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CANON DES ECRITURES


exclusive contre les deutérocanoniques, et qu’ils les ont transmis à l’Église comme inspirés ; de même les témoignages postérieurs nous apprennent le juste nombre des additions qui ont été faites au canon hébreu par l’autorité apostolique. » A. Loisy, Histoire du canon de l’Ancien Testament, in-8°, Paris, 1890, p. 71-72. Il est à peine besoin de faire remarquer que les Pères apostoliques, comme ceux qui sont venus après eux, ont fait usage des protocanoniques toutes les fois qu’ils en ont eu l’occasion. Comme le fait n’est contesté par personne, il suffit d’avoir signalé les deutérocanoniques dont ils se sont servis. — Pour les indications complètes des passages scripturaires cités par les Pères apostoliques, voir Patrum apostolicorum Opéra, 3e édit. de 0. de Gebhardt, A. Harnack et Th. Zahn, 3 in-8°, Leipzig, 1876-1877, t. î, p. 144-145 ; t. ii, p. 382-384 ; t. iii, p. 272 ; Opéra Patrum apostolicorum, édit. Funk, Tubingue, 1878-1881, t. i, p. 564-578.

§ 3. Pères de la fin du n° et du me siècle. — Les continuateurs des Pères apostoliques ont écrit davantage ; ils citent par conséquent plus souvent les Saintes Écritures.

1° Pères originaires de Palestine. — Saint Justin le Martyr, qui florissait au milieu du IIe siècle, fait usage dans ses écrits, quoiqu’il fût originaire de Palestine, du canon alexandrin, que les Apôtres avaient transmis à l’Église. Il fait un tel cas de la version des Septante, que, le premier parmi les auteurs chrétiens, il en proclame l’inspiration, dans un écrit dont, il est vrai, l’authenticité n’est pas certaine. Cohort. ad Gr., 13, t. vi, col. 205. Il en fait l’éloge au juif Tryphon et blâme ceux qui n’acceptent pas leur traduction ; il est ainsi l’écrivain le plus ancien qui signale la différence qui existe entre le canon palestinien et le canon alexandrin, et c’est pour se prononcer explicitement en faveur du second. Cependant il s’abstient, pour discuter avec Tryphon, de lui alléguer les livres qu’il n’accepte pas, Dial. cum Tryph., 71, t. vi, col. 643 ; mais dans sa première Apologie, 46, ’t. vi, col. 397, il rappelle l’histoire d’Ananias, de Misaël et d’Azarias. Dan., m. — Un contemporain de saint Justin, Hégé sippe, originaire comme lui de Palestine, mais de plus Juif de naissance, qui écrivit, entre 150 et 180, ses Mémoires sur l’histoire de l’Église, dont il ne nous reste malheureusement qu’un petit nombre de fragments, parle de l’Ecclésiastique (îtavâpsiov o-oçi’av), au témoignage d’Eusèbe, H. E., IV, 22, t. xx, col. 384, et de Nicéphore, H. E., iv, 7, t. cxlv, col. 992.

2° Église d’Alexandrie. — Pendant que saint Justin adressait, en 138 ou 139, à Antonin le Pieux sa première Apologie, l’Église d’Alexandrie commençait à se distinguer entre toutes par l’éclat de l’enseignement de ses docteurs. Il nous est resté de plusieurs d’entre eux des écrits considérables, et par conséquent leur canon des Écritures nous est mieux connu. Ils ne font pas moins usage des livres deutérocanoniques que des protocanoniques. Clément d’Alexandrie (f vers 217) cite trois fois Tobie, deux fois Judith, les fragments d’Ésther, plus de vingt fois la Sagesse, plus de cinquante fois l’Ecclésiastique, vingt-quatre fois au moins Baruch, dans un seul de ses ouvrages, le Pédagogue, où il rapporte un passage de ce prophète, Bar., iii, 16-19, avec l’affirmation expresse : « La divine Écriture dit, t> Pasdag., H, 3, t. viii, col. 433 ; il rapporte l’histoire de Susanne, mentionne le premier livre des Machabées et cite une fois le second. Dans les Stromales, 1, 21, t. viii, col. 833 et suiv., il mentionne tous les livres de l’Ancien Testament, à l’exception de Judith, qu’ii cite ailleurs. Strom., ii, 7 ; iv, 19, t. viii, col. 969, 1328. — Le disciple de Clément, Origène (185-254), la gloire de l’Église d’Alexandrie par sa science et son esprit critique, n’ignore pas les attaques des Juifs de Palestine contre les deutérocanoniques ; mais il fait l’éloge de ces livres et les allègue comme parole divine. Il cite plus de dix fois Tobie, trois fois Judith, vingt fois environ la Sagesse, plus de soixante-dix fois l’Ecclésias

; tique, deux fois le premier livre des Machabées, quinze

fois le second. Il défend expressément contre Jules Africain les parties deutérocanoniques de Daniel, aussi bien que Tobie et Judith. Dans plusieurs endroits, il appelle les deutérocanoniques en termes formels « Écriture Sainte ». Il revendique pour l’Église le droit de déterminer elle-même quels sont les livres inspirés et canoniques. — Vers le milieu du me siècle, Denys d’Alexandrie († 264), dans les fragments de ses œuvres qui nous ont été conservés, continue les traditions de son Église relativement aux deutérocanoniques de l’Ancien Testament, et rapporte des passages de Tobie, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, de Baruch, en les faisant précéder de la formule consacrée : « Comme il est écrit ; comme dit l’Écriture. » Voir Migne, t. x, col. 1257, 1268, et Opéra S. Dionysii, édit. Simon de Magistris, Rome, 1796, p. 169, 245, 266, 274. (Migne a omis une partie de ses Œuvres dans sa Patrologie.)

3° Églises grecques d’Asie et d’Europe. — Les Églises d’Asie ne parlent pas autrement que celle d’Alexandrie dans ce qui nous a été conservé. Saint lrénée († 202), dont la voix est comme l’écho de l’enseignement de l’apôtre saint Jean en Asie Mineure, quoiqu’il soit devenu évêque de Lyon et soit par là en même temps un témoin de la foi des Gaules, saint lrénée cite la Sagesse, Baruch, l’histoire de Susanne, celle de Bel et du dragon. — L’Athénien Athénagore († 177) cite Baruch, iii, 36, comme un prophète, Légat, pro Christ., 9, t. VI, col. 908. — Saint Théophile d’Antioche (vers 170), dans son livre à Autolycus, cite plusieurs fois les deutérocanoniques. — La lettre synodale du second concile d’Antioche au pape Denys rapporte un passage de l’Ecclésiastique, en le faisant précéder de ces mots : « Comme il est écrit. » — Saint Grégoire le Thaumaturge, disciple d’Origène et évêque de Néocésarée, vers le milieu du IIIe siècle, cite Baruch, De fid. capit., 12, t. x, col. 1133. — Les Constitutions apostoliques, dans leurs six premiers livres, dont on place la composition au milieu du me siècle, rapportent des passages de tous les livres deutérocanoniques, à l’exception des Machabées. — Méthode de Tyr († 311) allègue comme Écritures, dans ses Discours, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, Susanne et Judith.

4° Église de Syrie. — Archélaus, évêque de Carchar, en Mésopotamie, au me siècle, cite la Sagesse dans sa Dispute avec Manès, 29, Pair, gr., t. x, col. 1474.

5° Église d’Afrique. — Le canon dont elle faisait usage au me siècle nous est connu par deux de ses grands écrivains, Tertullien (160-240) et saint Cyprien (f258). Ils ont entre les mains une version latine des Écritures faite, non sur le texte original, mais sur le grec des Septante et qui, comme la version grecque, renferme sans aucune distinction les protocanoniques et les deutérocanoniques ; ils attachent tous les deux, aux uns et aux autres, une égale importance. Tertullien cite Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, l’histoire de Susanne et celle de Bel et du dragon, le premier livre des Machabées. Dans les œuvres authentiques et indiscutables de saint Cyprien, nous rencontrons vingt-deux citations de la Sagesse et trente-deux de l’Ecclésiastique, sept de Tobie, une de Susanne, une de Bel et le dragon, quatre du premier et sept du second livre des Machabées. Le livre de Judith est le seul dont l’évéque de Carthage n’ait pas eu occasion de parler.

6° Église romaine. — Nous pouvons clore ces témoignages par celui de l’Église mère et maîtresse de toutes les autres, celle où saint Pierre a établi son siège. Vers 170, nous rencontrons un vrai catalogue des Livres Saints, celui qui est connu sous le nom de Muratori, et qui fut | écrit en grec à Rome. Malheureusement la partie relative j à l’Ancien Testament est perdue, mais dans ce qui a été I conservé nous trouvons encore une mention précieuse, celle du livre de la Sagesse. Un autre catalogue complet i est parvenu jusqu’à nous. Quoique sa véritable origine