Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/719

Cette page n’a pas encore été corrigée
1373
1374
DÉMON — DÉMONIAQUES


naissaient et qu’il était le Christ. Le divin Maître leur imposait silence et ne leur répondait ni oui ni non. Marc, i, 34 ; Luc, iv, 41. — Une autre fois, « les esprits immondes, on le voyant, se prosternaient devant lui et s'écriaient : C’est toi le Fils de Dieu. Et il les menaçait sévèrement pour qu’ils ne le découvrissent point. » Marc, m, 12. Ils l’appelaient « Fils du Dieu Très-Haut », et le suppliaient de ne pas les torturer. Matth., viii, 29 ; Marc, v, 7 ; Luc, viii, 28. Notre -Seigneur prescrivait aux démons de se taire pour rejeter tout témoignage venu d’eux. Cf. Petau, De angelis, I, viii, 13-15. D’ailleurs ce cri des démons ne pouvait être inspiré par aucun bon sentiment. Interpeller ainsi NotreSeigneur, « c’est une manière de combattre le Prophète ; en appelant Jésus : Saint de Dieu, Fils de David, Messie enfin, ils réveillent dans la foule les idées fausses qu’elle attache à ce titre, et nous savons que rien n'était plus propre à entraver i’action du vrai messianisme. » Didon, Jésus-Christ, Paris, 1891, t. i, p. 295. — 3. Jésus-Christ manifeste l’opposition que lui fait Satan au moyen des Juifs qui se laissent conduire par ses inspirations, et auxquels il reproche d’avoir le diable pour père. Joa., viii, 44. Satan trouve un auxiliaire dans Judas, dont il s’empare. Luc, xxii, 3 ; Joa., xiii, 2, 27. — 4. Notre -Seigneur déclare formellement, peu avant sa passion, que « c’eut maintenant le jugement du monde, maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ». Joa., xii, 31. La rédemption va, en effet, le déposséder de l’empire qu’il possédait sur l’humanité. Après la dernière Cène, le Sauveur ajoute : « Voici venir le prince de ce monde, et il n’a rien contre moi. » Joa., xiv, 30. Il n’a, en effet, aucun droit de mort sur celui qui n’a point péché en Adam. « Le prince de ce monde est déjà jugé, » Joa., xvi, 11, dit encore Notre-Seigneur ; sa sentence définitive a été portée dès sa révolte dans le ciel, et le nouvel attentat qu’il va commettre ne servira qu'à la faire ratifier. Au jardin de l’agonie, Jésus-Christ déclare qu’il pourrait recevoir du Père pour sa défense plus de douze légions d’anges, Matth., xxvi, 53, mais qu’il s’abandonne à ses ennemis parce que c’est leur heure et « la puissance des ténèbres », Luc, xxii, 53, c’est-à-dire l’heure où Satan, prince des ténèbres, Eph., vi, 12, pourra tout oser contre lui. — 5. Par sa mort, Jésus-Christ « détruit celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable ». Hebr., ii, 14. « Il a effacé le texte du décret qui nous était contraire, et l’a mis hors d’usage en le fixant à la croix. Dépouillant ainsi les principautés et les puissances, il les a données hardiment en spectacle et en a publiquement triomphé en sa propre

[[File: [Image à insérer] |300px]]
492. — Têtes de démons. Musée de Saint -Louis à Cartbage.

personne. » Col., ii, 14, 15. Ainsi a cessé en droit l’empire de Satan, en attendant qu’il cesse en fait à la fin du monde.

Les mauvais esprits ont été figurés par l’art chrétien sous la forme d'êtres hideux. Ces représentations sont antérieures au christianisme, et on les retrouve chez les pæns. Parmi les amulettes que l’on rencontre parfois en si grand nombre dans les tombeaux puniques de Carthage, on remarque souvent des têtes cornues à face de satyre (Qg- 492), offrant les diverses expressions que l’on donne de nos jours aux figures du démon. Tous ces masques proviennent de sépultures datant du vi « siècle

environ avant notre ère.

H. Lesêtre.
    1. DÉMONIAQUES##

DÉMONIAQUES (SaijH>v : £ô|i.evoi, Sat|iovio-81vT£ç, 8ai(idvca ïxovteç, acX>]vta£<>tievot, a demonio vexati, deemonia kabentes, lunalici), possédés du démon, c’est-à-dire hommes sur le corps desquels le démon exerce un pouvoir malfaisant. Voir § III.

I. Les cas de possession diabolique. — 1° Dans l’Ancien Testament. — Par deux fois, il est dit de Saûl qu’un esprit mauvais, rûah râ'dh, venant de Dieu, c’està-dire déchaîné par la permission de Dieu, fit irruption en lui. Cet esprit l’agitait, lui inspirait une humeur farouche et homicide, qu’il fallait calmer au moyen de la musique. I Reg., xvi, 14-16 ; xix, 9. Josèphe, Ant. jud., VI, viii, 2, raconte que les mauvais esprits causaient à Saûl des suffocations et des étranglements, si bien que les médecins ne lui prescrivaient aucun autre remède que la musique. Plus loin, VI, xi, 2, il fait dire par Jonathas que David a chassé les mauvais esprits et les démons qui hantaient Saûl, et qu’il lui a rendu la tranquillité.

2° Dans le Nouveau Testament. — 1. En général, la possession est accompagnée de diverses maladies : la privation de la vue et de la parole, Matth., xii, 22 ; Luc, xi, 14, ou de la parole seule, Matth., ix, 32 ; la contraction musculaire persistante, Luc, xiii, 11, 16 ; des maladies non indiquées par les évaiigélistes. Matth., vm, 16 ; Marc, i, 32, 34, 39 ; Luc, iv, 41 ; vii, 21 ; viii, 2 ; Matth., xv, 22 ; Marc, vii, 25. — 2. Dans plusieurs cas, les démons produisent la paralysie et l'épilepsie (le mal des o-e).ïjvia !  ; 6[ievoi ou lunatiques). Matth., IV, 24 ; Marc, m, 11 ; Luc, vi, 18. Certains démoniaques épileptiques présentent des caractères effrayants. Tel est le jeune homme qu’on amène aux Apôtres, pendant que NotreSeigneur est sur la montagne de la Transfiguration. Le démon le maltraite de toutes manières, le déchire, le jette dans le feu ou dans l’eau. Tour à tour le malheureux possédé écume, grince des dents, se roule à terre, tombe en prostration, perd la parole et pousse des cris. Matth., xvii, 14 ; Marc, ix, 16, 17 ; Luc, ix, 39. — 3. Chez les démoniaques de Gadara, c’est la folie la plus furieuse. Ils sont deux à habiter dans des sépulcres, toujours redoutables aux passants et brisant toutes les chaînes dont on veut les charger. L’un en particulier met tout en pièces, crie sans cesse, ne souffre pas de vêtements, se frappe avec des pierres et court le désert sous l’impulsion du démon. Matth., viii, 28-32 ; Marc, v, 2-13 ; Luc, viii, 27-33. — 4. Le démon fait parler certains possédés, déclarant par leur bouche qu’il reconnaît en Jésus-Christ le Fils de Dieu. Marc, I, 24, 34 ; iii, 2 ; v, 7 ; Luc, iv, 34, 41 ; viii, 28 ; Matth., viii, 29. Voir Démon, IV, 2. À Philippes, en Macédoine, une fille possédée d’un esprit python poursuit saint Paul et Silas en criant : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu TrèsHaut, qui vous annoncent la voie du salut. » Act., xvi, 16-18. — 5. Enfin il arrive aussi que certains possédés tombent au pouvoir de plusieurs démons et non plus seulement d’un seul. Notre-Seigneur dit que quand l’esprit immonde est sorti d’un homme, il va chercher sept autres esprits pires que lui pour reprendre possession de sa victime. Matth., xii, 43-45 ; Luc, xi, 24-26. Madeleine fut ainsi possédée de sept démons. Marc, xvi, 9. Les démons étaient en si grand nombre dans un autre malheureux, qu’ils s’appelaient eux-mêmes « légion ». Marc, v, 9 ; Luc, viii, 30.

II. RÉALITÉ DES POSSESSIONS DIABOLIQUES. — On lait

valoir contre cette réalité certaines raisons qui se résument aux deux suivantes. — 1° Les possédés ne sont que des malades ordinaires atteints de folie, d'épilepsie, d’hystérie et de certaines affections que la science du temps ne savait pas caractériser. Chez les Grecs, par exemple, 8<zi[iovàv signifiait simplement « avoir l’esprit égaré ». Euripide, Phœnic, 888 ; Xénophon, Memor., i, I, 9 ; Plutarque, Marcel., 23 ; Lucien, Philops., 16. De même, dans l'Évangile, on dit à Jésus qu’il a un démon, pour marquer qu’il ne sait plus ce qu’il dit ni ce qu’il fait. Matth., xi, 18 ; Joa., vii, 20 ; viii, 48, 52 ; x, 20. Sans