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ELISÉE

1692

et il célébra un repas d’adieux avec ses parents et ses amis. Le repas achevé, il se leva, s’en alla, suivit Élie et le servit. Il se constitua ainsi son disciple, en attendant qu’il devînt son successeur. III Reg., xix, 19-21.

Tandis qu’Élie vécut, Elisée resta au second plan. Son activité commence à l’enlèvement d’Élie. Sa persistance à vouloir suivre ce jourlà son maître jusqu’au bout lui valut d’être le témoin attristé de la disparition du grand prophète et de recevoir une double part de son esprit et de sa puissance. Voir Eue. Il hérita aussi du manteau d’Élie, qui était le signe visible de la succession prophétique. Il en fit bientôt usage. Parvenu sur le. bord du Jourdain, il imita Élie et frappa les eaux du manteau qui lui avait été légué. La leçon de la Vulgate fait supposer que la confiance d’Elisée fut mise à l’épreuve, puisqu’il dût frapper deux fois les eaux avant qu’elles ne lui ouvrissent le passage. Mais le texte hébreu ne mentionne pas cette circonstance, et dit seulement qu’Elisée, plein de foi, agit au nom du Dieu d’Élie et renouvela le prodige qu’Élie avait opéré quelques instants auparavant. Ce prodige accrédita Elisée auprès des fils des prophètes, qui reconnurent en lui le successeur d’Élie, vinrent à sa rencontre et se prosternèrent à ses pieds jusqu’à terre. Ils lui demandèrent aussitôt l’autorisation de faire rechercher Elie. Bien qu’il n’eût pas d’espoir dans le succès des recherches, il les permit, vaincu par l’importunité de ses disciples et dans le dessein de les convaincre de la disparition complète de leur commun maître.

IL Sa mission. — 1° Elisée commença bientôt l’exercice de sa mission. Comme celle d’Élie, elle fut douce et bienfaisante à l’égard des humbles et des pauvres, menaçante et terrible envers les orgueilleux et les impies. Les habitants de Jéricho se plaignirent au prophète de l’insalubrité des eaux de leur ville et de leurs pernicieux effets. Elisée se fit apporter du sel dans un vase neuf, et il le jeta dans la fontaine. Ce sel, principe d’incorruptibilité, et symbole de la puissance curative du Seigneur, assainit, par la volonté de Jéhovah, que le prophète avait invoqué, les eaux de la fontaine appelée aujourd’hui Aïn-es-Soultan (voir col. 1696). Montant de Jéricho à Béthel, Elisée dut exercer sur ses contempteurs les effets de la vengeance divine. Comme il approchait de cette dernière ville, qui était un des centres du culte des veaux d’or, III Reg., xli, 29, de jeunes garçons qui en sortaient se moquèrent de lui et l’insultèrent. C’étaient sans doute des enfants d’Israélites, qui étaient devenus idolâtres. Reconnaissant un prophète du vrai Dieu, ils le tournèrent en ridicule, en raison de sa calvitie précoce. Voir col. 89. Elisée les maudit au nom de Jéhovah, et aussitôt deux ours sortirent de la forêt et déchirèrent en morceaux quarante-deux de ces enfants. Elisée n’avait pas cédé à un mouvement de vengeance personnelle ; il avait voulu faire respecter un prophète de Dieu. Aussi le Seigneur rendit-il efficace sa malédiction, afin d’imposer aux idolâtres une crainte salutaire à l’égard de ses envoyés. Cf. Quxstiones et responsiones ad orlhodoxos, q. lxxx, Pair, gr., t. VI, col. 1321. De Béthel, Elisée se retira sur le Carmel, probablement pour se recueillir et se préparer dans la solitude à sa mission publique. Il revint ensuite à Samarie, IV Reg., il, 1-25, où il avait une maison. IV Reg., vi, 32.

2° Il ne tarda pas à se mêler à la politique. Les rois d’Israël, de Juda et d’Édom s’étaient coalisés contre Mésa, roi de Moab. Dans le désert de l’Idumée, leurs troupes manquèrent d’eau. Dans cette extrémité, Josaphat, roi de Juda, demanda un prophète de Jéhovah qui pût prier pour eux. Un serviteur du roi d’Israël désigna Elisée, le disciple familier d’Élie, celui qui versait de l’eau sur ses mains. Elisée avait donc suivi l’armée. Josaphat, qui connaissait déjà sa réputation, alla avec les deux autres rois lui demander audience. Elisée dit à Joram des paroles sévères et le renvoya aux prophètes de son père et de sa mère, aux prophètes de Baal et d’Astarté, qu’Achab et Jézabel avaient introduits dans le royaume d’Israël.

Joram implora humblement son assistance en considération des rois alliés. Elisée attesta par serment qu’il ne remplirait son ministère prophétique que par égard pour Josaphat, qui était un fidèle adorateur de Jéhovah. Mais sa conversation avec Joram avait troublé son âme. Afin do calmer son émotion et de se disposer ainsi à recevoir l’inspiration prophétique, il demanda un harpiste. Tandis que le musicien jouait, l’esprit du Seigneur anima Elisée, qui au nom de Jéhovah promit l’eau pour les troupes et prédit la défaite des Moabites. Le lendemain matin, conformément à la prédiction, les eaux affluèrent du sud, du côté de l’Idumée, dans le lit du torrent. Elisée avait annoncé qu’elles ne tomberaient pas sur les troupes alliées, mais qu’elles viendraient d’ailleurs, à la suite d’un orage ou d’une trombe que l’on n’aurait pas entendu. Au lever du soleil, les Moabites aperçurent les eaux rouges comme du sang ; ils crurent qu’elles étaient rougies par le sang des alliés, versé par leur propre glaive, et qu’ils n’avaient plus qu’à courir au butin. Ils éprouvèrent, au contraire, selon la prophétie d’Elisée, une défaite complète. IV Reg., iii, 9-25.

3° L’historien sacré a groupé ensuite une série de miracles dans le but de montrer qu’Elisée avait réellement hérité dé la puissance d’Élie. 1. Le disciple réalise les mêmes prodiges que son maître. La veuve d’un prophète, poursuivie par un créancier impitoyable, recourt à Elisée. Pour lui procurer des ressources, celui-ci multiplie miraculeusement un peu d’huile et en remplit un grand nombre de vases vides. L’huile ainsi augmentée fut vendue, et le prix de la vente suffit non seulement à payer les dettes, mais encore à pourvoir aux besoins de la veuve et de ses fils. — 2. Une femme riche de Sunam donnait souvent l’hospitalité au prophète ; elle fit même construire pour lui un logement séparé, qu’elle meubla convenablement. Un jour, par reconnaissance, il lui offrit d’employer pour elle son crédit à la cour. Mais elle n’avait aucun procès, et toute intervention en sa faveur était inutile. Giézi, serviteur d’Elisée, fit alors remarquer à son maître que son hôtesse n’avait pas d’enfant et que son mari était vieux. Elisée promit à la Sunamite qu’en récompense de sa généreuse hospitalité elle aurait un fils l’année suivante. La promesse inespérée s’accomplit exactement. L’enfant, devenu grand, alla un jour voir son père, qui surveillait ses moissonneurs. Soudain il se plaignit de violentes douleurs de tête ; il venait probablement d’être frappé d’insolation. Revenu à la maison, il mourut sur les genoux de sa mère. Celle-ci, remplie de confiance en Dieu, porta le cadavre sur le lit du prophète et ferma la porte de la chambre. Elle tint secrète la mort de son fils, et demanda à son mari un serviteur et une ânesse pour aller trouver l’homme de Dieu. Le mari s’étonne de cette visite, faite en un jour ordinaire, en dehors de la néoménie et du sabbat. Sa femme insiste et part en toute hâte vers le Carmel. Dès que le prophète l’aperçoit, il envoie Giézi à sa rencontre. Elle se jette aux pieds d’Elisée, et par cette attitude suppliante lui révèle le malheur qu’il ignorait. Profondément ému du chagrin de cette mère, il commande à Giézi d’aller à la maison et de placer son bâton sur la tête de l’enfant. Mais la pauvre mère entraîne le prophète à sa suite. Giézi, qui les avait précédés, n’avait pas réussi à ressusciter l’enfant, qui restait sans voix ni sentiment. Entrant dans la chambre, Elisée recourut au procédé par lequel Élie avait ressuscité le fils de la veuve de Sarepta. Se couchant sur le cadavre, il se mit bouche sur bouche, yeux sur yeux, mains sur mains. Le retour à la vie eut lieu progressivement. La chair de l’enfant commença par se réchauffer au contact du prophète. La foi de celui-ci ne fléchit pas. Hebr., xi, 35. Pour calmer son émotion et attendre le résultat définitif de sa prière, il descendit et se promena dans la maison. Il remonta et se coucha de nouveau sur l’enfant, qui bâilla sept fois et ouvrit les yeux. Il fit appeler la mère et lui remit son fils vivant. Elle, se jetant à ses