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DIVORCE


jud., XVI, vii, 3 ; cf. XVIII, v, 4. À peu près à l’époque où vivait Notre -Seigneur, deux courants contraires se manifestaient parmi les docteurs sur la question du divorce. Les uns tendaient à le rendre rare et difficile. Sous leur influence, on fixa l’usage du contrat de mariage assurant les droits de la femme et lui ménageant une indemnité en cas de divorce. Ketuboth, 82 b ; Schabbath, 14 b. Certains pharisiens en vinrent à dire : « L’autel lui-même pleure sur celui qui répudie sa femme. » Gittin, 10 b ; Sanhédrin, 22 a. Des deux grands docteurs célèbres au temps de Notre - Seigneur, Hillel et Schammaï, le second se montrait sévère sur la question du divorce, La’érvâh réclamée par Moïse ne pouvait plus être, d’après lui, que l’adultère. Jerus. Solah, ꝟ. 16, 2. On sait qu’alors la peine de mort avait cessé d’être appliquée pour ce crime. Joa., viii, 5-11. Un peu plus tard, Gamaliel, quoique petit-fils de Hillel, partagea les idées de Schammaï. Il voulut que la dissolution légale du premier mariage précédât la célébration du second, et à cette époque fut dévolu à la femme le droit au divorce, jusque-là réservé au mari. Yebamoth, 65 a, b ; Ketuboth, lia. Hillel, au contraire, et les docteurs de l’école opposée à la précédente, permettaient le divorce non seulement pour cause d’antipathie, mais encore pour les motifs les plus futiles : un plat mal préparé, un rôti brûlé, une maladresse, Gittin, IX, 10 ; la sortie delà femme non voilée, une parole adressée au premier venu, des secrets divulgués. Ketuboth, vii, 6. Le rabbi Akiba osa même autoriser le divorce en faveur du mari qui trouvait une autre femme plus belle que la sienne. Gittin, IX, 10. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, admet le divorce pour n’importe quelles causes, xa6’3 ; 8/ ; 7roToCv aîxîaç, et il ajoute ingénument que les hommes en trouvent à volonté. Lui-même déclare, Vit., 76, qu’il renvoya sa femme, déjà mère de trois enfants, mais dont les manières ne lui plaisaient pas, et qu’il en prit une autre. — Une fois l’acte de répudiation rédigé, et au besoin, sur la demande de la femme, enregistré aux archives du Sanhédrin, l’épouse répudiée était libre de se remarier, à moins que le mari n’eût inséré dans l’acte une clause destinée à l’en empêcher. Les enfants en bas âge restaient à la garde de leur mère, jusqu’à l’âge de six ans pour les garçons, à perpétuité pour les filles ; mais le père était obligé de pourvoir à leur entretien. Ketuboth, 65 b. Cf. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 148-151 ; Selden, Vxor hebraica, in-8°, Francfortsur-l’Oder, 1673, p. 309-396.

IV. D’après la loi évangélique. — La question du divorce, agitée en sens divers, fut portée devant le divin Maître par des pharisiens, qui lui demandèrent malicieusement s’il est permis de répudier sa femme pour n’importe quelle cause, xoexà rcàtrav œirîav. Matth., XIX, 3. C’est à peu près la formule que reproduit Josèphe. Notre-Seigneur établit par sa réponse trois points d’importance capitale en la matière. — 1° Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ils soient « deux en une seule chair » ; en principe, la femme ne peut donc pas plus se séparer de son mari pour se donner à un autre, que la chair ne peut être arrachée d’un corps pour faire partie d’un autre corps. De là la loi primitive : ( Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. » Matth., xix, 5, 6. L’union indissoluble des époux est donc une règle d’institution divine, datant de l’origine même du genre humain. — 2° À l’objection des pharisiens : « Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit l’acte de répudiation et le renvoi de la femme ? » NotreSeigneur répond que Moïse a donné cette permission à cause de la dureté du cœur des Israélites, mais qu’à l’origine il n’en a pas été ainsi. Matth., xrx, 7, 8. Le divorce, sous l’ancienne loi, a donc été un pis-aller ; on l’a permis pour empêcher les graves sévices et les haines homicides. Le divorce accuse ainsi une décadence morale par rapport à l’état primitif du genre humain. — 3° Le divin Maître formule ensuite la

loi qui devra désormais régir le mariage : « Quiconque renverra sa femme, sauf le cas de fornication (napexxô ; Xôyou rcopvei’aî, nisi ob fornicationem), et en épousera une autre, commet l’adultère, et celui qui épouse celle qui a été renvoyée commet l’adultère. » Matth., xix, 9. Il avait déjà dit, en une autre occasion : « Quiconque renverra sa femme, hormis le cas de fornication (mpextô ; X<Syov nopvEtaî, excepta fornicationis causa), lui fait commettre l’adultère, et celui qui épousera celle qui a été renvoyée commet l’adultère. » Matth., v, 32. L’incise napsxTo ; Xô-you itopviia ; ne se lit pas dans les passages parallèles de saint Marc, x, 11, et de saint Luc, xvi, 18, ni dans saint Paul, I Cor., vii, 10, 11. La défense de se remarier du vivant de sa première femme y est absolue. Les textes de saint Marc, de saint Luc et de saint Paul, ne peuvent être compris dans un autre sens. Celui de saint Matthieu serait en contradiction formelle avec eux si l’incise portait à la fois sur les deux verbes dimiserit et duxeril, ce qui signifierait que l’infidélité conjugale est le seul cas autorisant le divorce et le second mariage. On ne s’expliquerait pas alors que les autres écrivains sacrés aient passé sous silence un membre de phrase si capital. Mais la contradiction disparaît si l’effet de l’incise est restreint au premier verbe. Le sens est alors : « Celui qui renverra sa femme, [ce qui n’est permis qu’en cas de fornication, ] et qui en épousera une autre, commet l’adultère. » Ce sens est imposé par le contexte. Notre -Seigneur veut ramener la loi à sa perfection primitive ; or à l’origine la loi était absolue. « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. » L’homme le séparerait si, grâce à l’infidélité conjugale, il pouvait en venir au divorce et au second mariage, et, dans ces conditions, les paroles de Notre -Seigneur se contrediraient elles-mêmes. Les Apôtres comprennent fort bien qu’il y a dans la réponse du Sauveur un retour à l’austérité primitive de la loi conjugale, et ils en font la remarque : « Si tel doit être le cas de l’homme vis-à-vis de la femme, il n’y a pas d’avantage à. se marier, a Matth., xix, 10. Si Jésus-Christ avait permis le divorce dans le cas de l’adultère, il s’en serait tenu à la décision que préconisait Schammaï, et les auditeurs ne se fussent point étonnés. C’est parce qu’il va au delà, proscrit absolument le divorce et ne tolère la séparation qu’en cas d’infidélité de la part de l’épouse, que les Apôtres jugent le célibat d’un usage plus facile que le mariage. Saint Augustin, De adulter. conjug., i, 9, t. XL, col. 456, affirme que tel est bien le sens de la parole du Sauveur : « Il y aurait absurdité à nier qu’il y ait adultère à épouser celle que le mari a renvoyée pour cause de fornication, quand on taxe d’adultère celui qui épouse une femme répudiée sans qu’il y ait eu fornication. L’un et l’autre commettent l’adultère. Aussi quand nous disons : C’est être adultère que d’épouser la femme renvoyée par son mari sans qu’il y ait eu fornication, nous parlons de l’un des deux cas, sans nier pour~cela qu’il y ait adultère à épouser lafemme renvoyée pour cause de fornication. » En somme, il y a adultère dans les deux cas, avec cause atténuante dans le second. — Le mot uopveia, qui signifie « fornication » en général, ne peut vouloir dire ici qu’entre les époux en question il n’y a que fornication, parce que leur mariage n’est pas valide ; NotreSeigneur parle, en effet, d’épouse et non de femme libre. Il ne s’agit pas non plus de fornication antérieure au mariage. La rcopvsfoe n’est pas autre chose ici que l’infidélité conjugale gravement coupable, par conséquent l’adultère. Ainsi l’ont compris avec raison les Pères et les versions syriaque et éthiopienne, qui traduisent par « adultère ». Saint Augustin, De adult., ii, 4, t. XL, col. 473, résume clairement la doctrine du Sauveur en ces simples mots : « Il est donc permis de renvoyer l’épouse pour cause de fornication, mais le lien précédent subsiste, de telle sorte que c’est se rendre coupable d’adultère que d’épouser celle qui a été renvoyée même pour cause de forni-