. 1 et suiv. ; A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur ivissenschaftliche Théologie, 1881, p. 129 ; B. F. Westcott, À gênerai Survey of the histonj of the Canon of the New Testament, 6e édit., 1889, p. 521 ; A. Kuhn, Der muratorische Kanon, Zurich, 1892 ; G. Koffmane, dans les Jahrbûcher fur deutsche Théologie, herausgegeben von Lemme, t. ii, p. 163 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, 1. 1, n° 102, p. 102-108.

Au ii= siècle, à part des lacunes accidentelles, nous ne trouvons guère que la seconde Épître de saint Pierre qui ne soit pas expressément mentionnée comme apostolique, ce qui peut s’expliquer facilement par la brièveté de cet écrit. De tous ces témoignages, il résulte donc que, dès la seconde moitié du IIe siècle, le canon actuel du Nouveau Testament, à l’exception de quelques parties deutérocanoniques contestées, était admis par l’Église tout entière, et spécialement par l’Église romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises. L’apostolicité de certains écrits, tels que l’Épître aux Hébreux, était seulement douteuse dans quelques parties de l’Église, de même que divers autres étaient acceptés çà et là, à tort, comme inspirés.

§ 3. Histoire du canon du Nouveau Testament depuis le troisième quart du il’siècle jusqu’à la fin du ni’.

— Ce qui caractérise cette période, c’est que désormais les écrits du Nouveau Testament sont devenus d’un usage si commun, que dans la pratique ils ne font plus qu’un seul tout avec l’Ancien, et réunis ensemble forment le corps unique de l’Écrilure. S. Irénée, Adv. Hser., Il, 28, 2-3, t. vii, col. 804-807 ; Clément d’Alexandrie, Strom., vil, 3, t. jx, col. 417 ; cf. vi, 11 ; iv, 1, col. 309 ; t. viii, col. 1216 ; Tertullien, Adv. Marcion., IV, 1 ; Adv. Prax., iô, t. ii, col. 361, 172. Saint Irénée se sert des quatre Évangiles, Adv. Hxr., iii, 11, t. vii, col. 885 ; des Actes, qu’il attribue à saint Luc, Adv. Hser., iii, 14, t. vii, col. 913 ; d’au moins treize Épîtres de saint Paul, de deux de saint Jean, de la première de saint Pierre et de l’Apocalypse. Clément d’Alexandrie, au témoignage d’Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, analysait dans ses Hypotyposes tous les écrits des deux Testaments sans exception, et dans ce qui nous reste de lui, nous trouvons des citations de tous les écrits du Nouveau Testament, à l’exception de la seconde Épltre de saint Pierre. Origène non seulement connaît tous les écrits du Nouveau Testament, mais il nous en a laissé l’énumération. Honi. in Luc, I, t. xiii, col. 1803 : « L’Église, dit-il, a quatre Évangiles. Les hérésies en ont un grand nombre, entre autres celui qui est dit selon les Égyptiens, et celui qui est dit selon les douze Apôtres… Parmi tous ces écrits, nous approuvons ce que l’Eglise approuve, c’est-à-dire les quatre Évangiles qui

doivent être reçus. » Dans d’autres passages importants, qu’Eusèbe nous a conservés dans son Histoire ecclésiastique, vi, 25, t. xx, col. 581-585, le savant alexandrin s’exprime ainsi : « J’ai reçu, dit-il, de la tradition quatre Évangiles, qui sont admis seuls, sans aucune contradiction, dans toute l’Église qui est sous le ciel. Le premier est selon Matthieu, d’abord publicain, puis apôtre de Jésus-Christ ; il l’écrivit en langue hébraïque et le donna à ceux du judaïsme qui s’étaient convertis à la foi. Lesecond est selon Marc, qui l’écrivit comme Pierre le lui avait exposé. [Pierre] le reconnaît aussi comme son fils dans son Épître catholique, en ces termes : « L’Église « élue qui est à Babylone vous salue, ainsi que Marc, mon, « fils. » Le troisième Évangile est selon Luc, il a été loué par Paul et écrit pour les Gentils. Le dernier est selon Jean… Celui qui a été fait le digne ministre du Nouveau Testament, non par la lettre, mais par l’esprit, Paul, qui a porté l’Évangile depuis Jérusalem et ses environs jusqu’en Illyrie, n’a pas écrit à toutes les Églises auxquelles il a prêché, et à celles auxquelles il a écrit, il a adressé seulement quelques versets. Pierre, sur lequel est bâtie l’Église du Christ, contre laquelle ne prévaudront point les portes de l’enfer, a laissé une seule Épltre acceptée par tous. Admettons aussi que la seconde est de lui, car là-dessus il y a doute. Et que faut-il dire de celui qui reposa sur la poitrine de Jésus, de Jean, qui nous a laissé seulement un Évangile, quoique, dit-il, il aurait pu écrire tant de livres, que le monde n’aurait pas pu les contenir ? Il a écrit aussi l’Apocalypse, ayant reçu l’ordre de se taire et de ne pas décrire la voix des sept tonnerres. Il a écrit aussi une Épître très courte, et même, si l’on veut, une seconde et une troisième, quoique tous n’admettent pas qu’elles soient authentiques ; les deux contiennent à peine cent versets… Le style de l’Épître qui est adressée aux Hébreux n’a pas ce caractère de rusticité qui est propre à l’Apôtre ; car il avoue lui-même qu’il est inhabile dans la parole, c’est-à-dire dans la forme. Or quiconque peut juger de la différence des styles reconnaîtra que cette Epître l’emporte [sur les autres] par la composition et est en meilleur grec. Du reste, les pensées développées dans cette Épître sont admirables et ne le cèdent en rien à celles des lettres de l’Apôtre acceptées de tous : quiconque a lu avec attention les écrits apostoliques reconnaîtra que c’est la vérité… Je pense donc que les pensées sont de l’Apôtre, mais que les phrases et la rédaction sont d’un autre, qui note les paroles de l’Apôtre et qui a voulu résumer par écrit l’enseignement du maître. Si donc une Église regarde cette Épître comme étant de Paul, qu’on la cite sous son nom, car ce n’est pas sans raison que les anciens ont transmis la tradition qu’elle était de Paul. Qui a rédigé l’Épître ? Dieu sait la vérité. Les écrivains dont les récits sont parvenus jusqu’à nous ont dit, les uns, qu’elle avait été écrite par Clément, qui devint évêque de Rome ; les autres, par Luc, qui écrivit l’Évangile et les Actes. » Origène reçoit aussi l’Épître de saint Jacques et de saint Jude. In Exod., Hom. viii, 4, t. xxii, col. 355 ; In Matth., x, 17, t. xiii, col. 877, etc.

Non seulement ces passages nous renseignent sur la croyance de l’Église d’Alexandrie relativement au canon du Nouveau Testament, mais ils nous montrent aussi avec quel soin on s’efforçait de distinguer les écrits authentiques des Apôtres des écrits douteux, et de discerner, pour ceux qui étaient le sujet de quelque contestation, le degré de probabilité qu’on pouvait faire valoir en leur faveur ; comment aussi on était exact à ne pas donner une opinion personnelle comme l’expression de la tradition de l’Église. Ce que pense Origène sur les autres écrits de l’Église primitive fait ressortir encore davantage, s’il est possible, le zèle avec lequel s’exerçait alors sur ce point ce que nous appellerions aujourd’hui la critique. « Fidèle aux traditions d’Alexandrie, Origène se montre favorable au Pasteur d’Hermas, à l’Épître de Bar-