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CANON DES ÉCRITURES


soit incertaine, nous pouvons le rattacher â l'Église romaine, puisqu’il est écrit en latin. Il est inséré dans le Codex Claromontanus, ainsi nommé parce qu’il provient de Clermont, près de Beauvais (Oise). Ce Codex contient les Épitres de saint Paul en grec et en latin ; il est conservé aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de Paris, n° 107, où il est entré en 1707. Entre l'Épître à Philémon et l'Épître aux Hébreux se trouve un catalogue stichométrique de l’Ancien et du Nouveau Testament ; il a été publié pour la première fois en 1672 par Cotelier (voir Patres apostolici, édit. de Jean Leclerc, 1. 1, Amsterdam, 1721, p. 8). Le manuscrit des Épîtres est du VI 8 siècle, mais divers indices prouvent que la liste des Livres Saints qu’il reproduit est du ine siècle. Voir Claromontanus (Codex). Cf. C. A. Credner, Geschiehte des Neutestamentliches Kanons, 860, p. 175 ; Th. Zahn, Geschiehte des Neutestamentliches Kanons, t. ii, p. 157-172, 1012. Voici ce catalogue :

(fol. 467 v.) Versus Scribturarum Sanctarum

ita Genesis ver [s] us ÏIÏÏD [4500]

Exodus versus ÏÎÎDCC [3700]

Leviticum versus iÎDCCC [2800]

Numeri versus HÏDCL [3650]

Deuterenomium ver ÏIÎCCC [3300]

Iesu Navve ver fi" [2000]

Iudicum ver Il [2000]

Rud ver CCL [250]

Regnorum ver.

Primus liber ver ÎÏD [2500]

Secundus lib. ver n [2000]

Tertius lib. ver ÏÏDC [2600]

Quartus lib. ver HCCCG [2400]

Psalmi Davitici ver fj [5000]

Proverbia ver IdC [1600]

Aeclesiastes dc [600]

Cantica Canticorum CCC [300]

Sapientia vers î [1000]

Sapientia IHÛ- ver Bp [2500]

XI profetæ ver ÏÏÏCX [3110]

(fol. 468 r.) Ossee ver DXXX [530]

Amos ver CCCCX [410]

Micheas ver ceex [310]

Ioel ver XC [90]

Abdias ver LXX [70]

Jonas ver CL [150]

Naum ver CXL [140]

Ambacum ver CLX [160]

Sophonias ver CLX [160]

Aggeus vers. ex [110]

Zacharias ver DCLX [660]

Malachiel ver CC [200]

Eseias ver UIDC [3600]

Ieremias ver IIIILXX [4070]

Ezechiel ver IIIDC [3600]

Daniel ver ÎDC L16O0]

Maccabeorum sic

Lib. primus ver ÏÏCCC [2300]

Lib. secundus ver ïtCCC [2300]

Liber quartus ver I [1000]

Iudit ver ÎCCC [1300]

Hesdra ÏD [1500]

Ester ver ï [1000]

lob ver IDC [1600]

Tobias ver I [1000]

(Voir le fac-similé, fig. 57. Cf. Codex Claromontanus, primum edidit C. Tisehendorf, gr. in-4°, Leipzig, 1852, p. 468-469 ; Th. Zahn, Geschiehte des Neutestamenliches Kanons, t. ii, p. 158-159.) Ce qui est le plus digne de remarque dans cette liste, c’est qu’elle contient tous les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Nous avons déjà vu du reste que ceux des Pères apos toliques qui avaient vécu à Rome, le pape saint Clément et Hermas, admettaient aussi les deutérocanoniques. Un autre témoin de la foi de l'Église romaine, que nous pouvons ajouter ici, est le martyr saint Hippolyte († 235), disciple de saint Irénée et évêque de Porto : il a commenté le livre de Daniel et en particulier l’histoire de Susanne, Explan. Sus., t. x, col. 089 ; il blâme les Juifs qui ne l’admettent pas dans leur Bible. Ce Père cite également la Sagesse, Baruch, Tobie et les deux livres des Machabées. — L’ancienne « version latine », antérieure à saint Jérôme, dont se sert l'Église romaine à cette époque, renferme aussi tous les livres protocanoniques et deutérocanoniques, comme l’atteste Cassiodore, Institut, divin, lilt., 14, t. lxx, col. 1125.

Ainsi, au m » siècle comme au il 8, dans toutes les parties de l'Église, sans exception, on admet unanimement les livres deutérocanoniques comme les protocanoniques, transmis les uns et les autres au clergé et aux fidèles par les Apôtres, comme la règle de foi. Quelques-uns citent çà et là quelques livres apocryphes ; mais ces écrits ne sont pas universellement admis comme les autres, et parfois on reconnaît même expressément leur caractère suspect. Ainsi, par exemple, Tertullien admire le livre apocryphe d’Hénoch, et il l’accepterait volontiers comme canonique ; mais il est forcé de reconnaître qu’il n’est reçu comme tel ni par les Juifs ni par les chrétiens. De cuit, fxm., î, 3, t. î, col. 1307. Pendant cette première période de l’histoire du canon de l’Ancien Testament, l’unanimité est donc complète. Aussi un des historiens protestants du canon, Éd. Reuss, le reconnaîtil expressément, en parlant de la fin du IIe siècle : « Les théologiens de celle époque, dit-il, ne connaissaient l’Ancien Testament que dans la recension grecque dite des Septante, et par conséquent ne font point de distinction entre ce que nous appelons les livres canoniques et les livres apocryphes [deutérocanoniques]. Ils citent ceux-ci avec autant de confiance que les premiers, avec les mêmes formules honorifiques, et en leur attribuant une égale autorité basée sur une égale inspiration. » Histoire du canon, in-8°, Strasbourg, 1863, p. 99.

On ne peut donc rien désirer de plus fort, do plus net et de plus concluant en faveur du canon de l'Église catholique, solennellement sanctionné par le concile de Trente. Il faut néanmoins poursuivre cette histoire pour se rendre compte comment des dissentiments ont pu se produire dans la suite. Ces dissentiments sont naturellement provenus de ce que les Juifs de Palestine n’admettaient que les écrits hébreux que nous appelons protocanoniques et rejetaient les autres. Ce n'était pas assurément aux Juifs, mais à l'Église, qu’il fallait demander la règle de la foi catholique ; cependant, comme le christianisme était sorti de la synagogue, il élait assez naturel de s’informer des livres qu’elle acceptait comme inspirés, puisque c'était une part de l’héritage qu’on avait gardé en se séparant d’elle. De plus, et surtout pendant les premiers siècles, les docteurs chrétiens eurent souvent à discuter avec les Juifs, et ils ne purent se servir contre eux, comme nous le voyons dans saint Augustin et dans Origène, que des livres dont ces ennemis nés de la religion du Christ acceptaient l’autorité. De là la nécessité de les connaître et de les distinguer. Origène, qui vivait au milieu des Juifs, en Egypte, sait exactement quels étaient les livres admis par les Palestiniens, et, suivant son penchant habituel pour l’allégorie, il cherche même une fois, In Ps. î, t. xii, col. 1084, à établir une comparaison mystique entre le nombre des lettres de l’alphabet, qui « sont une introduction à la science et à la doctrine », et celui des livres sacrés juifs, qui « sont une introduction a la sagesse divine » ; mais, comme nous l’avons déjà vii, il n’y a pas un seul de ses écrits où il ne fasse usage des deutérocanoniques. — Saint Juslin, disputant, à Éphèse, avec le Juif Tryphon, et sachant aussi quels sont les livres dont