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EMMAUS


illustribus, lxiii, t. xxiii, p. 675 ; Chronique pascale, t. xcii, col. 657 ; Anastase, t. cviii, col. 1200. Jules Africain était chrétien, et il fut, prétendent quelques-uns, le premier évêque d’Emmaûs. Hébed Jesu, Calai, libr. Chaldœorum, 15, et Catena Corderiana, In Joa., cités par Fabricius, Patr. gr., t. x, col. 42-43. Cf. Le Quien, Oriens christianus, in-f°, Paris, 1740, t. iii, p. 594. Faut-il lui attribuer la construction de la basilique et du baptistère ? Leurs ruines peuvent se réclamer de cette époque, mais aucun document écrit ne les lui attribue. — Tandis que la persécution sévissait ailleurs, on ne voit pas que Nicopolis ait été troublée dans la pratique paisible du christianisme. On connaît quatre évéques de Nicopolis, après l’Africain : Longinus, qui souscrivit, en 325, les actes du concile de Nicée ; Rufus, ceux du deuxième concile général de Constantinople, en 381, et Zénobius, dont le nom se trouve au bas du décret synodal de Jérusalem, porté contre Anthime, Sévère et d’autres hérétiques, en 536. L’évêque Jules, que l’on aurait confondu à tort, selon Le Quien, avec Jules Africain, mourut sur le siège de Nicopolis, en 913. Ibid., Les pèlerinages durent fleurir à Nicopolis dès le m" siècle. Peut-être est-ce à l’occasion du sien qu’Origène fit connaissance avec Jules Africain et entra avec lui en relation épistolaire. On disait que le Seigneur, après sa résurrection, était venu avec Cléophas jusqu’au carrefour de trois routes qui est devant la ville, et que là il avait feint de vouloir aller plus loin. Sur ce carrefour était une fontaine, et l’on ajoutait que le Sauveur, passant un jour, [pendant le temps de ses courses évangéliques, ] à Emmaûs avec ses disciples, s’était écarté de la route pour aller laver ses pieds à la source, dont les eaux à partir de ce moment avaient contracté la vertu de guérir les maladies. Sozomène, H. E., v, 21, t. lxvii, col. 1281. L’afiluence de pèlerins que ces souvenirs devaient attirer ne pouvait plaire à l’empereur Julien ; il fit obstruer la source en la recouvrant de terre. Théophane, Chronogr., t. cviii, col. 160, et Nicéphore Callixte, H. E., x, 31, t. cxlvi, col. 536. Cet acte d’impiété n’étouffa pas la dévotion des fidèles. Vingt ans après la mort de l’Apostat, sainte Paule romaine, avec sainte Eustochium sa fille et probablement saint Jérôme, s’arrêtait à Nicopolis, « près de laquelle le Seigneur, reconnu à la fraction du pain, avait consacré la maison de Cléophas en église. » S. Jérôme, EpUtola ad Eustochium, t. xxii, col. 883. Les relations du prêtre Virgilius (vers 500) et de Théodosius l’archidiacre (vers 530) témoignent que les pèlerins ne négligeaient pas la visite de Nicopolis. L’année 614, les Perses envahirent la Terre Sainte. La ville sainte, les églises et les monastères furent saccagés et brûlés ; la basilique d’Emmaûs dut subir le sort des autres sanctuaires. Vingt-trois ans après (637), la Palestine passait sous la domination des Arabes. La troisième année de la conquête, la 18* de l’hégire, la peste éclatait à’Amo’âs et faisait fuir tous ses habitants, « à cause des puits, » disent les anciens écrivains arabes El-Moqaddassi et Yàqoùt, cités par Van Easteren, ’Amou’âs, p. 414, 415. Saint Willibald, disciple de saint Boniface et depuis évéque d’Eichstadt, voulut aussi, selon le récit d’un de ses anciens historiens, pendant son pèlerinage (723-726), vénérer à Emmaûs la maison de Cléophas changée’en église et boire à la source miraculeuse. Vita, dans les Acta sanctorum, édit. Palmé, juillet (7), t. ii, p. 515. L’église d’alors devait être l’église amoindrie qui remplaça la basilique du ni" siècle. Le Comniemoratorium de Casis Dei ou Catalogue des monuments religieux de la Terre Sainte, adressé à Charlemagne vers l’an 803, ne la mentionne plus. Le souvenir d’Emmaûs n’était cependant pas éteint. Le moine franc Bernard, dit le Sage, évoque son nom sur son chemin de Ramléh à Jérusalem, en 870. Itinerarium, 10, t. jcxxi, col. 571. Le moine hiérosolymitain Épiphane, t. cxx, col. 264, rappelle, vers la même époque, son nom et la tradition évangélique qui s’y rattache.’Amo’às était de venu, pendant cette période de la domination arabe, une des belles et grandes bourgades de l’islam. Moqadassi, Yaqoùt et d’autres, dans’El-Keniset-’el-kâtûlikîéh, Beyrouth, 1889, p. 414, 415, 416. La dernière station des croisés avant de monter à Jérusalem pour en faire le siège, fut au « castel d’Emmaûs ». L’armée y fut conduite par le guide sarrasin, qui avait indiqué là « des puits et des fontaines d’eau courante », où les soldats de la croix pourraient étancher leur soif. C’était le 15 juin 1099. Ils y trouvèrent « non seulement une grande abondance d’eau, mais du fourrage pour les chevaux et grande provision de vivre ». Albert d’Aix, liv. v, 23, dans Bongars, Gesta Dei per Francos, in-f>, Hanau, 1611, p. 273 ; Guillaume de Tyr, liv. vii, ibid., p. 743. D’après ces récits, l’Emmaûs où campèrent les croisés semble identique à l’Emmaûs du livre des Machabées, à’Amou’âs. Lés Francs ne paraissent pas s’en être occupés dans la suite ; ils n’ont laissé aucune trace de leur passage ni sur les ruines de l’église ni dans celles de la ville. Si le nom d’Emmaûs se rencontre dans les chartes et les relations des pèlerins des xii « et xm « siècles, il est parfois difficile de se rendre compte s’il se rapporte à la localité dont nous parlons. À partir du xiv » siècle, les pèlerins de l’Occident en oublient le chemin, et c’est â peine si quelque drogman l’indique de loin aux voyageurs montant de Ramléh à Jérusalem. Un vague souvenir rappelle encore le nom des Machabées, mais pour donner le change, et l’église aurait été élevée sur le tombeau des sept frères, martyrisés près de l’endroit. Lâtrùn, à cause de son analogie avec le nom latin latro, est devenu le Château du bon Larron. Cf. Sebast. Paoli, Codice diplomatico dei sacro militare ordine Gerosolymitano, n 0J xx, xxi, xuv, in-f », Lucques, 1733, t. i, p. 21, 22, 45 ; Boniface Stephani (1562), De perenni cultù T. S., Venise, 1875, p. 99 ; Quaresmius, Elucidatio Terne Sanctee, lib. vi, peregr. v, cap. i-iii, in-f", Venise, 1639, t.ii, p. 718-721, et la plupart des relations du xvi c siècle à nos jours. — En 1889, une noble Française, M" 8 de SaintCriq d’Artigaux, fit l’acquisition des ruines de l’église et de l’emplacement du village judaïque, pour les soustraire à la profanation. Les Trappistes sont venus, en 1890, s’établir sur les pentes ouest de la colline de Lâtrùn et y fonder un prieuré.

L. Heidet.

2. EMMAÛS (’Eppaoû ;  ; Codex Bezæ Cantabr. : OùXaji(i « oû{ et Oulanvmaus ; Codex ital. Vercell. : Ammaus ; version syriaque : ’Amma’us ; un codex syriaque du mont Sinaï : ’Ammu’as ; version arabe : ’Ammu’âs et’Amma’us), bourgade de la Judée où le Sauveur, le jour même de sa résurrection, vint avec Cléophas et un autre disciple, qui le reconnurent à la fraction du pain. Luc, xxiv, 13-35.

Les Pères de l’Église et les anciens commentateurs n’ont jamais distingué cette localité de la ville d’Emmaûs dont il est parlé I Mach., iii, 40, etc. Les pèlerins et les géographes des siècles passés ne connaissent également qu’un seul Emmaûs, quoique depuis le xme siècle ils lui attribuent ordinairement une position autre que les anciens. Le célèbre palestinologue Adrien Reland est le premier qui ait distingué l’Emmaûs dont parle saint Luc de l’Emmaûs des Machabées. Il donne deux raisons de cette distinction. 1° L’Emmaûs des Machabées, d’après les témoignages unanimes, authentiques et formels de la Bible et de l’histoire, était située où finissent les montagnes de la Judée et où commence la plaine des Philistins, à la distance de dix-huit milles romains au moins ou cent quarante-quatre stades de Jérusalem ; l’Emmaûs de saint Luc, au contraire, d’après le témoignage de l’évangéliste lui-même, était à « soixante stades » seulement de la ville sainte ou sept milles et demi, donc au cœur même des monts de Judée. — 2° L’Emmaûs des Machabées était une ville, k6U ; , qui fut appelée dans la suite Nicopolis, tandis que l’Emmaûs de saint Luc était un simple village, nwjiT). Il s’agit doue, dans les deux passages, de deux Emmaûs